Parlement européen : une représentation très inégale

Par Romaric Godin  |   |  1000  mots
Chaque pays ne pèse pas du poids juste au parlement européen
Le vote de chaque citoyen européen ne pèse pas de façon équivalente au parlement européen. Tour d'horizon des différences et des inégalités de représentation.

On les voit partout dans les villes françaises. Des affiches incitent les citoyens à « choisir qui gouvernera l'Europe », à l'image de sympathiques concitoyens européens. Au parlement européen, on n'est pas peu fier de cette campagne digne de la « première élection où le président de la commission sera élu » (affirmation un peu audacieuse). On précise, par ailleurs que, pour rendre la campagne plus efficace, on a choisi volontairement des « représentants de petits pays. » Outre que la logique de ce choix laisse perplexe, elle semble étrange dans la mesure où déjà, les « petits pays » de l'UE dispose d'une surreprésentation au parlement européen, ce qui pourrait décourager certains électeurs des « grands pays. »

Des écarts importants

Car toutes les voix ne se valent pas en Europe. Un député européen représente en moyenne 677.509 habitants de l'UE, mais les différences sont considérables selon les pays. En effet, quel que soit le nombre de ses habitants, un Etat membre dispose de 6 élus au parlement, alors que le nombre d'élus des grands pays a été volontairement restreint pour limiter le nombre de députés (qui passera en 2014 à 751 contre 766 précédemment). Par ailleurs, certains « grands pays » disposent du même nombre d'élus alors que leur population peut diverger sensiblement : avec près de deux millions d'habitants de plus que l'Italie, le Royaume-Uni compte autant d'élus (73).

La France, grande perdante

Au final, la France apparaît comme la grande perdante de cette répartition. Avec ses 66 millions d'habitants, la France dispose de 74 élus. Un député européen français représente donc 891.892 habitants. C'est le niveau le plus élevé. Elle est suivie par l'Espagne (869.017 habitants par député) et par le Royaume-Uni (864.880 habitants par élu). L'Allemagne, pays le plus peuplé de l'UE, arrive en quatrième position avec un ratio de 838.541 habitants par élu. A noter cependant que, lorsque cette répartition a été effectuée, on pensait que l'Allemagne comptait 82,5 millions d'habitants. Un chiffre depuis revu à la baisse de 2 millions par l'office fédéral des statistiques Destatis. Mais même avec le chiffre « supposé » de 82,5 millions d'habitants, le ratio français restait plus fort que celui de son voisin germanique.

Un élu maltais représente 15 fois moins d'habitants qu'un élu français

Les pays les mieux représentés sont, sans surprise, les moins peuplés : Chypre, Luxembourg et Malte. Un député maltais représente ainsi seulement 71.500 de ses compatriotes, un élu luxembourgeois 88.396. Entre un élu maltais et un élu français, la différence de représentativité est donc de un pour 12,4. Autrement dit : le vote d'un Français veut en moyenne 12 fois moins que celui d'un Maltais. Et encore n'est-ce là qu'une moyenne. La France ayant opté pour une répartition des députés par « grandes régions », l'écart peut encore être plus notable. Ainsi, l'unique élu de la section « Océan indien » de la circonscription d'outre-mer représente seul ses 1.052.000 électeurs. Sa représentation est alors près de 15 fois supérieure à celle d'un élu maltais.

Voici un tableau résumant la représentation :

La France, la plus sous-représentée, la Lituanie la plus sur-représentée

Pour mesurer la sur-représentation ou la sous-représentation des pays de l'UE au parlement, il faut toutefois mettre en relation le poids relatif de chaque pays dans l'UE et dans le parlement européen. Et là encore, la France apparaît comme le parent pauvre. L'écart négatif entre son poids dans la population de l'UE et celui dans le parlement atteint 3,12 points. L'Allemagne suit avec un écart de -3,04 points. Il faut cependant préciser, en revanche, que, en prenant comme base de calcul l'ancienne estimation de la population allemande, c'est la république fédérale qui serait la plus sous-représentée en Europe avec un écart négatif de -3,37 points, contre -3,07 point pour la France.

En tout, six pays sont sous-représentés au parlement (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Espagne, Pologne) et 21 sur-représentés. La Roumanie est parfaitement bien représentée : son poids dans la population de l'UE et son poids au parlement sont identiques (4,26 %). Les pays les plus surreprésentés sont respectivement la Lituanie, la Bulgarie et la Hongrie.

Plus inégalitaire que les parlements allemand et britannique, moins que l'Assemblée nationale française

Reste évidemment qu'une représentation parfaite n'existe pas. Ces écarts territoriaux existent dans tous les pays. Reste à savoir si ces défauts sont plus élevés dans le cas du parlement européen que dans celui des parlements nationaux. Pour s'en tenir aux trois plus grands pays de l'UE, on remarque que la différence de représentation est souvent plus faible. Ainsi, en Allemagne, la circonscription la moins peuplée pour l'élection au Bundestag est celle de Prignitz (Mecklembourg-Poméranie Occidentale) avec 193.300 habitants, tandis que la plus peuplée est celle de Munich Est (Bavière) avec 363.700 habitants. Soit un écart de 1,88, inférieur de 6,7 fois à celui du parlement européen.

Au Royaume-Uni, l'élu de la circonscription de Na h-Eileann an Iar, dans les Hébrides extérieures, en Ecosse, représente 26.100 habitants. Celui de l'Ile de Wright, dans le sud du pays, 140.000 habitants. Soit 5,63 fois de plus. C'est encore plus de deux fois moins qu'au parlement européen. En France, la situation est un peu différente : la communauté de Saint-Pierre-et-Miquelon et ses 6.100 habitants envoie un député à l'Assemblée Nationale. C'est 24,16 fois moins que la circonscription la plus peuplée de France, la 6ème circonscription de Seine-Maritime (146.866 habitants). Le parlement européen est donc moins inégalitaire que l'Assemblée nationale française.

Néanmoins, la question de l'inégalité de représentation mérite d'être posée. Elle s'ajoute, du reste, à celle des pouvoirs réels du parlement et, au final, n'incite guère les citoyens dans les grands pays à se déplacer. Car, au final, leur voix porte peu.