Dans un contexte européen morose, l'industrie manufacturière tricolore s'enfonce

Par Fabien Piliu  |   |  911  mots
La plupart des industries européennes sont passées dans le rouge.
L'indice PMI manufacturier a reculé pour le cinquième mois consécutivement en France. Dans la zone euro, seule une poignée de pays a la tête hors de l'eau. La baisse de la fiscalité décidée par l'Etat peut-elle être efficace ? Les banques peuvent-elles faire mieux pour accélérer la sortie de crise ?

Sans réelle surprise, la France ne fait pas partie des locomotives de la zone euro. En octobre, pour le cinquième mois consécutif, l'indice PMI manufacturier qui évalue le dynamisme du secteur, a reculé en octobre, passant de 48,8 à 48,5.

Outre cette contraction de l'activité, que signale un indice en dessous du seuil de 50, cette nouvelle enquête de la société Markit relève trois points importants, tous décourageants : les nouvelles commandes continuent de reculer, le taux de déflation des prix de vente est à un sommet depuis cinq ans en raison de l'augmentation des pressions concurrentielles, et le repli de l'emploi s'accélère au cours du mois.

Selon la Fédération des industries mécaniques (FIM), après avoir progressé au premier semestre, le marché intérieur s'est stabilisé en septembre, marqué par la révision à la baisse des investissements productifs des entreprises. En avril, l'Insee tablait sur une hausse de 4% de l'investissement. Désormais ce n'est qu'une augmentation de 1% qui est anticipée. " Les dépenses d'investissements devraient croître pour les industries agroalimentaires (+ 6 %), les industries mécaniques et électriques (+ 8 %) alors qu'elles devraient reculer pour les matériels de transport (- 5 %) et les autres produits industriels (- 1 %), le bâtiment et les travaux publics étant en difficulté », prévoit la FIM.

L'activité progresse dans quatre pays seulement

Les industries de nos voisins sont-elles dans une situation plus favorable ? Peu d'entre elles affichent des performances enviables. " Les croissances de l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et l'Irlande sont éclipsées par les contractions enregistrées dans le reste de la région ", indique la société Markit. En Irlande, l'indice PMI atteint 56.6, soit un plus haut de deux mois. Aux Pays-Bas et en Espagne, il reste inchangé à 53 - un sommet depuis trois mois - et à 52,6. En Allemagne, il s'élève à 51.4, un plus haut depuis août. En revanche, il s'élève à 49 en Italie - un plus bas de 17 mois -, à 48,8 en Grèce 48.8 - un plus haut de deux mois - et à 46,9 en Autriche, un plancher inédit depuis 24 mois !

" L'industrie manufacturière de l'Eurozone continue d'enregistrer une croissance quasi-nulle en ce début de quatrième trimestre 2014, le secteur peinant à retrouver de l'élan après la période de ralentissement observée en milieu d'année. Il est ainsi peu probable que ce dernier puisse stimuler de manière significative la croissance anémique du PIB dans la zone de la monnaie unique. L'évolution des nouvelles affaires, qui reculent pour le deuxième mois consécutif, est particulièrement préoccupante, les entrées de commandes constituant un indicat²eur prévisionnel clé des volumes d'activité futurs ", commente Rob Dobson, économiste à Markit qui estime " très improbable " une reprise significative sur le court terme.

Une polémique vaine

" Ces tendances incitent bien évidemment les entreprises à se concentrer sur la réduction de leurs coûts et l'amélioration de leur compétitivité, ceci au détriment des niveaux d'effectifs et des marges bénéficiaires qui pâtissent du faible volume des ventes en octobre. Le niveau de la demande et la profitabilité des entreprises étant insuffisants pour accroître la capacité de production, le taux de chômage au sein de la zone euro devrait rester élevé au cours des mois à venir " , poursuit l'économiste dont les commentaires tombent à pic alors que la polémique entre Michel Sapin, le ministre des Finances et Pierre Gattaz, le président du Medef sur les allègements fiscaux accordés aux entreprises et leurs contreparties fait rage.

" Le gosplan (la planification économique pratiquée à l'époque de l'Union soviétique, Ndlr), c'est terminé depuis des années (...) Monsieur Gattaz avait un pin's à un million: qu'il tienne sa promesse. C'est déjà beaucoup, 41 milliards d'euros. Nous finançons cela avec un effort de la Nation, pour diminuer la dépense publique. Ce que je souhaite aujourd'hui, c'est que le patronat français cesse d'être dans une revendication qui se nourrit d'elle-même, pour être dans la mobilisation: c'est dans l'intérêt des entreprises ", a déclaré dimanche Michel Sapin lors de l'émission "Tous politiques" sur France Inter en association avec Le Parisien.

Le rôle des banques en question

Au-delà des postures adoptées par les deux hommes, la question de l'efficacité de l'action publique, notamment via la baisse de la fiscalité, reste donc posée. Tant que la demande restera faible, que les carnets de commande ne se regarniront pas, la probabilité que les gestes fiscaux ne permettent que de soulager à très court terme la trésorerie des entreprises. Un financement du besoin en fond de roulement que pourraient parfaitement assumer les banques.

Or, en dépit de faiblesse des taux d'intérêts fixés par la Banque centrale européenne (BCE) elles semblent s'acquitter de moins en moins de cette mission et privilégient les crédits à l'investissement. En France, même s'ils se situent encore à des niveaux élevés, les encours de crédit de trésorerie accordés aux sociétés non financières ont reculé de 0,6% en septembre sur un an indique la Banque de France.

Résultat, le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le coût est estimé à 10 milliards cette année pour les finances publiques, sert surtout à renflouer la trésorerie des entreprises en difficulté comme le révèle une étude récente de l'Insee.