Comment la cour de Karlsruhe pèse sur la gouvernance de l'Europe

/>Mardi et mercredi vont se dérouler à Karlsruhe les auditions concernant les plaintes déposées contre le Mécanisme européen de Stabilité (MES) où il sera aussi beaucoup question du programme de la BCE de rachat d’obligations souveraines appelé OMT. A Francfort, l’institution dirigée par Mario Draghi a tenté de désamorcer les conséquences d’une décision de Karlsruhe qui limiterait son pouvoir en expliquant qu’elle ne dépend pas elle-même du droit national d’un Etat membre. Pourtant, la réalité plaide pour plus de mesure car, depuis 2009, la Cour constitutionnelle allemande a pesé très concrètement sur l’architecture des institutions européennes. Voici comment.30 juin 2009 : décision sur le traité de LisbonneLa Cour décide de ne pas valider le traité de Lisbonne et demande au gouvernement fédéral d’adjoindre à la ratification du traité une « loi d’accompagnement » reprenant ses recommandations afin de rendre cette ratification conforme à la constitution. Concrètement et schématiquement, Karlsruhe prend acte de l’échec du projet de constitution européenne et  n’accepte pas de voir dans Lisbonne un « traité de substitution » à cette constitution. Pour la Cour, si l’Union européenne n’est pas un Etat fédéral démocratique mais une union entre Etats souverains, le pouvoir politique allemand, autrement dit le Bundestag, doit alors toujours disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour que ses décisions soient efficaces. De fait, la Cour estime que le traité de Lisbonne représente la ligne ultime de l’abandon de souveraineté de l’Allemagne. Tout nouveau transfert de souveraineté devra s’accompagner d’une procédure de contrôle permanent démocratique par l’intermédiaire du Bundestag.Cette décision réduit théoriquement la possibilité de nouveaux transferts de souveraineté vers Bruxelles. C’est cette décision qui va définir la ligne de Karlsruhe durant toute la crise de la dette. A la différence de ce que pensait faire Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le traité de Lisbonne ne sera pas une « petite constitution », mais bien le point ultime de la centralisation européenne. Pour le reste, le parlement allemand devra avoir son mot à dire.7 septembre 2011 : décision sur l’aide directe à la GrèceLa Cour valide la participation allemande aux prêts bilatéraux accordés à Athènes en 2010. Mais il pose une ligne rouge : « ce n’est pas un chèque en blanc pour d’autres aides », proclame la cour qui, dans le paragraphe 125 de sa décision, rappelle que « le Bundestag ne peut transférer de façon inconditionnelle son pouvoir budgétaire à d’autres acteurs. » Karlsruhe interdit ainsi implicitement les euro-obligations qui reposeraient sur un budget européen décidé à Bruxelles ou au Conseil européen. L’intégration budgétaire européenne ne peut donc être, avec cet arrêt, que consultative. Aussi, dans la future architecture européenne de contrôle budgétaire (comprenant notamment le « two pack » et le « six pack »), la commission ne pourra disposer que d’un pouvoir consultatif. Par ailleurs, le Bundestag doit désormais donner son accord avant que le représentant allemand au FESF (l’ancêtre du MES) n’accorde une nouvelle aide.19 juin 2012 : décision sur le rôle du Bundestag dans la politique européenneLa Cour blâme le gouvernement fédéral pour ne pas avoir fait participer le Bundestag à sa politique européenne. Elle exige que, désormais, le gouvernement informe « au plus tôt » le parlement et que la participation de ce dernier soit « réelle. » Avec cette décision, Karlsruhe réduit notablement la capacité d’action unilatérale du gouvernement allemand qui doit, en conséquence, plus que jamais compter avec le Bundestag. Cette décision n’est pas anodine, car le gouvernement fédéral agit désormais avec beaucoup plus de prudence, notamment en période électorale. C’est sans doute cette décision qui est en partie à l’origine du comportement de Berlin durant la crise chypriote. Le SPD avait fait savoir qu’il ne voulait pas d’une aide sans participation des déposants. Le gouvernement, qui ne dispose pas de majorité propre sur les questions européennes, en a pris acte dans les négociations sur l’aide à Chypre.22 septembre 2012 : décision sur le traité établissant le MESKarlsruhe autorise la ratification du traité sous conditions. La participation allemande doit être limitée aux 190 milliards d’euros prévus dans le traité. Si le MES souhaite augmenter cette participation, le représentant allemand au conseil d’administration du MES ne pourra l’approuver qu’après un vote solennel du Bundestag. Ceci limite en théorie la possibilité prévue dans le traité européen d’une augmentation « automatique » de la participation des Etats à la demande du conseil du MES.La Cour a également limité le secret des délibérations du conseil du MES prévu dans le traité en exigeant que le représentant allemand tienne régulièrement informé le Bundestag et le Bundesrat de la situation du MES. Car, pour toute aide attribué par le MES, le Bundestag doit donner son feu vert avant que le représentant allemand – qui dispose d’un veto de fait – ne donne son accord. Avec cette décision, Karlsruhe place le MES sous le contrôle indirect du Bundestag et modifie de facto plusieurs disposition du traité européen.En conclusion, il n’est pas douteux que, bien qu’il ne soit qu’un organe de décision nationale, la Cour de Karlsruhe a pesé sur l’architecture de l\'Europe.La règle européenne ne sera donc qu\'une mince défense pour la BCE.ll  
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