Allemagne : les effets de l'ouverture du marché des bus longue distance

Par Romaric Godin  |   |  583  mots
Il sera bientôt possible de traverser la France en bus. Pour quel impact macroéconomique ?
Emmanuel Macron veut ouvrir en 2015 le marché du bus longue distance sur le territoire national. Bilan de l'ouverture qui a eu lieu en Allemagne en 2013.

L'idée d'Emmanuel Macron de doper la croissance française par la libéralisation du marché des bus longue distance a déjà un modèle : l'Allemagne. Outre-Rhin, le marché a été entièrement ouvert le 1er janvier 2013. En réalité, cette libéralisation n'était que partielle, car par un privilège remontant à l'époque de la guerre froide, lorsque Berlin Ouest était isolé du reste de la république fédérale, il était possible d'utiliser des bus longues distances depuis la gare routière centrale de Berlin. En 2012, 2,4 millions de passagers avaient donc utilisé ces lignes.

Ouverture en 2013

Pour autant, le 1er janvier 2013 a marqué une réelle césure. A la fin de cette année, le nombre de passagers en bus longue distance s'est élevé à 8 millions. Les professionnels prévoient que ce chiffre pourrait doubler cette année. Un marché s'est rapidement constitué. Deux leaders se sont détachés, Mein Fernbus (« Mon bus longue distance ») et Flixbus, deux opérateurs qui ont avant tout compté sur l'argument du prix pour s'imposer et faire valoir sa différence par rapport au train. Sur le trajet Berlin-Hambourg, la Deutsche Bahn propose un ICE (équivalent du TGV) à 78 euros pour 1 heure 42 de trajet, sans réservation (il faudra sinon rajouter 4,5 euros). Flixbus, lui, propose un trajet de 3 heures 10, mais pour 11 euros, réservation comprise.

L'Impact sur Deutsche Bahn

Cette offre bon marché a séduit une clientèle de retraités et d'étudiants plus que d'actifs, mais elle a offert une belle croissance à ce marché naissant, sans qu'il cannibalise réellement les autres marchés puisque le nombre de voyageurs ayant circulé sur les trains de la Deutsche Bahn a été augmenté d'un million en 2013. Néanmoins, cette concurrence a un coût pour l'opérateur ferroviaire historique, malgré sa présence sur ce nouveau marché, via deux filiales. Il a estimé le coût de cette ouverture à un recul de la rentabilité de 20 millions d'euros en 2013 et de 40 millions d'euros en 2014. Principale raison : la nécessité d'entrer dans la course aux prix avec les bus, ce qui a un effet direct sur la rentabilité de la Bahn : une perte de 3 % en 2013.

Premières faillites

Reste que ce nouveau marché demeure très limité. Son chiffre d'affaires est de 70 millions d'euros, mais il croît vite. On prévoit un chiffre d'affaires cumulé de 150 millions d'euros en 2015, certains promettant même 200 à 400 millions d'euros. Ceci rend l'effet macroéconomique de cette ouverture négligeable. Quant à la rentabilité, elle est souvent pour plus tard, comme souvent lors de ces marchés naissants, très faibles pour les leaders et inexistantes pour les autres. En septembre, un opérateur, city2city, a déposé le bilan et l'opérateur Postbus, filiale de l'automobile club ADAC et de la Deutsche Post, songe à jeter l'éponge à son tour.

Nouveau modèle ?

Les experts de l'institut Iges, spécialisé dans les transports, estiment que, in fine, les bus longue distance pourraient prendre 5 % du marché du transport, largement dominé par l'automobile personnelle. Ce serait plus que la part du transport ferroviaire actuellement (4 %). Néanmoins, il faudra bien du temps pour en arriver là et notamment un changement du modèle d'entreprise car la lutte des prix bas ne saurait perdurer dans un marché plus mature. Au final, cette ouverture semble avoir, outre-Rhin, répondu à une demande. Mais il n'est certes pas un élément déterminant d'une nouvelle impulsion à la croissance. L'effet de cette mesure est marginal.