Pourquoi Karlsruhe temporise sur le rachat illimité d'obligations d'Etat de la BCE

Par Romaric Godin  |   |  434  mots
Un juge constitutionnel allemand. Karlsruhe doit se prononcer sur le programme OMT de la BCE. Pas facile.
Selon un quotidien allemand, les juges constitutionnels allemands ne devraient pas prendre de décisions sur le programme de rachat illimité d'obligations souveraines avant avril. Voici pourquoi.

C'est une épée de Damoclès qui risque de menacer encore quelques mois la BCE. Selon le quotidien allemand Frankfurter Rundschau, les juge du « deuxième sénat » du tribunal administratif allemand de Karlsruhe ne parvient pas à se mettre d'accord sur l'issue à donner aux plaintes déposées concernant le programme de(Outright Monetary Transaction, OMT) de la BCE.

Selon le Frankfurter Rundschau, une décision pourrait tomber en avril, autrement dit dix mois après la réception officielle de la plainte le 11 juin dernier. Dans un premier temps, on attendait une décision pour le mois d'octobre 2013. C'est que l'affaire est complexe et divise profondément les juges.

Plaintes contre l'OMT

Les plaintes déposées à Karlsruhe estimaient que la BCE ne pouvait racheter de façon « illimitée » de la dette des pays de la zone euro pour au moins deux raisons. D'abord, parce que ce programme- même s'il concerne uniquement le marché secondaire - revient à financer des Etats de la zone euro, ce qui est contraire aux Traités européens. Ensuite, parce qu'il « gageait » de l'argent allemand - puisque l'Allemagne est actionnaire de la BCE - sans que le gouvernement fédéral ou le Bundestag puisse avoir le contrôle de ce gage.

Passer le relais à Luxembourg

L'ennui, c'est que la BCE ne dépend pas de la législation allemande. En théorie, Karlsruhe ne peut donc rien imposer à la BCE, elle devrait transmettre le dossier à la Cour de justice de l'UE de Luxembourg. Mais depuis la validation sous condition du traité de Lisbonne en 2009, la cour de Karlsruhe aime à poser les jalons des limites de la législation européenne en Allemagne. En 2012, elle avait ainsi soumis les décisions du MES à celle du Bundestag. Difficile de croire qu'une partie de ses membres ne désirent pas en faire autant cette fois.

Agir, oui, mais comment ?

D'autant que, en droit, l'argument de la perte de souveraineté budgétaire du Bundestag ne peut être balayé d'un revers de main. Depuis 2009, Karlsruhe a régulièrement réaffirmée cette souveraineté. Il ne peut valider l'OMT sans rien dire, pas plus qu'il ne peut se déclarer incompétent sur un sujet aussi central constitutionnellement. Mais comment agir ? Par la Bundesbank ? Mais elle est indépendante… Par le gouvernement fédéral ou le Bundestag ? Mais ils ne peuvent agir sur la BCE…

Bref, cette question de l'OMT est décidément bien délicate à trancher. Mais les juges allemands ont acquis depuis 2009 un pouvoir considérable. Un pouvoir qui ressemble désormais à un piège.