Le Portugal redevient attrayant sur les marchés financiers

Par Romaric Godin  |   |  795  mots
Les investisseurs se sont montrés friands de titres portugais
Lisbonne est parvenue sans peine à placer 750 millions d'euros de dette à 10 ans ce mercredi à une taux moyen de 3,5752%. Un prélude à sa "sortie" du plan de sauvetage. Mais l'avenir ne s'annonce pas rose.

Le Portugal a émis ce mercredi pour 750 millions d'euros d'obligations d'Etat à 10 ans pour la première fois depuis 2011. Ce placement s'est effectué au taux moyen de 3,5752 %, soit un taux inférieur à celui du marché. La demande était forte, environ de 3,5 fois l'offre, mais il est vrai que le succès de ce placement ne faisait aucun doute. Après l'Irlande, le Portugal est le deuxième pays sous programme à réussir ce retour sur le marché des obligations à long terme. Voici deux semaines, la Grèce avait réussi à placer des titres à 5 ans.

Les raisons du succès

La principale raison de ce succès auprès des investisseurs est d'abord la volonté de ces derniers d'acquérir des titres sûrs et rémunérateurs. C'est le cas des pays périphériques qui, rappelons-le, offrent encore de beaux rendements dans un contexte de faible inflation. Par ailleurs, la BCE, depuis septembre 2012, garantit implicitement les obligations d'Etat de la zone euro sur le marché secondaire avec son programme OMT de rachat illimité de titres.

A cela s'ajoute, évidemment, l'amélioration de la situation budgétaire et conjoncturelle du Portugal. La croissance trimestrielle est revenue au deuxième trimestre 2013 et le pays a connu, selon l'office national des statistiques, une croissance annuelle de 1,6 % au dernier trimestre de l'an passé. Quant au déficit public, le gouvernement devrait le ramener sous les 3 % l'an prochain. Tout ceci évidemment, rassure les marchés, mais il est évident qu'il ne peut s'agir d'un élément déterminant.

Convalescence économique

Sur le plan économique, le Portugal est en effet convalescent. Si les exportations sont dynamiques en raison de la baisse du coût de la main d'œuvre induit par la politique de dévaluation interne des deux gouvernements portugais, la demande intérieure reste très fragile. La consommation des ménages a connu une hausse annuelle au dernier trimestre de 1,6 %, mais elle partait d'un niveau très faible et entretemps, le chômage a reculé. En revanche, les entreprises continuent à désinvestir, quoique moins vite. Comme toutes les économies traitées par l'austérité, le Portugal est donc fortement dépendante des exportations, autrement dit du contexte international. C'est une économie encore très fragile et dont la richesse est encore inférieure à celle de 2007.

Sortir du plan de sauvetage

Ce retour sur les marchés signifie sans doute que le pays pourra sortir comme prévu le 17 mai prochain du « plan de sauvetage » à l'image de ce qu'a réalisé l'Irlande. La troïka, arrivée mardi à Lisbonne, devrait donner son feu vert à cette sortie en douceur. Ce serait un succès de façade important pour le premier ministre Pedro Passos Coelho qui en avait fait un objectif de sa politique. Il a ainsi proclamé hier que le pays « allait enfin retrouver son indépendance financière. » Pourtant, rien n'est moins vrai.

Défis à venir

En effet, compte tenu de son niveau d'endettement (128 % du PIB), le pays est dans l'obligation de dégager des excédents primaires (hors service de la dette) pendant de nombreuses années. Le remboursement des dettes au MES ne débutera que dans les années 2020 ! Certes, les marchés pourvoiront en partie aux besoins du pays, mais dans la mesure où le Portugal tiendra ses comptes. Pour être vraiment indépendant, le Portugal devra donc attendre que le développement des exportations irrigue l'ensemble de l'économie et lui permette un développement de sa demande intérieure. Mais l'évolution n'est pas aisée : l'avantage compétitif du Portugal est pour le moment le coût du travail. Relever le niveau de vie du pays passera donc par le développement de secteurs plus haut de gamme. Le Portugal y parviendra-t-il ? C'est à souhaiter, mais il ne faut pas oublier que les concurrents européens et extra-européens du Portugal ont et vont aussi jouer sur les coûts. La menace d'un maintien pendant longtemps d'une pression sur les coûts est donc également possible. Ce serait désastreux pour l'économie et la société portugaises.

Conséquences politiques

Bref, Lisbonne est loin d'être sortie d'affaire. Du reste, à Bruxelles, on aimerait « offrir » un « filet de sécurité » au Portugal, en cas de « rechute » et de retournement des marchés. Preuve que la situation reste fragile. Reste enfin les conséquences politiques dans un pays malmenés par quatre ans d'austérité. La coalition de droite au pouvoir remonte certes légèrement dans les sondages, mais elle est devancée par les socialistes. Quant aux forces d'extrême-gauche, ils pèsent 18 % des voix, contre seulement 13 % en 2011. Il n'est donc pas sûr que Pedro Passos Coelho profite in fine du remède de cheval qu'il a imposé à son pays.