Le crédit d'impôt recherche attire-t-il le fisc ?

Par Fabien Piliu  |   |  878  mots
Le coût très élevé pour l'Etat du crédit impôt recherche (CIR) incite-t-il le fisc à mener davantage de contrôles?
Bénéficier du crédit impôt recherche est-il synonyme de contrôle fiscal ? Certains le pensent. Une étude réalisée par le cabinet Taj fait un point éclairant sur cette question.

C'est une rumeur tenace. Selon certains experts et certaines organisations patronales, bénéficier du crédit impôt recherche (CIR) se traduit rapidement par une visite et un contrôle de l'administration fiscale.

Une étude réalisée par le cabinet Taj apporte quelques éclaircissements. Selon un sondage réalisé auprès de 200 chefs d'entreprises, 30% d'entre eux estiment avoir été soumis à un contrôle spécifique au CIR lors des cinq dernières années, ce qui positionne le CIR au même rang que d'autres contrôles au sein de l'entreprise comme l'URSSAF. Une précédente étude du cabinet réalisée en mai sur un panel de 150 dirigeants révélait que 66% des entreprises interrogées avaient été contrôlées sur leur URSSAF au cours des trois dernières années.

"Il n'y a donc pas de spécificité de la récurrence du contrôle CIR qui reste encore majoritairement examiné par l'administration dans le cadre d'un contrôle fiscal classique", avance l'étude.

Sans réelle surprise, c'est l'éligibilité des projets qui est plus souvent remise en cause, représentant 58% des motifs de redressement lors des contrôles, suivis de l'état de l'art ou de la pertinence du projet (38,3%) et des tâches de routine (27%). Autre enseignement, 28% des entreprises interrogées se sont vues contester certaines tâches, des phases spécifiques au sein des projets, qui dénotent d'une approche de plus en plus granulaire - élément par élément - de la part de l'administration.

Des échanges jugés satisfaisants pour plus de la moitié des dirigeants

Quel est l'impact de ces contrôles ? Selon le cabinet, 61% des redressements sont inférieurs à 10% du montant du CIR contrôlé. Pour limiter la répétition des contrôles, les dirigeants d'entreprises ont donc modifié leurs pratiques. Dans 51% des cas, ils ont fait évoluer leur méthode de calcul de l'assiette des dépenses éligibles, le format de la documentation (49%) et le processus de choix des projets éligibles (33%).

Autres enseignements, les agents chargés de contrôler les entreprises sont de plus en plus souvent des experts et les échanges sont jugés « satisfaisants » par 53,2% des dirigeants. Un pourcentage qui devrait progresser au cours des prochaines années si Michel Sapin, le ministre des Finances, atteint son objectif de « pacifier » les relations entre l'administration fiscale et les contribuables.

Les chefs d'entreprises formulent cinq souhaits

Forts de leurs expériences, les dirigeants interrogés formulent cinq recommandations pour faire évoluer la pratique et améliorer la sécurité juridique du CIR : améliorer la procédure de rescrit, donner de la stabilité à la doctrine administrative, créer davantage de débat oral et contradictoire avec l'expert, créer une commission ad hoc avec des experts, des entreprises et le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et définir des critères d'éligibilité plus explicites et plus adaptés concernant le domaine des éditeurs de logiciels.


Un sujet un peu délicat pour le gouvernement

En délicatesse sur le sujet, les gouvernements successifs ont toujours entretenu le flou sur cette question. En effet, comment avouer que des instructions ont été données aux agents de l'administration fiscale pour lutter contre les fraudes au CIR - si tel est le cas - pour limiter le coût d'un dispositif qui, jusqu'à l'apparition du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) était la première dépense fiscale de l'Etat, tout en faisant la promotion du principal outil permettant de stimuler la recherche privée et d'attirer - et de conserver - des centres de recherche d'envergure sur le territoire français ? Sur ce dossier, l'exécutif est proche de la schizophrénie.

Créé en 1983, simplifié et relevé en 2008, complété en 2013 par le crédit d'impôt innovation (CII), le CIR permet aux entreprises de déduire de l'impôt sur les sociétés 30% de leurs investissements recherche et développement, dans la limite de 100 millions d'euros d'investissements, et 5% au-delà. Son coût pour les finances publiques a explosé, passant de 1,8 milliard d'euros à 5,340 milliards d'euros selon le projet de loi de finances 2015.

Les rapport se suivent et se ressemblent

A cause de ce coût élevé et des difficultés à en mesurer l'impact, le CIR est régulièrement dans le viseur des institutions. La Cour des comptes en 2008, mais aussi un rapport de Gilles Carrez qui était alors le rapporteur du Budget à la commission des finances de l'Assemblée nationale en 2009, la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale en 2010, l'Inspection générale des finances également en 2010 et le rapport du sénateur Berson en 2012 ont tous déjà jaugé le CIR. En 2013, un autre rapport de la Cour des comptes avait dénoncé l'explosion du coût du CIR ces dernières années, jugeant que la dépense des entreprises en recherche et développement n'évoluait "pas en proportion ". En dépit de ces reproches, François Hollande a décidé de pérenniser le CIR. C'est l'une des mesures phares du Pacte national pour la croissance et l'emploi présenté en novembre 2012 dans la foulée du rapport Gallois.