Relance allemande : S&P met à rude épreuve la "nouvelle donne" de Macron

Par Romaric Godin  |   |  698  mots
Doper la croissance allemande est-elle suffisante pour doper la croissance européenne ?
L'agence de notation a réalisé une simulation sur la base d'un plan de relance allemand de 60 milliards d'euros sur deux ans. Résultat : avec 1% de PIB allemand, on n'obtient que 0,1 point de PIB français supplémentaire...

C'est la deuxième partie de la « nouvelle donne » européenne du ministre français de l'Economie Emmanuel Macron : que l'Allemagne injecte 50 milliards d'euros d'investissement dans son économie pour compenser les économies demandées à l'Etat français. L'effet « boule de neige » de cette relance purement allemande allait faire le reste.

Le plan de relance allemand, selon S&P

Ce mercredi 22 octobre au matin, une étude de l'agence de notation américaine Standard & Poor's (S&P) vient montrer que les calculs de notre ministre sont fort optimistes. S&P a réalisé une simulation sur un principe assez généreux : celui d'une augmentation des dépenses publiques de 30 milliards d'euros (un peu plus de 1 % du PIB) en 2015 et 2016, soit 60 milliards d'euros sur deux ans, répartis également entre de la consommation publique et de l'investissement public. C'est donc moins en termes d'investissements que la demande d'Emmanuel Macron. S&P se fonde, de plus, sur l'hypothèse que la politique monétaire de la BCE ne changera pas durant ces deux années. C'est aussi plus que ce que la « règle d'or » constitutionnelle allemande tolère à partir de 2016 (un déficit structurel de 0,35 % du PIB).

L'Allemagne au bord de la surchauffe

Le premier impact d'un tel plan sera d'abord sur l'économie allemande elle-même. Le PIB gagnerait 0,75 point de croissance supplémentaire après un an, 0,7 % ensuite. L'excédent courant du pays passerait ainsi de 7,3 % à 5,5 % du PIB en deux ans. S&P s'inquiète même des risques de « surchauffe » de l'économie allemande en 2016 en cas de stimulus budgétaire fort. Le surplus d'inflation fin 2017 en Allemagne par rapport aux projections de S&P pourrait ainsi en effet atteindre 1,4 point, propulsant l'inflation allemande bien au-delà de 2 %.

Surcroît d'exportations et d'emplois

Et l'effet sur le reste de la zone euro ? Il n'est pas nul, bien sûr. Le surcroît d'activité outre-Rhin va naturellement alimenter plus d'importations. S&P estime que les Pays-Bas, la Belgique et la France seront les premiers bénéficiaires de cette impulsion. Les exportations néerlandaises pourraient alors grimper jusqu'à 0,7 % de plus que prévu, celles de la France 0,55 %, celles de la Belgique 0,5 %, soit un peu moins que celles de l'Italie. Reste qu'en termes de croissance et d'emplois, l'effet sera assez faible, au final. S&P estime que le PIB de la zone euro gagnerait dans un plan de relance allemand d'un point de PIB, 0,3 point de PIB de croissance supplémentaire. 210.000 emplois pourraient être créés, soit 1,6 % de l'emploi total en zone euro, dont la moitié en Allemagne... La France gagnerait environ 9.000 emplois, soit la moitié des gains italiens.

0,12 point de croissance en France en plus

L'impact de croissance sur les grandes économies de la zone euro sera donc très faible. Seuls les Pays-Bas, économie très dépendante des exportations, pourrait connaître un effet très légèrement supérieur à celui de la moyenne de la zone euro : 0,35 point de PIB de croissance de plus. Pour les autres, les résultats de S&P sont très décevants : 0,14 point pour l'Italie et 0,12 point de PIB pour la France et l'Espagne.

Un plan paneuropéen est nécessaire

Certes, comme le souligne S&P, l'annonce d'une relance allemande aura sans doute des effets psychologiques positifs. Mais il serait faux de considérer comme le fait Emmanuel Macron que la relance allemande pour l'Allemagne est une panacée permettant à la France de réduire ses dépenses. En réalité, la zone euro n'a pas besoin de plans nationaux, mais d'une véritable solidarité où l'on n'hésite plus à « payer pour les autres. » Le désinvestissement allemand est certes notable, mais la crise et l'austérité ont détruit un immense potentiel industriel et économique dans les pays périphériques. C'est ici qu'il faut investir, y compris avec de l'argent allemand. Mais on est fort loin d'une telle politique industrielle paneuropéenne. Le plan Juncker pourrait en être l'amorce, mais sera-t-il suffisant et suffisamment bien conçu, alors que l'ancien premier ministre luxembourgeois a toujours insisté sur son idée d'investir sans augmenter la dette ?