Pourquoi les femmes PDG sont plus souvent évincées que les hommes

Par Giulietta Gamberini  |   |  773  mots
Anne Lauvergeon, ancien PDG d'Areva, fait partie du 38% des femmes dirigeantes de très grosses enterprises qui ont été congédiées pendant les 10 dernières années. (Photo : Reuters)
Bien que très peu présentes parmi les PDG des 2.500 plus grosses entreprises du monde, les femmes sont plus souvent congédiées de leur poste (sans planification antérieure ni fusion-acquisition) que leurs homologues masculins. C'est ce que révèle une étude du cabinet de conseil Strategy&.

Elles ne représentent que 3% des nouveaux PDG nommés en 2013 : 1,3% de moins que l'année précédente. Mais malgré leur faible nombre, les patronnes des 2.500 plus grosses sociétés du monde (en fonction de leur valeur sur le marché) risquent bien plus souvent que leurs homologues masculins d'être forcées à quitter leur poste, révèle une étude du cabinet de conseil Strategy& .

Parmi les grands dirigeants qui, pendant la dernière décennie, ont été remplacés, plus d'un tiers des femmes (38%) l'ont fait sans que cela ait été planifié en amont ni que cela n'ait été la conséquence d'une fusion-acquisition. Seulement un quart des hommes (27%) ont connu cette situation. Parmi les détrônées célèbres figurent notamment Carole Bartz, congédié de Yahoo en 2011, et Anne Lauvergeon, évincée la même année d'Areva.

Un tiers des femmes PDG sont recrutées à l'extérieur

Cette plus grande proportion de femmes forcées à partir constitue d'ailleurs l'une des rares différences entre les PDG des deux sexes constatée par l'étude. La seule autre, c'est que les femmes recrutées le sont plus souvent (35%) à l'extérieur de leur nouvelle entreprise que les hommes (22%).

Ceci "pourrait indiquer que les sociétés n'ont pas été capables de faire progresser assez de femmes dirigeantes en interne", explique l'un des auteurs de l'étude, Gary L. Neilson.

Pour le reste, le profil des dirigeants varie peu en fonction du sexe : leur grande majorité vient du pays où les quartiers généraux de l'entreprise sont implantés et la plupart n'ont jamais travaillé dans une autre région. Tous et toutes, dont l'âge médian est 53 ans, restent à la direction pendant cinq années environ.

De meilleurs bénéfices si l'on est recruté en interne

Les deux différences constatées entre femmes et hommes PDG pourraient d'ailleurs être correlées, semble suggérer l'étude. En effet, les dirigeants les plus souvent poussés à partir sont ceux qui ont généré le moins de bénéfices, explique l'étude.

Une preuve que les femmes parviendraient moins que les hommes à dégager des bénéfices? Bien au contraire. Non seulement plusieurs autres études ont démontré que la présence de femmes à des postes de direction améliore en réalité les chances de l'entreprise d'obtenir de bons résultats. Mais cette dernière enquête sur les PDG révèle surtout que la cause de moindres bénéfices constatés sont plutôt à chercher du côté du mode de recrutement. En effet, ceux qui ont été recrutés à l'intérieur de l'entreprise parviendraient plus fréquemment à satisfaire les actionnaires.

"Les sociétés qui veulent recruter des femmes auraient intérêt à les chercher en interne bien plus souvent qu'elles ne le font aujourd'hui", observe ainsi un autre auteur de l'étude, Per-Ola Karlsson.

Or, au contraire, pour répondre aux pressions politiques et culturelles qui dans certains pays les incitent à nommer des femmes aux postes de direction, les entreprises consentent parfois à des choix de personnes particulièrement risqués, qui ont donc davantage de chances de se révéler erronés, explique l'analyste.

Une culture de direction très masculine

Un autre facteur est susceptible d'expliquer la plus grande proportion de femmes évincées, selon Per-Ola Karlsson : la culture des conseil d'administration, qui reste très masculine.

"Pour avoir parlé avec plusieurs femmes occupant des postes de seniors, je peux dire qu'il s'agit d'un environnement de travail difficile, où tout le monde ne joue pas toujours un rôle de soutien", a expliqué l'analyste au Financial Times.

Un tiers de femmes PDG en 2040 ?

Cependant, l'évolution de la culture d'entreprise, comme le nombre croissant de femmes qui étudient et travaillent, laissent entrevoir de meilleures perspectives. Sur les dix dernières années, huit ont été marquées par une proportion de nouvelles arrivantes aux postes de PDG supérieure à celle des partantes. D'ici à 2040, les femmes représenteront un tiers des nouvelles nominations, prévoit Strategy&.

"Les sociétés doivent planifier comment trouver et préparer au rôle de direction leur futures femmes PDG", met donc en garde Ken Favaro, co-auteur du rapport.

Tout au long de la décennie, 118 femmes ont été nommées à un poste de PDG de l'une des très grandes entreprises analysées, ou l'ont quitté. Présentes dans toutes les régions, elles le sont néanmoins surtout aux Etats-Unis et au Canada (3,2%), alors que le pays qui en compte le moins est le Japon (0,8%).