Travail le dimanche : une rémunération doublée pour tous ? Le patronat s'inquiète

Par Fabien Piliu  |   |  802  mots
Prêts pour l'ouverture du dimanche ?
Marisol Touraine, la ministre des Affaire sociales, souhaite que le dimanche soit travaillé sur la base du volontariat et que la journée soit "si possible payée double », incluant de fait les entreprises de moins de 20 salariés. Le patronat est-il pris à son propre jeu ?

C'est une petite bombe qu'a lancé Marisol Touraine, la ministres des Affaires sociales ce vendredi. Interrogé sur BFMTV-RMC, la ministre a déclaré que le travail du dimanche devait être "volontaire" et, "si possible", "payé double". "Permettre qu'il y ait plus de souplesse pour travailler le dimanche, je trouve que c'est une bonne chose parce qu'il y a des secteurs géographiques où des touristes pourraient acheter, et pas que des touristes", a déclaré la ministre, avançant deux contreparties : le volontariat, et une meilleure rémunération.

"On ne doit pas imposer à quelqu'un de travailler le dimanche. Il faut éviter les pressions et permettre que quelqu'un puisse dire : j'ai une vie de famille, ou j'ai d'autres choses à faire et je ne veux pas travailler le dimanche", estime-t-elle. "On ne peut pas imaginer qu'un salarié travaille le dimanche au même prix qu'en semaine", a-t-elle poursuivie, "pas favorable" à ce qu'il y ait des différences entre les entreprises sur ce sujet.

Or, le projet de loi de relance de l'activité qui doit être présenté le 10 décembre par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron et qui comporte un volet sur le travail dominical dans le commerce fait des distinctions selon la taille de l'entreprise.

Les entreprises de moins de 20 salariés bientôt concernées ?

Le projet de loi prévoit d'étendre l'obligation de négocier des contreparties pour les salariés travaillant le dimanche au niveau de la branche, du territoire ou de l'entreprise, qui existait pour les les " périmètres d'usage de consommation exceptionnel " (Puce) créés en 2009 par la loi Mallié pour régulariser la situation de zones commerciales périurbaines en contravention avec l'interdiction du travail dominical. En revanche, aubine contrepartie n'est prévue pour les activités comprises dans zones touristiques ouvertes le dimanche

Si les négociations échouent, le texte prévoit que l'entreprise pourra fixer ces contreparties par décision unilatérale mais il impose au minimum que " chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d'un repos compensateur et perçoive pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ". Pour toutes les entreprises ? Selon le texte, les entreprises de moins de 20 salariés ne sont pas concernées. Après avoir envisagé de les exonérer de toute obligation de contrepartie, Bercy a finalement décidé d'accorder des contreparties à leurs salariés, sans les préciser. Pour quelles raisons ? Le ministère de l'Economie ne souhaitait pas fragiliser les petites entreprises des zones touristiques qui, actuellement, ne sont soumises à aucune obligation en la matière.  Jusqu'aux déclarations de Marisol Touraine...

Catastrophique pour l'emploi estiment les indépendants

Qu'en pense la patronat, qui poussait depuis de nombreuses années pour l'assouplissement des règles encadrant le travail dominical ? Pas représentatif des très petites PME et des TPE, le Medef ne devrait probablement pas réagir, si ce n'est pour défendre la distribution. A la CGPME, en revanche, on redoute que cette décision soit retenue. "Nous y sommes fermement opposés. Au regard de leur situation financière actuelle, les petits commerces préfèreront laisser leur rideau baissé. Sachant qu'un achat effectué le dimanche n'est pas une dépense du lundi, qui en profitera ? Les grandes enseignes", anticipe Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, le secrétaire général de la Confédération.

Sans surprise le Syndicat des indépendants (SDI) est également vent debout. " On ne peut que saluer cette volonté d'égalitarisme de la part du gouvernement. Mais les petits commerces n'ont pas les moyens de doubler les salaires de leurs employés. Si le parlement valide cette option, les conséquences seront probablement terrible en matière d'emplois. Avec cette décision, le gouvernement rompt le principe d'égalité face à la concurrence puisque le commerce de proximité ne pourra pas lutter avec les distributeurs qui eux, pourront appliquer la loi ", s'insurge Jean-Guilhem Darré, le délégué général du SDI.

Des zones touristiques internationales seront créées

Avant sa présentation en Conseil des ministres et le débat parlementaire prévu en janvier, le projet de texte prévoit de passer de 5 à 12 le nombre d'ouvertures dominicales des commerces que les maires peuvent autoriser chaque année. Les PUCE changeront de nom pour devenir des " zones commerciales " et des " zones touristiques internationales " seront créées. Leurs caractéristiques seront prochainement définies par décret et la création de chacune confirmée au cas par cas par un arrêté, sans passer par les municipalités concernées. Dans les périmètres de certaines gares, les commerces pourront également ouvrir le dimanche. C'est maintenant au Parlement de trancher.