Europe : le vain ultimatum de Londres de plus en plus isolé

Par Romaric Godin  |   |  588  mots
George Osborne, chancelier de l'Echiquier, a lancé un ultimatum à l'Europe
George Osborne a donné le choix à l'Union européenne: ou elle se réforme, ou elle verra le Royaume-Uni la quitter. Mais ces menaces risquent de ne faire peur à personne.

Le Royaume-Uni lance un ultimatum à l'Europe. Un an après le fameux discours sur l'Europe de David Cameron où le Premier ministre britannique annonçait un référendum en 2017 sur le maintien ou non du pays dans l'UE, le chancelier de l'échiquier (ministre des Finances) George Osborne a mis en garde : ou l'Europe se réforme, ou le Royaume-Uni quittera l'UE.

Réforme ou sortie

L'idée développée par George Osborne vise à obtenir une réforme en profondeur des traités européens pour définir la place des pays qui, comme le Royaume-Uni, ne souhaite pas entrer dans l'euro. Il s'agit de faire pendant au processus en cours d'intégration accélérée de la zone euro qui est en place depuis le début de la crise de la zone euro. « Si nous ne pouvons protéger les intérêts collectifs des pays non membres de la zone euro, alors ces derniers n'auront pas d'autres choix que d'entrer dans l'Union économique et monétaire… ou de quitter l'UE », a indiqué le chancelier de l'Echiquier.

Pression politique intérieure

Le contenu des réformes souhaitées par le gouvernement britannique reste assez flou. Cet ultimatum révèle surtout une double réalité : un isolement croissant de Londres sur la scène européenne et une pression constante des eurosceptiques sur la scène intérieure. Le dernier sondage de Yougov sur les prochaines élections européennes montrent ainsi des « Tories » en troisième position avec seulement 23 % des intentions de vote contre 32 % pour les travaillistes et 26 % pour le parti eurosceptique de Nigel Farage, le UKIP. Les Libéraux-démocrates n'obtiendraient que 9 % des voix. Logiquement, le gouvernement est pris de panique et tente de montrer à son opinion sa fermeté vis-à-vis de l'UE.

Londres isolée en Europe

Autre point déterminant : Londres perd progressivement ses alliés traditionnels dans l'UE. Le divorce est désormais consommé avec la Pologne depuis que Varsovie s'est alliée à Berlin et Paris sur le cas des travailleurs détachés. Le ministre des Affaires étrangères polonais, Radolsaw Sikorski a également montré de l'irritation face à la stigmatisation par le gouvernement de Londres de l'immigration intra-européenne et à la dénonciation du « tourisme social. » Bulgarie et Roumanie ne cachent pas non plus leur colère.

Le vent tourne également en République tchèque où le nouveau Premier ministre, qui dirige une coalition de centre-gauche, vient de faire de l'entrée de l'euro en 2020 une priorité, alors que le pays menait jusqu'ici une politique eurosceptique : en 2011, il avait été le seul, avec le Royaume-Uni, a rejeté le traité sur le MES et le pacte budgétaire. Enfin et surtout, Berlin, un temps tenté par l'alliance avec Londres et par un changement de traités, semblent moins enthousiaste. Londres est décidément de plus en plus seule. Et tente donc de peser en jouant sur le chantage : retenez-moi ou je fais un malheur…

Un chantage qui restera lettre morte ?

L'ennui, c'est que ce chantage risque de ne guère porter. En Europe, l'initiative est aujourd'hui clairement du côté de Berlin. Désormais assurée après le discours de François Hollande, de voir Paris ralliée à ses choix économiques pour la zone euro, l'Allemagne n'a guère besoin de s'appuyer sur un allié aussi encombrant que Londres. Elle a plutôt intérêt à poursuivre « l'intégration de la zone euro » à sa façon. L'ultimatum de George Osborne pourrait donc bien rester lettre morte…