Danke schön, Herr Hollande !

Par Romaric Godin  |   |  750  mots
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En prenant sans complexe le train de l'austérité malgré la récession, le président français rend un immense service à la chancelière allemande.

Certes, il y aura toujours des grincheux qui parleront plutôt de « chasse aux riches » ou de mesures inefficaces. Mais ce serait injuste avec la détermination affichée si hautement par le gouvernement. Le président « socialiste » est désormais engagé ouvertement dans la voie de la rigueur. Et qu'on se rassure : si les décisions annoncées ce dimanche ne suffisent pas, il y en aura d'autres. Un seul mouvement semble exclu : revenir sur l'objectif des 3 % du PIB pour le déficit public à la fin de l'an prochain. Et à ceux qui avanceront l'argument de la croissance en recul, on leur répondra que c'est une raison supplémentaire de se serrer la ceinture. Qu'on se le dise.


Une bonne nouvelle pour Angela Merkel


Une telle détermination est une excellente nouvelle... pour Angela Merkel. La malheureuse chancelière qui a accepté jeudi dernier que la BCE ouvre les vannes des rachats « illimités » de dettes souveraines d'une maturité inférieure à 3 ans risquait en effet de se retrouver en difficulté. Ce jeudi, la cour constitutionnelle de Karlsruhe doit se prononcer sur la validité du Mécanisme européen de stabilité (MES) et sur le pacte budgétaire. L'entrée de l'Europe, via la BCE, dans « l'union des dettes », ne risquait-elle pas de troubler la conscience des juges aux bonnets carrés ? Et le propre camp d'Angela Merkel, certes tenus par l'absence de vraies alternatives, ne serait-il pas néanmoins rouge de colère devant cette politique « inflationniste » ?


Une annonce qui tombe au bon moment


Heureusement, il y a « Herr François ». En montant avec empressement dans le train de la rigueur, précisément entre l'annonce de Mario Draghi et celle des juges de Karlsruhe, il est venu prouver par les faits que les craintes des ordolibéraux allemands étaient infondées. Il a prouvé par les faits que les mesures de la BCE n'étaient en aucun cas un appel à l'insouciance budgétaire. La France, un des derniers pays d'Europe à ne pas s'être converti à l'austérité généralisée prônée par Berlin et Bruxelles, décide désormais de rendre les armes. Au meilleur moment.


L'alignement de Paris sur Berlin en Europe


Désormais, les députés libéraux et conservateurs au Bundestag peuvent souffler. Avec un tel président français, il n'y a aucune raison de regretter Nicolas Sarkozy. Il fera sans doute un excellent allié pour exiger des Grecs dans quelques jours un nouveau tour de vis et pour faire pression sur le gouvernement espagnol afin que l'on obtienne de Madrid une politique d'ajustement la plus profonde possible. Comment en serait-il autrement ? Comment celui qui, à Paris, prétend que le ralentissement de la croissance oblige à plus d'austérité pourrait défendre l'idée que la récession grecque, espagnole ou italienne doit contraindre à desserrer la vis à Athènes, à Rome ou à Madrid ?


Victoire de la chancelière


Angela Merkel pourra donc avec fierté présenter à ses troupes l'étendue de sa victoire. Le nécessaire rachat de la dette par la BCE n'est pas inflationniste. La preuve : elle n'a pas freiné le moins du monde la conversion de François Hollande au dogme de la consolidation budgétaire à tout prix et en toute circonstance. Elle pourra, dans dix jours, faire observer que la majorité de gauche a voté sans la moindre difficulté « son » pacte budgétaire, premier pas vers une zone euro convaincue des bienfaits d'une politique basée sur la compétitivité externe.

Grand merci, monsieur le président


Ce qu'elle avait eu tant de mal à imposer à Nicolas Sarkozy, la chancelière l'a finalement aisément arraché au président « socialiste » (il faudra du reste songer à se défaire de ce vocable déplaisant aux oreilles de nos voisins nordiques et qui a conduit à une injuste méfiance d'emblée vis-à-vis de François Hollande). Ce tour de force, la chancelière ne manquera pas de l'utiliser pour reconstituer l'unité de son camp et rassurer l'opinion publique allemande.

Elle coupera aussi sans difficulté l'herbe sous le pied de Sociaux-démocrates qui ne pourront guère se prévaloir d'une « voie française » lors de la prochaine campagne électorale (il est vrai qu'ils avaient en juin abandonné en rase campagne leurs « camarades » français lors du vote du pacte budgétaire au Bundestag). Bref, les annonces de ce dimanche soir sont peut-être la première étape de la réélection d'Angela Merkel en septembre prochain. Herzlichen Dank, Herr Hollande !