Pourquoi Fitch a dégradé la note de la France et pourquoi le gouvernement s'en moque

Par Fabien Piliu  |   |  969  mots
Manuel Valls reste sourd aux critiques de l'agence de notation Fitch.
Pour motiver sa décision d'abaisser la note de la France, l'agence de notation revient point par point sur les maux de l'économie tricolore et sur les errements de l'exécutif en matière de réduction de déficit public. Le gouvernement semble toutefois ne pas s'en soucier...

Il fut un temps, pas si lointain, où le risque d'une dégradation de la note souveraine de la France par les agences de notations était vécu comme une humiliation aux conséquences financières telles qu'elles pouvaient précipiter la banqueroute de la France. Les temps ont bien changé.
Désormais, depuis que, à l'été 2012, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé que la BCE agirait, quoi qu'il puisse en coûter, pour éviter qu'un membre de la zone euro se trouve en défaut de paiement, l'impact d'un coup de semonce de la part des agences de notation sur le financement de l'économie française est nul. Ou presque.

De fait, la France continue de se financer à bon marché. Le taux des emprunts français à dix ans n'a-t-il pas touché un nouveau plus bas en séance vendredi, à 0,890% sur le marché obligataire secondaire où s'échange la dette déjà émise après que l'agence Fitch ait décidé de dégrader la note souveraine de la France de AA+ à AA ? Ce lundi, l'Agence France Trésor (AFT) a annoncé que la France avait emprunté 6,738 milliards d'euros à court terme sur les marchés à des taux certes en légère hausse mais toujours négatifs.

Des objectifs qui ne sont pas tenus

Le message de l'agence de notation est néanmoins éclairant car il revient point par point sur les faiblesses de l'économie française et commente l'action de l'exécutif.

Principal et premier point, la révision du déficit public de 4,4% à 4,1% du PIB en 2015 annoncée la semaine dernière par Michel Sapin, le ministre des Finances, ne satisfait pas du tout l'agence de notation. Initialement, le gouvernement s'était fixé pour objectif d'abaisser sous les 3% du PIB le niveau du déficit public. Un objectif qui, regrette Fitch, a été décalé à 2017, en raison du manque de tonus de l'économie française depuis 2012. " Ces changements d'objectifs budgétaires affaiblissent la crédibilité budgétaire de la France ", avance l'agence, rappelant que "c'est la deuxième fois depuis fin 2012 que le gouvernement français retarde l'objectif d'atteindre le seuil de déficit de 3% que réclame l'Union européenne ".

Le gouvernement serait trop optimiste selon Fitch

Problème, en dépit de la dépréciation de l'euro face au dollar et le net repli des cours du brut et de certaines matières premières dont devraient profiter les entreprises françaises, les perspectives ne sont pas rassurantes estime Fitch, pesant sur la consolidation des finances publiques et la stabilisation du ratio de la dette qui, s'agace Fitch, pourrait à terme frôler les 100% du PIB.

" L'économie française devrait croître moins que la moyenne des pays de la zone euro pour la première fois en quatre ans ", explique Fitch dans son communiqué. L'agence anticipe désormais une hausse de 0,4% du PIB cette année, comme le gouvernement, puis une augmentation de 0,8% l'année prochaine quand Bercy anticipe une croissance de 1%. Jusqu'il y a peu, Fitch comptait sur une progression de 0,8% et de 1,2% du PIB en 2014 et 2015. Le rebond surprise de l'activité au troisième trimestre ne l'a pas fait changer d'avis.

En 2016 et 2017, la reprise sera là

Et ensuite ? C'est l'euphorie ! Le gouvernement est à ce point optimiste qu'il vise une augmentation de 1,7% en 2016 puis de 1,9% en 2017. Les économistes du Crédit Agricole et de Bank of America Merrill Lynch sont bien moins optimistes. Selon leurs calculs, le PIB progressera de 1,2% en 2016. De son côté, Fitch ne se hasarde pas à faire de pronostic, rappelant simplement que le taux de chômage continuerait à avoisiner les 10,5% de la population active, un niveau qui pèse mécaniquement sur l'activité et sur les finances publiques.

Quand le gouvernement met en avant ses réformes, que répond l'agence de notation ? En ligne avec les arguments de l'OCDE, Fitch estime que leurs effets seront certes palpables sur la croissance mais ils ne seront pas visible aussi rapidement que le souhaite le gouvernement. Point positif, « la dette française est parmi les plus sûres et les plus liquides au monde, avec une charge de la dette contenue », note Fitch.

L'agence Fitch n'est pas la seule à avoir dégradé la note de la France récemment. Le 10 octobre, Standard and Poor's, qui avait été la première à priver la France de son «triple A» en janvier 2012, avait elle aussi lancé un avertissement à la France, en faisant passer de « stable » à « négative » la perspective d'évolution de la note de la dette française, maintenue à «AA», soit le troisième rang de l'échelle de notation. Seule l'agence Moody's continue d'accorder la deuxième meilleure note possible à la qualité de la dette française.

Le gouvernement français balaie les critiques

Bien conscient - et bien heureux - de la faiblesse actuelle de l'impact de cette mise en garde par Fitch, le gouvernement peut se permettre de jouer les fiers à bras. En clair, s'il doit rendre des comptes, c'est aux citoyens et à Bruxelles.

" Les agences de notation font leur travail, nous faisons le nôtre. On a un cap, on le garde. On a fixé nos objectifs en termes de réduction de déficit. On les a même revus pour améliorer les résultats, que ce soit en 2015, 2016 et 2017. (...) Les agences de notation font leur travail, nous faisons le nôtre ", a déclaré dès samedi Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement.

Lundi, Manuel Valls était sur la même longueur d'ondes. " Sur la question financière, nous assumons nos choix: réduire les déficits et la dépense publique, mais au rythme nécessaire et supportable ", a plaidé le chef du gouvernement en marge d'un déplacement à Dijon.