Etats-Unis : un boom de la croissance en trompe l'oeil

Par Romain Renier  |   |  542  mots
La croissance a été bien plus forte que prévu au troisième trimestre. Mais les fondamentaux ne sont pas si bons que cela. Ils sont le reflet de la politique monétaire de la Fed qui dope certains secteurs, pendant que d'autres voient leurs difficultés s'accroître. (Photo : Reuters)
Le PIB américain a progressé de 2,8% au troisième trimestre en rythme annualisé, bien plus que les 2% attendus. Mais cette progression semble être en partie due à un importante reconstitution des stocks. Les fondamentaux, eux, ne sont pas si bons.

C'est une surprise pour la majorité des économistes. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut des États-Unis a progressé de 2,8% en rythme annualisé, contre 2% attendus selon le consensus Reuters. Alors, au beau fixe l'économie américaine?

L'effet d'une reconstitution involontaire des stocks

Pas vraiment. En fait, la croissance du PIB américain a surtout été le fruit d'une progression des stocks très importante, qui ont participé à hauteur de 0,83 point aux 2,8% enregistrés.

"A mon avis, cette reconstitution des stocks est involontaire, explique Alexandra Estiot, de BNP Paribas. Les entreprises ont constitué leurs stocks en fonction d'anticipation d'une demande supérieure à ce qu'elle a finalement été. Elles se sont donc retrouvées avec des stocks sur les bras plus importants que prévu."

Mauvaise orientation de la consommation et des investissements

De fait, en progression de 1,5%, la consommation des ménages a ralenti au troisième trimestre. Et c'est elle qui tire vers le bas l'ensemble de l'économie américaine. "Quand on regarde la demande intérieure, ce n'est pas terrible", explique Alexandra Estiot.

Par ailleurs, cette mauvaise orientation de la consommation des ménages a, par voie de conséquence, des effets sur les investissements des entreprises, qui, ne voyant pas de perspectives positives n'ont pas intérêt à augmenter leurs facteurs de production.

"C'est d'ailleurs ce qui explique que les chiffres de l'emploi américain ne soient pas à la hauteur des attentes non plus", explique l'économiste de BNP Paribas. En l'absence de perspectives, les entreprises n'embauchent pas.

Le reflet d'un accroissement des inégalités qui pèse sur l'économie américaine

En revanche, on note un bond à 7,8% des dépenses de consommation dans les biens durables. Ce qui explique la légère progression de la consommation. Mais celle-ci est le reflet d'un accroissement des inégalités qui pèse sur l'économie américaine, dont le potentiel de croissance se situe aux alentours de 4 à 4,5% du PIB, selon BNP Paribas. L'achat de biens durables est en effet accessible à ceux qui peuvent se financer.

"Cette dichotomie entre ceux qui vont bien et ceux qui vont mal vaut pour les entreprises comme pour les ménages. Les grosses entreprises profitent de financements facilités sur les marchés et les ménages aisés d'effets de richesses grâce à la progression des prix dans l'immobilier", selon Alexandra Estiot.

Le résultat de la politique monétaire de la Fed, qui profite essentiellement aux entreprises capables de se financer sur les marchés, dopés par l'afflux de liquidités et aux propriétaires solvables.

L'inflation toujours en dessous de l'objectif fixé par la Fed

Quant à l'inflation, en s'établissant à 1,8% en rythme annualisé, elle est encore en deçà de l'objectif que s'est fixé la Fed. Dans toutes ces conditions, on comprend pourquoi la banque centrale américaine n'a pas l'intention de réduire ses injections de liquidités sur les marchés.

A noter par ailleurs, qu'en raison de la fermeture des services administratifs pendant plus de deux semaines en octobre, l'administration n'a pas pu disposer de toutes les données pour réaliser son estimation. Une deuxième évaluation est prévue pour le 5 décembre. Il sera alors possible d'y voir plus clair.