Les propositions fiscales d'Obama, une volonté de repli de l'Amérique

Par Ivan Best  |   |  598  mots
La proposition de Barack Obama de taxer les profits des multinationales à l'étranger sera probablement bloquée par le Congrès. Mais, si elle revenait plus tard à l'ordre du jour, elle remettrait en cause l'un des fondements de la fiscalité américaine, visant à encourager l'expansionnisme des entreprises à l'étranger. Cela traduirait une volonté de repli sur le sol américain

La probabilité est faible de voir les mesures fiscales proposées ce lundi par Barack Obama -à savoir la taxation des bénéfices stockés à l'étranger par les multinationales américaines- passer la rampe du Congrès. Les républicains, qui y sont majoritaires, vont retoquer le budget 2016 préparé par l'administration Obama. Le président démocrate, qui quittera la Maison Blanche en janvier, veut seulement préparer le terrain de la campagne électorale du prochain candidat de son parti. Ce pourrait être Hilary Clinton, susceptible de lui succéder à la tête des Etats-Unis.

Un "document politique"


Les Républicains ne s'y sont pas trompés, qui ont assimilé le budget Obama à un « document politique plus qu'à un plan opérationnel ».
Si elles ne sont donc pas d'application immédiate, les propositions du président américain -taxation à hauteur de 14% de tous les profits stockés actuellement à l'étranger, soit une recette immédiate de 238 milliards de dollars, et imposition à 19% des bénéfices futurs- pourraient resurgir à l'avenir, en 2017, évidemment en cas de victoire démocrate. Elles vont bien au-delà de la simple idée de taxer les multinationales : elles sont beaucoup plus structurantes qu'elles n'apparaissent à première vue.

Une rupture avec un des fondements de la fiscalité américaine


Expert en fiscalité internationale, associé du cabinet d'avocats TAJ, Gianmarco Monsellato voit là une « rupture avec un des fondements de la fiscalité américaine, et même, au-delà, avec des décennies de politique visant à encourager l'expansionnisme américain ».
En réalité, les entreprises américaines doivent déclarer à leur administration fiscale l'ensemble de leurs profits, dans le monde entier. Voilà pourquoi le fisc américain a une connaissance précise des profits « stockés » à l'étranger, évalués autour de 2.000 milliards de dollars. Mais il est prévu depuis les années 1920 que les bénéfices réalisés à l'étranger sont imposés au taux zéro.
Objectif : que ces profits soient réinvestis, et favorisent ainsi le développement des entreprises américaines à travers le monde. « Il s'agissait, depuis toujours, de financer ainsi l'expansionnisme américain » souligne Gianmarco Monsellato, avec l'idée que la réussite à l'étranger ne pouvait être que favorable, par ricochet, à l'emploi sur le sol américain.

Des démocrates qui se montrent aujourd'hui isolationnistes...

« Le paradoxe », relève Gianmarco Monsellato, « c'est que les démocrates ont toujours été les plus ardents défenseurs de cette volonté d'ouverture, les plus farouches partisans du développement américain à travers le monde, alors que les républicains se montraient plus isolationnistes ». Or c'est un démocrate qui fait aujourd'hui cette proposition qui s'apparente à une volonté de repli sur le sol américain, que les républicains s'apprêtent à combattre au Congrès...

Des dommages pour l'Irlande

Si les propositions de Barack Obama finissent par être adoptées par un congrès redevenu favorable aux démocrates, elles pourraient provoquer des dommages collatéraux pour des pays à très faible fiscalité. Ainsi, de nombreux sièges sociaux situés en Irlande pourraient être déplacés vers la Grande-Bretagne, par exemple, estime Gianmarco Monsellato.
Car le président américain a bien prévu que l'impôt déjà payé hors des Etats-Unis serait déduit de la taxe américaine à venir : en s'installant à Londres, ce qui facilite le business, une entreprise de high tech actuellement à Dublin paierait 20% d'impôt et n'aurait plus rien à verser au fisc américain. Tandis qu'en restant sur le sol irlandais, elle devrait verser la taxe américaine, à concurrence de 19% des bénéfices.