Hollande l'européen dans les pas de Nicolas Sarkozy

Par Romaric Godin  |   |  1061  mots
Nicolas Sarkozy a également souhaité une "convergence franco-allemande"
En insistant sur la convergence franco-allemande et le gouvernement de la zone euro, François Hollande cherche clairement à rappeler la politique de son prédécesseur.

A écouter François Hollande lors de cette conférence de presse, on aurait pu croire entendre… Nicolas Sarkozy. La volonté de relancer l'Europe par le couple franco-allemand, le projet d'une « convergence économique et monétaire » franco-allemande est une reprise mot à mot du choix de l'ancien président qui, lors de son discours de Toulon, le 1er décembre 2011, avait déclaré : « La France et l'Allemagne ont fait le choix de la convergence. Jamais, je ne reviendrai sur ce choix. » En octobre 2011, Nicolas Sarkozy avait avancé l'idée d'une convergence fiscale et sociale.

L'impossible convergence fiscale

Rien n'est réellement sorti de ces déclarations de bonne volonté. Il est vrai que le chantier est immense. Faire converger les deux modèles fiscaux relèvent de la gageure tant les modèles sont différents, notamment sur l'impôt sur les sociétés ou sur l'impôt sur le revenu. Il n'y a pas en effet que les taux moyens, il y a également le calcul de l'assiette, la progressivité, le recouvrement. Depuis 2009, la volonté de réformes fiscales outre-Rhin, qui visaient à modifier le calcul de l'impôt sur le revenu, ont toute échoué. On voit mal comment les Allemands pourraient accepter de réformer leur modèle fiscal sous la pression française.

Une convergence sociale ?

Surtout, une harmonisation fiscale ne peut aller que de pair avec les réformes sociales. Sur ce plan, François Hollande a indiqué que l'adoption du « salaire minimum » en Allemagne est un « premier pas. » C'est difficile à croire. Le salaire minimum allemand à 8,5 euros bruts par heure est encore loin du SMIC horaire français (9,53 euros bruts) et on voit mal les partis au pouvoir en Allemagne - qui ont eu tant de mal à se mettre d'accord sur ce niveau - accepter un rattrapage vers le niveau français qui est proche des propositions de Die Linke (10 euros).

Globalement, la convergence sociale franco-allemande n'est qu'une convergence de la France vers l'Allemagne, tant l'avantage compétitif allemand est important. Autrement dit, c'est d'abord une politique dans laquelle l'Allemagne n'a qu'un rôle limité à jouer et qui passe par une réduction forte des déficits et une augmentation de la compétitivité coût. Une politique que semble vouloir assumer François Hollande, comme l'avait voulu Nicolas Sarkozy. Mais une politique qui est risquée sur le plan social et politique. Concrètement, Nicolas Sarkozy n'avait obtenu dans sa volonté de convergence qu'une réalité concrète : la tenue de conseils des ministres franco-allemands. Il y a fort à parier que François Hollande n'aille plus loin.

Une politique industrielle franco-allemande ?

La même constatation peut être faite sur la question industrielle : à plusieurs reprises, Angela Merkel et son « cher Nicolas » avaient juré vouloir relancer une politique industrielle franco-allemande. Des groupes de travail avaient été mis en place. Comme François Hollande ce mardi, on présentait alors l'exemple d'EADS et d'Airbus. Mais ces beaux projets ont accouché d'une souris.

Là encore, la différence de culture entre les deux pays ne joue pas en faveur d'une convergence industrielle. Rien n'énerve plus les dirigeants d'entreprise allemands que la volonté de l'Etat français de se mêler de politique industrielle. De plus, même dans les entreprises qui fonctionnent, comme EADS, les batailles franco-allemandes, notamment sur les sites industriels, sont fréquentes. Pourquoi les entreprises allemandes qui bénéficient de taux de marge supérieur et qui fondent leur force à l'exportation sur le faible coût des services aux entreprises en Allemagne et la qualité de la formation allemande iraient s'allier avec des entreprises françaises souvent plus mal en point ? EADS a été fondée en 2000, lorsque la situation des entreprises allemandes et françaises était bien différente.

La difficulté d'une politique énergétique commune

La volonté d'une convergence dans le domaine de l'énergie paraît particulièrement peu crédible tant, dans ce domaine, les différences entre les deux pays sont importantes. En Allemagne, on a engagé une sortie difficile, mais rapide, du nucléaire, et s'appuie beaucoup sur des énergies renouvelables et le charbon. En France, on vit encore beaucoup sur l'acquis du nucléaire. En théorie complémentaires, les deux systèmes sont en fait peu compatibles sur le plan politique et industriel.

L'impossible entente diplomatique et militaire

Enfin, sur le plan de la défense, Nicolas Sarkozy avait souhaité renforcer en 2010 « la capacité d'intervention » de la brigade franco-allemande. Sans qu'il n'y ait de conséquences concrètes. François Hollande reprend, là aussi, le flambeau. Mais c'est son gouvernement qui a décidé la dissolution de la brigade franco-allemande de Donaueschingen en 2014. Comment croire alors que le couple franco-allemand puisse à nouveau s'appuyer sur la défense ? D'autant que Berlin a refusé de payer pour l'intervention française en Centrafrique lors du dernier sommet européen, réclamant de pouvoir décider avant de payer. La seule voie serait donc une centralisation des décisions d'intervention. La France y est-elle prête ? Rien n'est moins sûr tant, jusqu'ici, la France et l'Allemagne n'ont semblé diverger sur la question des interventions : en Libye, en Syrie ou Mali…

L'acceptation de la logique allemande

Pour finir, François Hollande estime que cette convergence franco-allemande doit déboucher sur un « gouvernement économique de la zone euro doté d'une capacité financière propre. » Là encore, c'est du Nicolas Sarkozy pur jus, lui, qui, en 2011, avait proposé un « gouvernement économique » à Angela Merkel. Cette dernière l'avait accepté, en lui donnant néanmoins un contenu allemand, celui notamment du pacte budgétaire. En réalité, dans cette intervention, François Hollande est dans la logique de son acceptation du pacte budgétaire.

Il accepte donc la logique imposée par l'Allemagne d'une Europe modelée sur le modèle allemand, autrement dans une logique où chaque pays de la zone euro est en compétition avec les autres et doit donc jouer sur la dévaluation interne pour améliorer sa compétitivité. L'idée de la convergence sociale, on l'a vu, va dans le même sens. Sans en parler explicitement, le président français semble d'ores et déjà avoir accepté les « contrats de compétitivité » que l'Allemagne proposera en mars à l'Europe. Comme Nicolas Sarkozy, il a voulu se présenter ce mardi comme le meilleur allié européen d'Angela Merkel.