Indépendance de l'Ecosse : le scénario du référendum français de 2005 se dessine

Par Romaric Godin  |   |  662  mots
Les Ecossais les plus pauvres sont plus favorables à l'indépendance que les fortunés
Le "oui" à l'indépendance de l'Ecosse n'a plus que quatre points de retard sur le "non" à 5 mois du scrutin. Un vote de défiance des classes populaires envers les élites.

Voici encore quelques semaines, l'hypothèse de l'indépendance de l'Ecosse pouvait encore paraître fantaisiste. Ce n'est décidément plus le cas aujourd'hui. Dans un sondage paru ce week-end dans le quotidien The Scotsman, le « oui » à un Etat écossais n'a plus que quatre points de retard sur le « non » (46 % contre 42 %). le dernier sondage, voici un mois, ne donnait que 39 % d'intention de vote en faveur du « oui » lors du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse prévu le 18 septembre prochain.

Un vote « oui » plus solide

L'étude de ce sondage, réalisé par ICM, montre que les intentions de vote en faveur de l'indépendance sont plus solides que celles en faveur du « non » : 10 % des personnes votant « oui » affirment pouvoir changer d'avis, contre 18 % de celles qui votent « non. » A l'inverse, le « non » peut compter sur l'appui d'une grande partie des électeurs nés en Angleterre (ils sont en tout 460.000, soit un peu moins d'un quart des deux millions d'électeurs écossais) qui, selon ICM, voteraient logiquement non à 58 %, alors que le « oui » est majoritaire chez les électeurs nés en Ecosse (42 % contre 40 %).

Le « oui » a séduit les indécis

A cinq mois du scrutin, la tendance est donc clairement favorable aux indépendantistes. Certes, le « oui » n'a jamais encore été en tête dans un sondage, mais sa victoire ne peut plus être à exclure. Il ne semble plus n'avoir qu'un pas à faire pour l'emporter. Cette tendance était perceptible depuis plusieurs mois, mais il semble désormais qu'une grande partie des indécis aient basculé en faveur du « oui », malgré une intense campagne des défenseurs de l'union pour tenter de discréditer économiquement et politiquement l'option d'une Ecosse indépendante.

Manque de dynamique du « non »

La dynamique manque donc clairement au « non » qui, il est vrai, n'a pas manqué d'arrogance dans son approche du maintien de la livre sterling dans une Ecosse indépendante ou sur la question de la place du futur Etat dans l'Union européenne. Les soutiens du gouverneur de la Banque d'Angleterre et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso n'ont guère été utile. Car cette volonté « d'effrayer » en cas de « mauvais choix » a sans doute été mal ressenti dans plusieurs parties de la population écossaise, notamment les plus fragiles. Le sondage ICM montre ainsi que les plus pauvres soutiennent largement déjà l'indépendance (à 53 %), tandis que les classes moyenne sont plus sceptiques (42 % de « oui »).

Un souvenir de 2005

En fait, cette progression du « oui » ressemble étrangement à ce qui s'est produit en 2005 lors du référendum français sur la constitution européenne. L'ensemble de la classe politique écossaise, à l'exception des nationalistes du SNP (qui pèse moins de 40 % des voix) et des Verts, sont défavorables à l'indépendance. La plupart des sommités britanniques tentent de prouver que le « oui » est absurde et dangereux. Et le « oui » progresse pourtant inexorablement, comme un défi aux élites et aux experts.

Une secousse au sein de l'Europe

Comme en 2005, ce vote pourrait bien être un vrai séisme au sein de l'UE. Ce serait en effet une première pour l'UE : devoir gérer la scission d'un de ses Etats membres. Quel sera le comportement de Bruxelles (où, du reste, on sera, en septembre, en pleine constitution de la nouvelle Commission) ? Accepter le vote et y voir l'adhésion d'un 29ème membre serait logique et respectueux du vote des Ecossais. Mais cela inquièterait plusieurs pays tiraillés par un risque sécessionniste ou par nature très unitaristes : Belgique, Espagne, Italie ou même France. Car nul doute qu'en Catalogne ou en Flandre, une victoire du « oui » donnerait des idées. Or, les Cortès de Madrid viennent de refuser à la Catalogne le droit de tenir un référendum en novembre prochain. Il est vrai que l'Espagne, encore convalescente de la crise, ne peut se permettre de doutes sur son unité nationale, autrement dit, sur l'unité de sa dette…