Climat social : pourquoi ça n'explose pas (encore) ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  666  mots
La France se carractérise par des conflits sporadiques parfois violents mais l'explosion sociale ne semble pas être d'actualité
La dernière note de conjoncture sociale réalisée par l'association Entreprise & Personnel ne table pas sur une explosion sociale en France en raison de différents facteurs, dont l'atomisation des mécontentements. En revanche, le pays vivrait une sorte de "décomposition sociopolitique."

« Confusions(s) sociale(s) » c'est ce qui caractériserait le climat actuel selon la dernière note de conjoncture sociale, réalisée chaque année par Entreprise & Personnel (E&P), une association qui regroupe plus d'une centaine de dirigeants d'entreprises afin d'échanger sur les problématiques liées aux ressources humaines et aux relations du travail.

En cette fin d'année 2014, selon E&P, la France n'est pas au bord de l'explosion sociale. En revanche, on assiste « à une forme inédite de décomposition sociologique et d'implosion sociale ». La France serait « engagée dans un long tunnel dont la sortie ne pourra être que politique ». Guère optimiste, l'association note que « les situations échappent aux acteurs institutionnels, les leviers traditionnels, y compris économiques, fonctionnent de moins en moins, le dialogue social tourne à vide dans un espace de plus en plus déconnecté du réel.... Mais cela ne structure pas en soi de la mobilisation collective, faute d'acteurs légitimes pour le faire et de projet rassembleur ».
Bref, pour E&P, l'époque se caractérise par une sorte de résignation et de fatalisme des salariés. Pour autant, le pays ne connaitrait pas, sauf accident, de tsunami social. Pourquoi un tel pronostic ? E&P avance ses arguments.

Les facteurs qui empêchent l'explosion

Certes, la situation économique est médiocre et le chômage élevé mais ce n'est pas nouveau. Et la rigueur prônée par le gouvernement - la baisse des allocations familiales pour certains ménages en est le dernier exemple - n'a rien à voir avec ce qui a été imposé en Espagne ou en Italie. De même, il est exact que le pouvoir politique est affaibli, mais sa légitimité démocratique n'est pas contestée.

En outre, toujours pour E&P, la majorité est certes divisée et ne fait même plus semblant d'être porteur du même projet, mais la droite est aussi divisée « et sans leader incontesté dans son camp et dans l'opinion »... Ce qui facilite la vie de la majorité. De même, les syndicats sont totalement atones « tous savent leur faiblesse, voire leur incapacité, à construire des mobilisation interprofessionnelles un tant soit peu puissantes. Sans même parler de leur discrédit dans l'opinion et de leurs divisions ».

Et si les mécontents de la politique menées « sont toujours plus nombreux »... Ils sont aussi « toujours plus atomisés, dispersés derrière les enjeux catégoriels ». E&P a raison, c'est en effet peut-être ce qui sauve le gouvernement en place : les « bonnets rouges », les huissiers ou les licenciés des abattoirs Gad n'ont pas grand-chose en commun dans leur révolte.

Enfin, autre raison pour comprendre « pourquoi ça n'explose pas », selon E &P :

« les classes moyennes salariés sont les victimes fiscales de la politique actuelle, mais elles s'expriment et s'exprimeront dans les urnes, pas dans la rue. Quant aux chômeurs, ce vaste agrégat de situations individuelles, il est bien aujourd'hui incapable de se faire entendre et de s'organiser collectivement ».

C'est donc surtout une forme de résignation qui prédomine... en attendant les échéances électorales importantes. Deux scénarios sont donc possible. Soit - enfin ! - la situation s'améliore « et alors un redressement du moral est possible ».

Rendez-vous... au plus tard en 2017

Soit, la conjoncture reste toujours aussi déprimée. Cela conduira alors, selon E&P, à « une stagnation de la croissance, des déficits non maîtrisés, une hausse des taux d'intérêts de notre dette, un chômage en progression, un effondrement de notre capacité à financer notre modèle social ».  In fine, cela mènera  « à une aggravation de la confusion et des grondements avec une sortie politique »... au plus tard en 2017. Mais attention cependant, il n'y a rien de plus risqué que les prédictions sociales: le 15 mars 1968, dans Le Monde, Pierre Viansson-Ponté écrivait son fameux "La France s'ennuie"...