La transition énergétique peut-elle sauver l'économie européenne ?

Par Fabien Piliu  |   |  816  mots
La solution proposée pour favoriser une relance économique en Europe est radicale et a le mérite de l'originalité : déclencher un choc sur le prix du carbone. Plusieurs scénarios sont proposé, le plus offensif étant de fixer une taxe de 100 euros sur la tonne de CO2.
Selon les économistes européens ayant participé à la rédaction de l'Independant annuel growth survey, un choc sur le prix du carbone permettrait de déclencher une vague massive d'investissements capables de relancer les économies européennes et d'accélérer la transition énergétique. Réalisable ?

Pour sortir les économies de l'Union européenne de la crise, plusieurs solutions ont été expérimentées. Aucune n'a fonctionné : " Le chômage a explosé, en particulier celui des jeunes, les inégalités sont de plus en plus fortes et le processus de convergence au sein de l'Union européenne est à l'arrêt complet ", estime Xavier Timbeau, le directeur Analyse et Prévisions, de l'Observatoire français des conjonctures européennes (OFCE)

Quelles sont-elles ? La consolidation budgétaire ? " Elle a fait assez de dégâts en Europe ", estime l'économiste. La politique monétaire expansionniste ? "Elle est indispensable mais elle ne pourra pas résoudre tous les problèmes des économies de la zone euro, notamment la déflation ", poursuit-il.

Le plan de Juncker ? Insuffisant !

Le plan de 315 milliards d'euros proposé par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne ? "Insuffisant ! Ce n'est pas véritablement de l'argent frais, des investissements nouveaux. Une partie des sommes en jeu devait déjà être dépensée. Par ailleurs, le montage financier est complexe", avance Xavier Timbeau, également responsable du projet Independant annuel growth survey (IAGS ) réalisé par un groupe d'instituts européens qui réunit notamment l'OFCE, l'allemand IMK et le danois ECLM qui propose une alternative un peu folle pour relancer les économies de l'Union européenne. "L'Europe n'a plus véritablement le choix. Les solutions classiques ayant prouvé leur incapacité à sortir l'économie européenne de la crise, il s'agit désormais d'innover ", estime l'économiste qui se fait ainsi le porte-parole des économistes ayant participé au projet. "L'Europe est à un tournant de son histoire économique. Il faut prendre des risques pour que la machine à créer des emplois et de la croissance redémarre ", prolonge Xavier Ragot, le président de l'OFCE. "Il faut arrêter de faire comme si le monde d'hier pouvait continuer à exister. On ne peut pas se contenter de compter les pingouins sur la banquise quand celle-ci est en train de fondre. Avec ses mesures, c'est un petit peu ce que Bruxelles est en train de faire depuis trop longtemps ", poursuit-il.

La relance par l'investissement

Concrètement, il s'agit de relancer l'investissement public, seul capable de relancer l'emploi et la croissance sur le Vieux continent. Comment ? La solution choisie est radicale et a le mérite de l'originalité : déclencher un choc sur le prix du carbone. Plusieurs scénarios sont proposé, le plus offensif étant de fixer une taxe de 100 euros sur la tonne de CO2. Le coût des énergies carbonées explosant sous le coup de cette décision, les États n'auraient pas d'autres choix que d'investir massivement dans les énergies renouvelables, accélérant ainsi une transition énergétique qui peine à se mettre en place. "Il faut profiter de la faiblesse actuelle des taux d'intérêts. Compte tenu du niveau des taux d'intérêts à dix ans, les États et les entreprises peuvent s'endetter à moindre coût sans risque de voir la charge de leur dette augmenter pendant une décennie. Il faut profiter de cette chance ", estime Xavier Timbeau.

S'endetter serait une chance ? Le mot est aujourd'hui tabou et le principe rejeté par nos amis allemands et la Commission européenne. Esquissée dans le rapport Pisani-Ferry -Enderlein, une solution existe pour faire avaler la pilule aux garants de l'orthodoxie budgétaire : il suffit que cette dette nouvelle, qui serait intégrée à un fonds européen dont le montant pourrait s'élever à environ 200 milliards d'euros, soit 2 à 3 points de PIB de la zone euro, ne soit pas pris en compte  lors du calculé de l'endettement d'un pays. Avec cet outil, l'endettement est stabilisé et des marges de manœuvre sont dégagées. En clair, il s'agit de ne plus se préoccuper de faire baisser à tout prix le numérateur du ratio dette/PIB mais d'augmenter le dénominateur.

Un effet nul pour les ménages et les entreprises

Reste une question : les économies européennes, notamment la France, seraient-elles capables d'absorber un tel choc ? "Non, bien sûr. C'est la raison pour laquelle il faut que ce choc soit surcompensé pour les ménages et pour les entreprises", explique Xavier Timbeau égrenant une série d'outils comme des subventions, des bons d'essence gratuits, des aides financières ciblées ou globales, des quotas d'émissions supplémentaires, un soutien fiscal pour les industries électro-intensives, des taxes aux frontières pour empêcher les pertes de compétitivité... " Les solutions ne manquent pas ", estime l'économiste.

Qu'en penses Bruxelles ?

Présentées à Bruxelles la semaine dernière, notamment au commissaire européen Pierre Moscovici ainsi qu'au président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, les solutions formulées dans ce rapport ont-elles des chances d'être suivi d'effet ? Xavier Timbeau l'envisage. "L'inquiétude est grande à Bruxelles. Certaines idées, iconoclastes hier, sont écoutées avec plus d'attention aujourd'hui ", avance-t-il.