La Banque Nationale Suisse plombée par l'or

Par Romaric Godin  |   |  622  mots
Le siège de la BNS, à Zurich.
La banque centrale helvétique a subi le contrecoup de la chute de l'or, qui lui fait perdre 9 milliards de francs suisses (7,3 milliards d'euros). Une mauvaise nouvelle pour l’État helvétique et les cantons.

C'est un début d'année bien douloureux pour les cantons suisses. La Banque centrale de la Confédération, la Banque Nationale de Suisse (BNS), a en effet annoncé qu'elle a accusé en 2013 une perte nette d'au moins 9 milliards de francs suisses, soit environ 7,3 milliards d'euros. Une perte qui devra être renflouée par les actionnaires principaux de la BNS, les cantons helvétiques.

Chute de l'or

Pourquoi une telle perte ? Principalement en raison de la chute de près de 28 % de la valeur de l'or. Les 1.040 tonnes de métal jaune que renferment les couloirs de la BNS ne valaient plus en effet que 37,844 milliards de francs à fin novembre, soit 15 milliards de francs de moins qu'un an auparavant (12,2 milliards d'euros environ). Et rien n'a pu venir compenser cette perte dans les comptes de la banque centrale helvétique.

Eléments positifs

La BNS a pourtant bénéficié de quelques éléments positifs l'an passé. D'abord, la vente des actifs d'UBS, actifs récupérés par Berne lors du « sauvetage » de la banque en 2009, qui ont rapporté 3 milliards de francs.

Ensuite, le bénéfice issu des réserves en devises a également atteint 3 milliards de francs. La BNS, depuis septembre 2011, a engagé une politique de blocage de l'appréciation du franc par rapport à l'euro au-delà de 1,20 franc par euro. Ceci l'a conduit à acheter beaucoup d'euros. Mais avec l'accalmie sur le front de la zone euro, l'euro s'est légèrement apprécié : cette année de 1,8 %, permettant à la BNS de dégager un bénéfice.

Déjà des pertes en 2010

Rien n'y fera cependant, la BNS doit accuser une perte, comme en 2010. Mais cette année-là, elle avait été de 21 milliards de francs, notamment en raison de la forte appréciation du franc par rapport à l'euro. Il y a cette année néanmoins une différence avec 2010 : cette fois, la BNS ne versera pas de « dividendes » aux cantons et à l'Etat fédéral. En 2010, en effet, les institutions helvétiques avaient touché, malgré les pertes, 2,5 milliards de francs. Mais en 2011, un accord était intervenu pour limiter à un milliard de francs ces versements si et seulement si les réserves de la BNS sont supérieures aux pertes.

Pas de dividendes cette année

Cette année, les réserves de la BNS ne sont que de 5,3 milliards de francs. Il n'y aura pas de versement de la BNS aux cantons et à l'Etat fédéral. Et, comme le souligne le quotidien zurichois Tages Anzeiger, ceci aura des conséquences budgétaires. Le budget fédéral pourrait même tomber en déficit de 212 millions de francs. Une goutte d'eau certes dans un budget de 66 milliards de francs et un PIB de 500 milliards de francs, mais la règle constitutionnelle du « frein à l'endettement » qui limite le déficit, pourrait être écornée… Pour les cantons, la perte sera également sensible puisque la perte de revenus sera de 0,8 %.

Initiative populaire en faveur de 20 % du bilan en or

Surtout, cette annonce pourrait peser sur une initiative populaire en cours qui vise à limiter la marge de manœuvre de la BNS en l'obligeant à placer 20 % de son bilan en or. Aujourd'hui, les réserves d'or ne représentent que 10 % environ du bilan de la BNS. Du coup, si cette règle avait été en place en 2013, la perte de la BNS eût été deux fois plus importante. C'est un argument de poids pour la direction de la banque centrale qui est très opposée à cette initiative populaire soutenue par le parti populiste de l'UDC. Reste que, comme les 100.000 signatures ont été obtenues, le peuple suisse devra s'exprimer sur le sujet cette année à une date qui reste à établir.