Bras de fer en vue entre les Grecs et la troïka

Par Romaric Godin  |   |  764  mots
Les inspecteurs commencent leur travail d'analyse de la situation ce mercredi, accueillis par une grève générale. L'enjeu : éviter de nouvelles mesures d'austérité.

C'est sur fond de grève générale que les inspecteurs de la troïka commencent leur travail à Athènes ce mercredi. Une nouvelle fois donc, c'est un pays à l'arrêt qui accueille donc les représentants du FMI, de la Commission européenne et de la BCE : écoles fermées, ports et gares à l'arrêt, guichets et magasins fermés, cabinets médicaux portes closes…

Un pays exsangue

Si la manifestation athénienne a finalement été annulée compte tenu du mauvais temps, la grève de 24 heures, à l'appel des syndicats des secteurs public et privé, a été bien suivie. Le message que les salariés grecs ont voulu envoyé à la troïka est simple : «  plus de coupes dans les salaires et les retraites, plus de licenciements dans la fonction publique. »

Car si, dans les bureaux d'économistes, on commence à parler de reprise en Grèce, si la Commission européenne prévoit une croissance de 0,6 % l'an prochain - la première depuis 2008, l'Hellène de la rue souffre toujours autant. La richesse du pays a fondu d'un quart et, selon un chiffre de l'office grec des statistiques Elstat, les Grecs sont 40 % plus pauvres qu'en 2008.

Les finances grecques vont mieux, mais ce n'est pas assez

Car ni le retour à la croissance, ni la perspective d'un excédent budgétaire primaire dès cette année, ne permet de résoudre l'équation de la dette grecque. En juillet 2014, le plan actuel de soutien à la Grèce viendra à échéance. Selon les savants calculs de la troïka réalisés lors de la mise en place de ce (second) plan, en 2012, la Grèce doit alors être capable de financer elle-même, par ses excédents, le service de sa dette à partir de cette date. Il y a fort à parier qu'au rythme actuel ce ne sera pas le cas.

Que faire après 2014 ?

Il faudra alors préparer un troisième plan de soutien à la Grèce, soit par une nouvelle aide directe du MES, soit par une nouvelle restructuration de la dette, soit par les deux. Or, les bailleurs de fonds d'Athènes ne veulent pas de ce scénario. Une nouvelle aide devrait passer sous les fourches caudines du Bundestag, ce qui est toujours délicat, notamment pour une chancelière Merkel qui, quoique alliée avec la SPD, doit toujours regarder de près l'évolution du parti anti-euro AfD. Quant à la restructuration de la dette, elle signifierait que des organismes publics comme la BCE, la banque allemande KfW ou le MES renonce à leurs créances. Cela semble tout aussi difficile, lorsque l'on sait que les banques centrales nationales ont refusé de renouveler leurs obligations grecques arrivant à échéance.

Athènes ne veut pas de mesures supplémentaires

Du coup, la troïka pourrait être tentée de durcir encore le ton vis-à-vis d'Athènes en lui demandant d'accélérer encore les économies afin de rentrer dans les clous d'ici juillet. Une perspective qui inquiète beaucoup les Grecs, mais aussi le gouvernement. La semaine dernière, le président grec Karolos Papoulias, a martelé que le « peuple grec ne pouvait plus rien donner. » Même le premier ministre grec Antonis Samaras qui, à l'été dernier, avait consenti et fait consentir sa coalition à de nouvelles coupes, a dû promettre mardi qu'il « excluait toute nouvelle coupe dans les salaires et les retraites. »

Ne pas gâcher la croissance, ni favoriser Syriza

Le gouvernement entend faire réviser à la troïka l'objectif d'excédent primaire pour 2014 de 1,5 % à 0,8 % du PIB et obtenir un prolongement de l'aide en 2014 et 2015 sans nouveau « mémorandum », autrement dit sans nouvelles conditions d'austérité. La crainte d'Antonis Samaras est celle de réduire encore la croissance déjà trop faible que connaîtra le pays en 2014. D'autant que l'excédent budgétaire dégagé cette année est fragile et s'explique en grande partie par le versement par la BCE des bénéfices engrangées sur les obligations grecques. Il s'agit aussi d'éviter de donner du grain à moudre à l'opposition, la Syriza d'Alexis Tsipras qui, dans les sondages, talonne son parti, la Nouvelle Démocratie.

Le spectre des élections européennes

Un nouveau bras de fer - le énième - s'engage donc entre la Grèce et la Troïka. Jusqu'ici, Athènes a pratiquement toujours dû céder. Cette fois, néanmoins, Athènes peut se prévaloir de plusieurs succès obtenus. Sera-ce suffisant ? Pas sûr, alors que se profilent les élections européennes qui vont apeurer les grands d'Europe.