BCE : les décisions possibles des juges de Karlsruhe.. et leurs conséquences

C\'est à une audition de la Cour constitutionnelle particulière que l\'Europe va assister ces 11 et 12 juin. Les auditions publiques sont rares à Karlsruhe. Encore plus, sur deux jours. En cause : la constitutionnalité de plusieurs mesures prises par la BCE, particulièrement le programme OMT de rachat illimité de la dette souveraine des Etats membres de la zone euro par la BCE. On attend avec impatience le duel à distance entre la Bundesbank, opposée à l\'OMT, et la BCE. Ces auditions seront utilisées par les juges pour former leur décision qui n\'est cependant pas attendue avant septembre. Mais, d\'ores et déjà, plusieurs scénarios circulent en Allemagne. En voici quelques-uns.1. La Cour déboute les plaignants. Jugeant que l\'Allemagne ayant délégué avec le traité de Maastricht ses compétences de politiques monétaires à la BCE, et que celle-ci n\'est à ce titre que responsable devant la Cour de justice de l\'UE quant au respect des traités, Karlsruhe peut se déclarer incompétent. Les plaignants pourront toujours porter l\'affaire à Luxembourg, mais la BCE sortira renforcée de ce jugement : son indépendance ne sera pas remise en cause. Cette option n\'est cependant pas la plus probable. La Cour constitutionnelle a en effet prévu d\'examiner en profondeur le système de l\'OMT durant ces auditions. Autrement dit, elle considèrerait plutôt que ce programme relève de son ressort.2. La Cour transmet l\'affaire à la Cour de LuxembourgLes juges estiment que la BCE a dépassé son mandat. Mais ce dernier relevant de la compétence de la Cour de Justice de l\'UE, elle transmet l\'affaire à cette dernière. Tout le monde pourrait sortir vainqueur d\'une telle décision : Karlsruhe donnerait raison aux plaignants, sans pouvoir agir directement et, donc, sans pouvoir limiter le pouvoir de la BCE. Comme il n\'est pas dans les habitudes de la Cour de Luxembourg de mettre les institutions européennes en difficulté, la BCE, quoique affaiblie moralement par ce jugement, ne devrait pas se voir contestée le droit de « sauver l\'euro » avec l\'OMT.3. La Cour juge l\'OMT inconstitutionnelleLa Cour peut considérer que le programme de l\'OMT remet en cause les conditions selon lesquelles l\'abandon de souveraineté de l\'Allemagne a été accepté. En prenant des risques inconsidérés, la BCE pourrait en effet faire peser ses risques sur les contribuables allemands sans contrôle démocratique, ce qui est contraire à la constitution. Dans ce cas, les juges ne pourront pas « interdire » le rachat de programme OMT, mais ils pourront interdire aux institutions allemandes de participer à ce programme. Dans ce cas, la Bundesbank pourrait refuser d\'accepter de participer aux rachats d\'obligations dans le cadre de l\'OMT. Mais elle devrait également exiger de ne pas prendre part aux risques liés aux achats des autres banques centrales. Or, ceci est contraire au fonctionnement de l\'Eurosystème. Concrètement, l\'Allemagne devra alors choisir entre la sortie de la zone euro ou un changement constitutionnel difficile à faire passer. A moins que, pour éviter l\'éclatement, la BCE retire son programme OMT. Au risque de faire renaître les peurs sur les pays périphériques et de faire repartir la crise de la dette en zone euro... Cette option a été évoquée par un ancien juge dans un rapport remis récemment, mais jusqu\'ici, Karlsruhe a toujours été mesuré dans ces décisions européennes et a bien pris garde de ne pas provoquer la rupture avec l\'Europe.4.  Un « Oui, mais »La Cour s\'inspire de ses précédentes décisions : il valide l\'OMT comme constitutionnelle, mais pose ses conditions pour l\'avenir. Les juges de Karlsruhe demeurent conscients de leur responsabilité européenne, mais il entend également tirer les leçons du fait que l\'UE n\'est pas un Etat nation. Il se peut donc que l\'action de la Bundesbank soit à l\'avenir encadrée par cette décision. On peut imaginer que le rachat des titres se fasse avec l\'accord du Bundestag et/ou du Bundesrat, comme c\'est le cas pour les aides du MES. L\'ennui, c\'est qu\'au MES, l\'Allemagne a un veto de fait, pas à la BCE. L\'application de cette décision sera périlleuse, d\'autant que la BCE veillera à ne pas voir sa marge de manœuvre réduite. Les juges pourraient exiger du gouvernement fédéral une redéfinition du rôle et de BCE et de la procédure de prise de décision. Des négociations qui s\'annoncent très périlleuses. Dans ce scénario très vraisemblable, l\'action de la BCE sera limitée et sa crédibilité pourrait s\'en trouver atteinte. La décision de Karlsruhe apportera de l\'incertitude sur la future architecture de la zone euro, ce qui n\'est jamais bon. 
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