Transparence des élus : comment cela se passe ailleurs

Par Jessica Dubois et Mounia Van De Casteele  |   |  920  mots
Copyright Reuters
Alors que le gouvernement français vient d'annoncer des mesures choc en vue de lever le voile sur le patrimoine des élus - dans un premier temps celui des ministres sera publié d'ici lundi- quel est le degré de transparence de la vie politique dans les autres pays? Petit tour du globe.

Surprise. D'après un rapport inédit publié par Transparency International, la France et la Slovénie sont les seuls pays d'Europe dans lesquels les déclarations de patrimoine et les déclarations d'intérêts des parlementaires ne sont pas (encore) rendues publiques. Dans bon nombre de pays, les élus sont déjà sommés de publier leurs déclarations de revenus. La Commission pour la transparence financière de la vie politique a réalisé une étude comparative internationale grâce à des informations "plus ou moins détaillées" obtenues. Tour d'horizon.
 

  • En Belgique, la Cour des comptes recueille les déclarations de patrimoines des principaux élus et hauts fonctionnaires. Celles-ci restent toutefois confidentielles et "conservées sous pli fermé". Une amende de 100 à 1.000 euros est prévue pour ceux qui n'auraient pas déposé leur déclaration.
     
  • En Allemagne, les élus du Bundestag doivent mettre en ligne sur le site Internet du Parlement la déclaration de leurs intérêts financiers et de leurs revenus secondaires si ceux-ci excèdent 10 000 euros par an, ainsi que les dons d'argent et cadeaux si leur montant est supérieur à 5 000 euros par an.
     
  • En Italie, les ministres ainsi que les parlementaires doivent déclarer chaque année leur patrimoine et leurs revenus. Des déclarations que tout citoyen peut consulter, pourvu qu'il soit inscrit sur les listes électorales. 
     
  • En Croatie, les responsables politiques (le Président de la République, les ministres, les principaux élus des collectivités locales et des agences gouvernementales) sont tenus de publier leur déclaration de patrimoine sur le site de la commission chargée de la prévention des conflits d'intérêts. Celle-ci prévoit des sanctions pour les élus qui manquent à leur devoir de transparence.
     
  • En Afrique du Sud, le président de la République, les membres du gouvernement, les membres du Parlement ainsi que les membres des comités exécutifs des provinces déposent leurs déclarations de patrimoine et des intérêts financiers auprès du président du Registrar of Member's interests. Des déclarations qui sont partiellement rendues publiques. Tout citoyen peut saisir le "Public Protector", nommé par le Président de la République. Sachant que toute déclaration frauduleuse est sanctionnée par une retenue sur salaire. 
     
  • Aux Etats-Unis, le Président ainsi que les ministres et les parlementaires sont tenus d'établir une déclaration de patrimoine qui est élargie au conjoint et aux enfants mineurs.
     
  • Au Japon, les membres du Parlement déposent chaque année une déclaration portant sur leurs actifs immobiliers et leurs revenus annuels. Ils ne sont pas tenus de révéler leurs comptes courants, les valeurs mobilières des entreprises non cotées en bourse ou dont le capital social est inférieurà 1.000.000 euros. Les ministres sont soumis à la même obligation à un détail près: celle-ci est étendue aux membres de leur famille. 
     
  •  Au Canada, les "titulaires d'une charge publique principaux" doivent déclarer la totalité de leurs biens, dettes, revenus et la liste de leurs activité lors de leur nomination. S'ils possèdent des actifs dont la valeur pourrait être influencée par des décisions politiques (des actions, des obligations,...), ceux-ci sont saisis dans les 120 jours suivant la nomination, puis revendus ou transférés vers un autre actif. Le pays dispose également d'un commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui peut mener des enquêtes en cas de suspicions. Il a également un pouvoir de sanction, mais la pénalité ne peut dépasser 500 $. Selon Transparency International, le Canada est le pays où les règles vont le plus loin en terme de prévention des conflits d'intérêts.
     
  • En Suède, il n'y a aucune règle écrite contraignante, explique Transparency International. Mais les conflits d'intérêts passent mal. Et même si les ministres et responsables incriminés démissionnent, leur image est atteinte à jamais. Il existe ainsi un principe de déclaration d'intérêts et de patrimoine. Les ministres et secrétaires d'Etat doivent fournir une liste de leurs avoirs en action, en droits à la retraite et autres avantages tirés d'un précédent emploi. Cette déclaration n'est pas obligatoire pour les parlementaires, mais la majorité d'entre eux la remplit cependant. Le contrôle se fait par les autres parlementaires ou par la presse. Car en Suède, le principe de transparence est extrèmement fort, et les journalistes peuvent avoir accès à des données parfois très privées. Comme au Canada, les dirigeants doivent se récuser - ne pas débattre ni voter sur un sujet dans lequel ils ont un conflit d'intérêts - même dans le cas où leur conjoint ou leur enfant serait impliqué.
     
  • En Norvège, les feuilles d'imposition de tous les contribuables sont publiées sur Internet, à l'exception des membres de la famille royale. Après avoir opté pour un système de divulgation volontaire pendant près de vingt ans, le principe est devenu obligatoire pour les députés depuis 2009.
     
  • A Chypre, deux commissions sont censées contrôler les déclarations de patrimoine des principaux élus en égard à deux lois votées en 2004. Mais en juin 2008, ces lois ont été jugées contraires à la constitution du pays. Dès lors, aucune déclaration de patrimoine n'a plus été déposée.

Pour aller plus loin: Hollande cherche à lancer une opération "Mani pulite" à la française