Prévisions économiques : la nouvelle Commission manque d'audace

Par Romaric Godin  |   |  579  mots
Pierre Moscovici n'a guère été convaincant dans l'exercice des prévisions d'automne de la commission
Pierre Moscovici et Jyrki Katainen n'ont pas réellement montré de volonté de rupture lors de la présentation des prévisions économiques d'automne de la Commission.

Les prévisions économiques d'automne sont désormais un point fort de l'année européenne et avec l'entrée en fonction de la nouvelle commission, on pouvait s'attendre à ce vent de changement que promet depuis le mois de juillet dernier Jean-Claude Juncker. On en a été pour nos frais.

Défaut d'explication

Les prévisions en elles-mêmes sont très préoccupantes. Rien que pour l'année 2015, la croissance attendue a été révisée en baisse de 0,6 point, de 1,7 % à 1,1 %. C'est très faible. On pouvait donc attendre un vrai sursaut de la Commission sur les causes de cette faiblesse persistante. Il n'en a rien été. Ni Pierre Moscovici, ni Jyrki Katainen n'ont été en mesure de donner des explications convaincantes de la situation. Ils se sont contentés d'insister sur la tendance à l'amélioration. Ne passe-t-on pas de 0,8 % en 2014 à  1,1 % en 2015 ?

Les commissaires se sont également montrés incapables d'expliquer le rebond de l'inflation en 2015 et 2016 à 1 % et 1,5 % (par quels moteurs alors que les anticipations à moyen terme ne cessent de reculer ?). Ils se sont félicités des bons résultats attendus pour 2015 et 2016 des pays sous programme, ou anciennement sous programme, sans encore là donner d'explications convaincantes ni prendre en compte les risques existants. Tout se passait en réalité comme avec l'ancienne commission lorsque Olli Rehn assurait que les exportations allaient profiter de la demande externe qui « gagnait de la vigueur. » On continue donc de se bercer d'illusions sans traiter réellement les vrais risques.

Continuer l'austérité

Du reste, le rideau s'est réellement déchiré sur la question de l'austérité. Pierre Moscovici a défendu avec une ardeur particulière les politiques menées depuis 2010, les jugeant « nécessaires » et affirmant que « l'endettement excessif » était la cause de la crise. Mais comment alors se plaindre de la faiblesse d'une économie européenne qui est la victime de ces politiques ? En passant, on pourrait répondre à l'ancien ministre français qui, décidément, avait un autre langage à Bercy, que l'endettement excessif est, apparemment, tout autant une conséquence du traitement choisi de la crise qu'une cause de cette crise.

Dans ces conditions, il faut donc continuer à consolider les budgets. Et Pierre Moscovici considère que cette croissance molle ne représente pas de « conditions exceptionnelles. » Bref, la Commission continuera à faire pression sur la France et l'Italie et sur les autres pour qu'elles mènent des politiques procycliques qui contribuent encore à affaiblir l'activité. Mais comme la Commission se réjouit que l'on passe de 0,8 % à 1,1 % entre 2014 et 2015, il n'y a pas de raisons de s'alarmer...

Que faire ?

Mais, tout de même, que faire contre cette croissance molle. Les idées ne manquent pas : Pierre Moscovici veut plus d'investissement, plus de coordination, plus d'initiatives. Mais concrètement ? Pas grand-chose : le plan de 300 milliards d'euros d'investissements publics et privés sur trois ans auquel la Commission travaille, mais qui « ne pourra pas tout », prévient Jyrki Katainen. Bref, comme toujours, on semble surtout attendre le retour de la croissance comme par « miracle » parce que, après deux ans, dans les graphiques des économistes, elle revient toujours. En réalité, faute de vouloir réellement expliquer la situation par ses vraies causes, on ne peut guère trouver les moyens d'en sortir. Le moins que l'on puisse dire, en tout cas, c'est que cette nouvelle commission a fait bien piètre figure et qu'elle ne s'est guère montrée à la hauteur des défis qui l'attendent.