Quel est le véritable enjeu de la loi Macron ?

Par Fabien Piliu  |   |  947  mots
Quel est le véritable enjeu de la loi portée par Emmanuel Macron ?
Depuis lundi, l’Assemblée nationale débat du projet de loi pour "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" porté par Emmanuel Macron. Pendant deux semaines, les 209 articles du texte seront examinés, amendés puis votés. Quel est l'enjeu ?

Emmanuel Macron en est certain :les premiers effets du projet de loi pour "la croissance l'activité et l'égalité des chances économiques" seront déjà palpables cet été.

Interrogé sur Europe 1 ce mardi matin, le ministre de l'Economie a été catégorique sur ce point:

"Ce qui est prévu, c'est que les premiers effets sur tout un tas de secteurs puissent être perceptibles dès cet été", évoquant notamment "l'ouverture dominicale dans plusieurs endroits des commerces de détail", mais aussi la libéralisation du transport par autocar.

En revanche, il estime que des mesures comme la réforme de la justice prud'homale ou celle des tribunaux de commerce nécessitent "davantage d'organisation et supposent des décrets, parfois des ordonnances". "J'en présenterai l'organisation avec des délais très précis", a promis le ministre. "Dès l'été, il y aura des mesures concrètes qui seront mises en œuvre, appliquées, qui seront une réalité pour les Français et un calendrier d'application du reste", a poursuivi Emmanuel Macron, rappelant que les mesures contenues dans la loi feraient l'objet d'une "évaluation régulière et transparente".

Mais, au-delà des estimations sur les effets de ce projet de loi sur la croissance et l'économie -France Stratégie évalue à 22.000 le nombre de créations d'emplois que permettraient la libéralisation du transport par autocar-, quel est l'enjeu véritable de ce projet de loi ?

Une première étape ?

N'en déplaise à Emmanuel Macron, les mesures contenues ne sont pas révolutionnaires. Déréglementer certaines professions, assouplir le travail dominical et en soirée, libéraliser le transport par autocar, qui sont les trois mesures les plus symboliques - et les plus polémiques du texte - ne transformeront pas en profondeur l'économie française. Ce n'est pas avec ce texte que le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi diminuera brutalement. Elles sont actuellement 6 millions, sur une population active de 29 millions.

Pourtant, à moins que ce texte ne soit totalement bouleversé par les parlementaires, le vote de ce projet de loi pourrait être une étape importante du quinquennat de François Hollande. En effet, si le texte est adopté en l'état ou presque, le gouvernement de Manuel Valls apportera la preuve qu'il est capable de réformer.

Des grands mots pour des petits pas ?

Faut-il en déduire que l'exécutif est resté les bras croisés sans rien faire depuis mai 2012 ? Ce serait faux et malhonnête. Les mesures contenues dans le Pacte national pour la compétitivité et l'emploi puis dans le Pacte de responsabilité sont importantes.

Mais ce ne sont pas vraiment des réformes. Elles consistent pour la plupart à modifier le paysage fiscal et réglementaire des entreprises et à redresser le pouvoir d'achat de des ménages. Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Une niche fiscale. Ni plus ni moins. Le Crédit d'impôt innovation (CII) ? Pareil. La Nouvelle France industrielle ? Une politique de filière comparable à celle menée au début du premier septennat de François Mitterrand ! Le Pacte de responsabilité ? Des allègements de charge...

Les partenaires sociaux ont montré l'exemple

Or, faire bouger quelques lignes n'est pas réformer. A vouloir trop ménager les Français, François Hollande, le président de la République et ses gouvernements n'ont pas voulu ou n'ont pas su engager la France sur le chemin de la réforme.

Seuls les partenaires sociaux ont su prendre leurs responsabilités. Avec l'Accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi voté le 11 janvier 2013, les partenaires sociaux ont en effet réussi à s'entendre pour accorder de nouveaux outils de flexibilité aux entreprises et de nouveaux droits aux salariés.

Opposés au texte porté par le ministre de l'Economie, les Frondeurs socialistes sont-ils plus réformateurs que le gouvernement ?

Même pas. Leurs propositions - refonte du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), relance du plan Numérique, encadrement des frais bancaires...- sont certes intéressantes, mais relativement banales. Elles ne sont que des retouches du paysage économique, fiscal et règlementaire actuel.

Alors, à la suite de la loi Macron, le gouvernement lancera-t-il une série de réformes structurelles, réformes que la Commission européenne et les grandes institutions internationales appellent régulièrement de leurs vœux ?

François Hollande est à mi-mandat. Sachant que, traditionnellement, la dernière année d'un quinquennat est rarement la plus active, il reste assez peu de temps au chef de l'Etat pour agir. Le fera-t-il ? Compte tenu de la forte proximité intellectuelle dans le domaine économique des gouvernants qui se succèdent, l'exécutif actuel a le loisir de se plonger dans les très nombreux rapports ayant été publiés ces dernières années pour « libérer » l'économie française. Le rapport Pébereau, les rapports Attali 1 et 2, le rapport Gallois, le rapport Lauvergeon, entre autres, pourraient l'inspirer.

Non, les réformes n'effraient pas les Français

Le gouvernement doit-il craindre de brusquer les Français ? De récents sondages indiquent que les réformes ne les effraient pas. Publié en novembre, un sondage réalisé par Odoxa Consulting pour RTL indique que 57% des personnes interrogées veulent une accélération des réformes lors de la seconde partie du quinquennat. Dévoilé en fin de semaine dernière, un sondage également réalisé par Odoxa indique que, s'ils étaient parlementaires, 61% des Français de droite comme de gauche, voteraient le projet de loi pour « la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ».