Déficit public : la Cour des comptes remet en cause les objectifs de Bercy

Par Fabien Piliu  |   |  664  mots
La Cour des comptes doute de la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de déficit public
En 2015, le ministère des Finances compte abaisser de 4,4% à 4,1% du PIB le déficit public. Est-ce envisageable ? Trop ambitieux ? La Cour des comptes est inquiète. Pas le ministère des Finances.

Le ministère des Finances est-il trop ambitieux ? La loi de finances 2015 table sur une baisse de 0,3 point du déficit public à 4,1% du PIB. Dans un document de 25 pages intégré à son rapport annuel, la Cour des comptes remet en cause cet objectif dont la réalisation est jugée « incertaine ». Pour deux raisons

La prévision du gouvernement "repose sur une prévision de croissance des recettes qui présente des fragilités et sur un objectif d'évolution des dépenses en valeur qui peut se révéler difficile à atteindre".

Précisément, l'institution présidée par Didier Migaud regrette que le gouvernement n'ait pas pris en compte assez vite l'atonie de la croissance et la très faible inflation en 2014, notamment lors de la présentation du projet de budget rectificatif de l'été. Résultat, le déficit public a augmenté entre 2013 et 2014 alors que l'inverse était prévu en loi de finances initiale.

" La France est avec la Croatie, le seul pays de l'union européenne dont le déficit public était supérieur à 3% du PIB en 2013 et a augmenté en 2014 ", répètent les Sages de la rue Cambon à plusieurs reprises.

Un montant de recettes surestimé cette année ?

En 2015, le ministère des Finances ferait-il la même erreur ? La Cour des comptes en est persuadée. Son rapport conteste le montant des recettes prévu cette année par le gouvernement en raison notamment d'une prévision d'inflation à 0,9% qu'elle juge trop forte.
" Comme en 2014, cette baisse de l'inflation est de nature à entraîner une réduction significative des recettes publiques", estime-t-elle.

La Cour remet également en cause la manière dont le gouvernement entend arriver à faire 21 milliards d'euros d'économies dans la dépense publique en 2015, soit une croissance des dépenses de 1,1% en valeur. Rappelant qu'"une croissance en valeur aussi faible n'a pas jamais été réalisée", la Cour identifie néanmoins plusieurs risques de ne pas y arriver.

Le problème Ecomouv'

Elle cite notamment une sous-estimation des dépenses pour les opérations de défense et la rupture du contrat Ecomouv' qui donne lieu à une indemnisation de 400 millions d'euros en 2015. Elle relève également que le comité d'alerte de l'Ondam (prévisions de dépenses de l'assurance-maladie) "a souligné dans son avis du 7 octobre 2014, que le respect de l'objectif pour 2015 serait rendu plus difficile que les années précédentes".

La Cour rappelle en outre le rôle que jouerait une moindre inflation dans la maîtrise des dépenses. Pour en tenir compte, " l'estimation des économies aurait dû être réduite de deux milliards d'euros " estime la Cour qui critique également la baisse des ressources aux opérateurs de l'Etat annoncée à 1,1 milliard et qui ne sera selon elle que de 600 millions.
Quant aux baisses de dotations aux collectivités territoriales, le rapport de la Cour avance rien ne permet d'assurer qu'elles se traduiront automatiquement en économies. Bref, la Cour regrette les "approximations" et les "imprécisions" qui émaillent le programme d'économies de 21 milliards d'euros tel qu'il est décrit dans les documents budgétaires du gouvernement.

L'objectif de 2017 sera-t-il atteint ?

Ces erreurs ne seraient pas si graves si ce nouveau dérapage du déficit public était circonscrit à l'exercice en cours. Or, il pourrait entraîner un décalage pour les années suivantes. Pour l'instant, après avoir décalé à plusieurs reprises cet objectif, le gouvernement espère toujours réduire son déficit public à moins de 3% du PIB en 2017.

Qu'en pense-t-on à Bercy ? Dans sa réponse à ce rapport, le ministère de Finances renvoie la Cour des comptes dans ses filets: "le rythme de l'assainissement des finances publiques doit être adapté aux conditions économiques actuelles caractérisées par une faible croissance et une inflation basse", assure-t-il, assumant le choix pour 2015 d'"une réduction du déficit public moins marquée que celle constatée les années précédentes".