La Bundesbank donne son feu vert à la BCE pour un assouplissement monétaire d'envergure

Par Romaric Godin  |   |  723  mots
Jens Weidmann, président de la Bundesbank, est prêt à envisager le recours à la planche à billets
Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a reconnu que le "QE", l'emploi de la planche à billets, n'était pas à exclure. Une inflexion majeure dans la politique monétaire européenne.

Il y a comme un son de réveil à la BCE. Après cinq mois d'immobilisme, l'institution monétaire de Francfort semble prendre conscience du risque que fait peser sur la zone euro le processus accéléré de désinflation. Comme d'habitude, le ton a été donné par l'Allemagne. Mardi, le président de la très orthodoxe Bundesbank, Jens Weidmann, n'a pas exclu dans une interview au site américain d'informations financières MNI, un « quantitative easing », autrement dit une politique de création monétaire massive.

Conditions de la Buba, mais accord de principe

Le président de la Buba a certes posé certaines conditions. « Les mesures non conventionnelles sont un territoire largement inexplorés. Cela signifie que nous devons avoir une discussion sur leur efficacité, sur leur coût et sur leurs effets secondaires », a-t-il indiqué. En particulier, il insiste sur l'impossibilité - inscrite dans les traités - de financer directement les Etats. Mais l'essentiel est ailleurs : pour la première fois, la Buba reconnaît qu'il faut faire plus.

L'euro en baisse

Le feu vert allemand étant donné, les jeux semblent faits. Le chef de la banque centrale slovaque, plutôt proche de l'Allemagne, Josef Makuch, a prévenu ce mardi, que « plusieurs membres du conseil des gouverneurs sont prêts à prendre des mesures décisives si nécessaire. » Mario Draghi a, du reste, ajouté, ce mardi à Paris, qu'il était prêt à « prendre des mesures additionnelles pour assurer la stabilité monétaire. » L'euro a immédiatement décroché, passant sous les 1,38 dollar et frôlant les 1,3775 dollar, alors qu'il avait ouvert à 1,3837 dollar.

Risque déflationniste

La fin de l'immobilisme semble donc acquise. Il était temps. Depuis octobre, le taux d'inflation de la zone euro est sous les 1%. Dans plusieurs pays, il est devenu négatif. Ce mardi, l'institut statistique espagnol INE, soulignait la forte accélération de la baisse des prix industriels de -1,9 % à -2,9 % en février. A terme, ce phénomène menaçait d'emporter la faible reprise de la zone euro en contractant les marges et en entraînant la région dans une spirale déflationniste où les chefs d'entreprise auraient répondu à cette baisse des marges par des réductions d'effectifs et de salaires.

Longtemps, la BCE a feint de ne pas croire à ce danger. Elle comptait sur l'effet d'entraînement des exportations. Mais la fermeté de l'euro induite par son immobilisme faisait peser un danger sur ces exportations et alimentait encore le risque de déflation. Surtout, l'Allemagne, moins touchée que les autres par ce phénomène, demeurait sourde au besoin d'action.

Prise de conscience de la Buba

C'est donc désormais terminé. La Buba a sans doute pris progressivement la mesure du danger. Une rechute de l'économie des pays périphérique serait lourde de conséquences pour la République fédérale. Surtout, l'économie allemande elle-même pourrait entrer à nouveau, après un bon début d'année, dans une zone de turbulences. L'indice Ifo publié ce mardi révèle un premier recul du climat des affaires outre-Rhin pour la première fois depuis septembre dernier. Mais surtout, l'indice des anticipations connaît un deuxième mois de chute et celui de l'industrie et du commerce recule également pour la première fois depuis octobre. L'Allemagne aussi pourrait avoir besoin d'un ballon d'oxygène et ne peut pas se permettre de voir les marchés de la zone euro retomber en récession.

Le danger était également important de voir l'euro bondir vers des niveaux difficiles à supporter pour tous. Mario Draghi avait tiré la sonnette d'alarme voici une semaine. Mais il fallait agir et envoyer un signal fort. C'est fait, mais il faut transformer l'essai. Ce ne sera pas une mince affaire.

Comment faire ?

Comme on l'a vu, la BCE n'a accepté que du bout des lèvres le « QE », elle va donc tenter de le réduire au strict minimum. Outre-Rhin, l'opinion publique risque d'être très difficile à convaincre que ces mesures sont positives. Une discussion serrée sur la nature concrète de ce nouvel assouplissement va désormais s'engager. Mais la BCE n'a pas réellement le droit à l'erreur. Si elle ne convainc pas, l'euro repartira de plus belle à la hausse et le risque déflationniste avec lui…