La crise politique turque fait chuter la livre à son plus bas historique

Par Romaric Godin  |   |  568  mots
La livre turque a perdu 17 % de sa valeur face au dollar cette année
Le gouvernement turc a été profondément remanié. Mais la crise politique affaiblit encore la livre turque et rend le risque inflationniste encore plus important.

La tourmente politique s'intensifie en Turquie. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé mercredi soir un remaniement ministériel de grande ampleur, remplaçant 10 des 26 ministres du cabinet. Il tente ainsi d'échapper au scandale de corruption qui un peu plus tôt avait provoqué la démission des ministres de l'Environnement, de l'Intérieur et de l'Économie.

Scandale à grande échelle

Ce scandale concerne des pots-de-vin de grande ampleur qui auraient été touchés par des politiques dans l'attribution de marchés publics. Une opération de police, lancée voici dix jours, a conduit à l'arrestation des fils des ministres de l'Économie et de l'Intérieur ainsi qu'à celle d'une vingtaine d'autres personnes. Mais, selon le site Internet anti-Erdogan, Today's Zaman, des mesures ont ensuite été prises contre les officiers de police qui ont mené les arrestations et les enquêtes. Plus de 400 officiers ont ainsi été destitués et le chef de la police d'Istanbul a perdu son poste.

Erdogan crie au « complot »

Devant les manifestations et ces démissions, Recep Tayyip Erdogan continue à s'en tenir à la thèse du « complot international. » Au cours des dernières semaines, le premier Ministre avait dénoncé l'influence dans la police du mouvement Hizmet, un mouvement islamique libéral mené par Fethullah Gülen, qui réside aux Etats-Unis depuis 1999. Mais le ministre démissionnaire de l'Environnement, Erdogan Bayraktar, a invité dans une déclaration le premier Ministre à l'imiter. Ce qui a encore affaibli le chef du gouvernement.

Ralentissement économique

Encore à peine remise du mouvement de contestation de la place Gezi à Istanbul, la Turquie semble donc au bord de la déstabilisation. Et ceci risque de menacer la situation économique turque qui n'est déjà guère vaillante. Certes, au troisième trimestre, le PIB turc a encore progressé de 3,5 % en rythme annuel. Mais au deuxième trimestre, cette hausse était de 8,4 %. Surtout, les exportations turques se sont effondrées, conduisant à une contribution nette négative de 0,6 points du commerce extérieur.

Risque inflationniste

Mais le problème de la Turquie, c'est son inflation. En novembre, elle était de 7,3 % en rythme annuel. Cette hausse des prix est alimentée par la baisse de la livre turque. Depuis mai, elle a perdu 17 % face au dollar, la plus forte baisse parmi les monnaies émergentes. Un recul notamment causé par les craintes du tapering de la Fed qui amène un retour des investissements des pays émergents vers les Etats-Unis. Mardi, le gouverneur de la banque centrale de Turquie, Erdem Basci, avait annoncé un durcissement de sa politique monétaire pour freiner la baisse de la livre.

La livre turque au plus bas

Mardi, la livre avait rebondi de près de 1 % face au dollar, mais les démissions des trois ministres a fait perdre tout le bénéfice des déclarations d'Erdem Basci. Ce jeudi, il fallait 2,0985 livres turques pour un dollar, son plus bas historique, même si on prend en compte l'époque de l'ancienne livre turque (qui a disparu en 2005 au cours d'un million d'ancienne livre pour une livre nouvelle).

Plus encore que le tapering, les difficultés du gouvernement turc inquiètent donc les investisseurs. Mais cette inflation risque de peser lourdement sur l'économie. Selon les équipes de Morgan Stanley, qui ne prend pas en compte l'hypothèse d'un nouvel effondrement de la livre, la croissance turque devrait reculer de 3,8 % en 2013 à 3 % en 2014.