Loi Macron : Valls dégaine le "49-3" pour faire passer le texte en force

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  884  mots
Manuel Valls a décidé d'utiliser l'article 49-3 pour faire passer la loi Macron
Inquiet de ne pas avoir de majorité, Manuel Valls a décidé d'utiliser l'article 49-3 pour faire passer la loi Macron

Publié le 17/02/2015 à 13:53. Mis à jour le 17/02/2015 à 16:54.

209 articles, 111 heures de discussion en séance plénière, 559 amendements... Dimanche dernier, 15 février, les députés ont fini d'examiner en première lecture le fameux projet de loi Macron « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ». Un véritable pensum, une loi fourre-tout pour certains, qui fait penser à ce que l'on appelait auparavant un projet de loi portant "diverses mesures d'ordre social"  ou "économique" (DMOS ou DMOE).

Il restait au premier ministre Manuel Valls à trouver une majorité pour voter ce texte . Et là, ce n'était pas gagné. Tant par calcul politique - notamment de la part de l'UMP qui, objectivement, n'aurait pas renié ce texte si elle était aux commandes du pays - qu'idéologique - Front de gauche et une partie des « frondeurs » du PS -, il risquait d'y avoir une majorité (de circonstance) de députés pour ne pas voter le texte. Aussi, après un réunion exceptionnelle du Conseil des ministres en début d'après-midi, Manuel Valls a décidé de dégainer l'article 49-3 de la Constitution qui lui permet de faire adopter le projet de loi... sans vote. Sauf si, dans les 24 heures, il est déposé et voté (par une majorité absolue de députés) une motion de défiance qui fera chuter le gouvernement.... Ce qui paraît vraiment peu probable... On le saura jeudi, lorsque sera discutée la motion de censure présentée par l'UMP et l'UDI.

Comment en est-on arrivé là alors que le PS et les Radicaux de gauche disposent encore de la majorité absolue à l'Assemblée nationale.

Valls sonne le tocsin

Déjà, vers midi, Manuel Valls se disait peu confiant en déclarant devant le groupe socialiste de l'Assemblée :  "Je ne dramatise pas, mais à ce stade, la loi ne passe pas et ce serait un affaiblissement considérable"

Or, en effet, selon Christian Paul, député "frondeur" PS de la Nièvre,  cité par l'AFP : "Plusieurs dizaines de députés PS ne voteront pas la loi et parmi ceux-ci une majorité votera contre", a-t-il affirmé. L'ancien ministre Benoît Hamon a répété sur France Inter qu'il voterait "en conscience" contre le projet de loi, addition selon lui de "mesures extrêmement utiles" et d'autres "problématiques" comme celles sur le travail dominical. Or, La grande majorité des députés écologistes (14 sur 18) devrait aussi voter contre le texte, de même que les députés Front de gauche opposés à un texte "archaïque et rétrograde". En revanche la majorité des députés radicaux de gauche votera pour.

"Voter contre serait rejoindre ceux qui veulent faire chuter la gauche", avait pourtant averti le président de groupe PS Bruno Le Roux.

Un conjonction droite et gauche contre le texte

De fait il y avait un vrai risque. Car les voix manquantes dans la majorité ne seraient pas compensées par des votes « pour » dans les rangs de la droite et du centre. Certainement pas à l'UMP où le président du groupe, Christian Jacob, estimait que seuls "deux à quatre" députés devraient voter pour et peut-être moins s'abstenir".

Mais en revanche, une courte majorité des députés UDI devaient soit s'abstenir, soit vote  "pour", même si, à titre personnel, le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde a annoncé qu'il voterait « contre ». "Sept à huit députés UDI sont pour, une petite dizaine s'abstiendront et un peu plus d'une dizaine voteront contre", a déclaré leur président Philippe Vigier.

Le groupe socialiste compte 288 députés, l'UMP 198, l'UDI 30, les écologistes et radicaux de gauche 18 chacun, le Front de gauche et ses alliés d'outremer 15, et neuf députés ne sont inscrits à aucun groupe.

Aussi, en retenant le scénario « du pire » (tous les frondeurs PS votent contre, un minimum d'UMP et d'UDI votent « pour » ou s'abstiennent) le texte aurait pu en effet être recalé avec plus de 280 votes « contre » et seulement 265 à 270 « pour » et une vingtaine d'abstention.
D'où la décision de recourir au 49-3...

L'erreur du gouvernement

Alors certes, le texte sera in fine quasi certainement adopté. Mais quel aveu de faiblesse pour le Premier ministre. Le gouvernement devra peut-être s'en prendre à lui-même en ayant voulu ratisser trop large. Le coté fourre-tout du texte jouait en sa défaveur. En effet, si la droite, UMP en tête, a concentré l'essentiel de ses attaques sur la réforme des professions règlementées du droit, dont les notaires, la gauche, elle, s'est divisée principalement autour de l'extension du travail dominical et de la réforme des prud'hommes et des licenciements économiques.... Des mesures qui n'ont aucun lien entre elles.

La création, par décret, de "zones touristiques internationales" où les commerces pourront être ouverts en soirée jusque minuit et tous les dimanche a aussi suscité la colère de la maire de Paris Anne Hidalgo qui a pris la mesure comme une attaque personnelle.

Le calendrier a joué aussi. Dans le climat actuel, avec un calendrier électoral chargé, une grande partie des députés PS ne voulait pas donner caution à un texte considéré par eux comme emblématique de la dérive "sociale-libérale" du gouvernement Valls.