Une reprise, mais quelle reprise ?

Par Fabien Piliu  |   |  1301  mots
Le secteur automobile retrouve des couleurs
L'Observatoire de l'emploi et de l'investissement du cabinet Trendeo est formel : l'économie française est en voie de redressement. Après avoir plongé depuis la crise de 2008-2009, plusieurs secteurs redressent la tête. Tour d'horizon des bonnes nouvelles et... des mauvaises - il en reste.

Petit à petit, l'économie française retrouve quelques couleurs. Après avoir subi, comme la plupart des pays industrialisés, la crise la plus profonde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la cinquième puissance économique mondiale panse ses plaies. Mieux, dans certains secteurs, les créations de postes et d'usines compensent les destructions de postes et les fermetures de sites.

Certes, le passage dans le vert de certains indicateurs macroéconomiques ne devrait pas se traduire par une inflexion de la courbe globale du chômage. Néanmoins, avec un PIB qui progressera en moyenne de 1% cette année, soit 0,6 point de plus qu'en 2014, l'économie française semble engager sur le chemin de la reprise.

"Cette reprise est délicate, en plusieurs sens. Elle est tout d'abord légère, avec des créations d'emplois toujours en baisse, même réduite, et une évolution positive qui ne provient toujours que de la réduction des pertes d'emplois. Elle est ensuite fragile, car elle s'inscrit dans un contexte européen marqué par la crise grecque et un marché mondial où de grands paramètres, comme le cours du pétrole ou celui de l'euro, fluctuent fortement, de façon largement imprévue", explique David Cosquer, le fondateur du cabinet Trendeo et de l'Observatoire de l'emploi et de l'investissement.

Précisément, les suppressions d'emplois observées ont baissé de 19% en 2014, après un recul de 14% un an plus tôt. Les créations d'emplois ont certes continué à baisser, de 11%, mais à un rythme bien moins élevé qu'en 2013, année au cours de laquelle elles avaient baissé de 44%.

Le solde net des emplois créés et supprimés se rapproche donc d'un niveau positif, sans l'atteindre cependant. Si l'on considère d'ailleurs les seuls emplois privés, le solde net redevient positif, passant de 13.471 pertes d'emploi nettes en 2013, à 10.726 emplois nets créés.

Ce n'est pas le seul enseignement de cette enquête. Tour d'horizon des bonnes et mauvaises nouvelles...

  • Onze secteurs ont un solde d'emplois créés en amélioration en 2014. Trendeo n'en recensait que 6 en 2013. Le secteur transport/logistique est celui dont la situation se redresse le plus. Ce bon résultat provient de la logistique, car le transport terrestre voit sa situation se dégrader. L'industrie manufacturière connaît le deuxième plus fort redressement. La baisse prolongée des emplois dans le commerce, l'hôtellerie et la restauration permet au secteur information et communication de prendre la première place des créations d'emplois. Ce résultat provient entièrement du secteur du logiciel, alors que les opérateurs télécoms voient leur situation se dégrader.
  • L'industrie reste convalescente, même si l'année 2014 est meilleure que 2013. Ce résultat provient principalement de l'absence d'annonces de suppressions massives d'emplois dans le secteur automobile, telles que celles qui avaient été faites par Renault en 2013. Début février, le constructeur a même annoncé qu'il adoucissait ses plans de réductions d'effectifs. Depuis 2009, l'automobile est le principal secteur concerné par les pertes d'emplois industriels. Sur la période, il représente un tiers des destructions d'emplois dans l'industrie.

 La pharmacie et l'imprimerie
restent dans le rouge

  • Sur 27 secteurs industriels hors énergie, 6 ont créé plus d'emplois qu'ils n'en ont supprimé. C'est moins qu'en 2011, année au cours de laquelle 12 secteurs étaient dans le vert, mais bien mieux qu'en 2009. Cette année-là, trois secteurs industriels seulement avaient créées plus d'emplois qu'ils n'en avaient détruits. L'industrie chimique sort du rouge pour la première fois depuis 2009, alors que des secteurs comme la pharmacie ou l'imprimerie n'ont jamais connu une année positive depuis 2009.
  • Paradoxe, alors que l'actualité est rythmée par les fermetures d'usines, l'industrie manufacturière est le secteur qui, depuis 2009, a créé le plus de postes. En effet, sur la période 2009-2014, 21,8% (26% en 2014) des créations d'emplois étaient enregistrées dans l'industrie.

"L'asthénie des créations d'emplois semble donc provenir de secteurs comme le commerce, la restauration ou le BTP. En sens inverse, les secteurs dont les créations d'emploi progressent depuis 2009, en proportion, sont, outre l'industrie, le secteur conseils et services spécialisés, le transport/logistique ou l'information/communication, principalement le logiciel ", indique l'Observatoire.

  • Les créations d'usines sont en hausse et les suppressions se réduisent. Toutefois, le rythme de cette évolution est encore insuffisant pour que le solde net des créations et suppressions devienne positif. Par ailleurs, les usines qui se créent sont également de plus en plus petites en termes d'emplois, avec une baisse de 32% depuis 2009.

 Peu de délocalisations

  • Les délocalisations et relocalisations restent relativement stables. Ainsi, les délocalisations représentent 2,3% des suppressions d'emplois (6,5% dans l'industrie, sachant que l'industrie représente 85% des délocalisations), alors que les relocalisations ne représentent que 0,3% des créations. Pour les 296 opérations de délocalisation pour lesquelles l'Observatoire a pu identifier la destination, l'Union européenne représente 61% des emplois délocalisés.

"Des analyses plus complètes permettraient sans doute de mieux comprendre les motifs de délocalisation pour chacun des pays d'accueil. Par exemple, les délocalisations vers l'Allemagne sont, à 50%, le fait d'entreprises allemandes qui rapatrient leur production. Par comparaison, les délocalisations vers la Pologne sont d'abord le fait d'entreprises des États-Unis (25%)", explique Trendeo.

  • La région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon est la grande bénéficiaire de la réforme des régions : MidiPyrénées et Languedoc-Roussillon figuraient aux troisième et sixième place du classement 2013 des régions. En fusionnant, la nouvelle entité prend la première place du classement, avec un taux de créations nettes d'emplois de 1% de la population active. La région Île-de-France reste, de loin, la première en termes de créations brutes d'emplois, mais la prise en compte de nombreuses suppressions (banque et assurance, automobile) et l'absence de capacités de production sur le secteur industriel dynamique de l'aéronautique font que, en termes de créations nettes, l'Île-de-France est en mauvaise position. Les neuf régions les plus dynamiques sont toutes situées sur les façades atlantique et méditerranéenne.

 Les startups créent peu d'emplois

  • En moyenne, les startups représentent 5,6% des créations d'emplois. Ce taux culmine à 17,6% en Île-de-France qui concentre 28% des startups identifiées par l'Observatoire.
  •  Depuis trois années, Trendeo observe l'origine des investissements dans les régions françaises, selon le critère du lieu de la maison-mère. Il repère ainsi la provenance des investissements. L'investissement en région est d'abord d'origine locale (44%). Viennent ensuite, dans les sources des investissements créateurs d'emplois, les investissements étrangers (23%), puis l'investissement de l'Île-de-France, quasiment à part égale.

"L'importance de l'investissement francilien marque la prépondérance de la région capitale, qui conserve une fonction de commandement alors même que la dynamique locale est plus faible que dans les régions comme Midi-Pyrénées ou les Pays de la Loire", commente Trendeo.

Les synergies régionales ne jouent pas

  • Les autres régions françaises ne représentent enfin qu'une part résiduelle de 12%. Ainsi, moins de 4% des emplois en Pays de la Loire viennent d'investissements de la région Bretagne, et en sens inverse, 1,3% des emplois en région Bretagne proviennent d'investissements des Pays de la Loire. Entre Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne, aucun flux croisé ne dépasse 2% des créations d'emplois. Entre Bourgogne et Franche-Comté, moins de 0,5% au maximum. Entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, le maximum est de 0,4% des emplois languedociens provenant de Midi-Pyrénées. En Basse-Normandie, on trouve un taux plus important que la moyenne, de 6% de créations d'emplois provenant de Haute-Normandie.

"C'est d'ailleurs le taux maximum observé de créations d'emplois provenant d'une région adjacente, dans l'ancien découpage régional", note Trendeo.