Le franc fort pèse sur l'économie helvétique

Par Romaric Godin  |   |  618  mots
Le franc fort plonge la Suisse dans la récession.
La décision de la Banque Nationale Suisse va conduire la Suisse à la récession en 2015 et à la stagnation en 2016. Le chômage va grimper et la BNS va devoir encore intervenir pour empêcher toute nouvelle appréciation du franc.

Les premières conséquences de la levée du taux plancher du franc suisse face à l'euro par la Banque Nationale Suisse le 8 janvier dernier commencent à se faire sentir. Certes, il y a eu les premières victimes, les fonds de gestion de devises américains qui ont dû encaisser de lourdes pertes après la fin du taux plancher. Mais désormais, ce sont les conséquences sur l'économie suisse qui commencent à venir à la lumière.

Nouvelles prévisions

Mercredi 28 janvier, l'institut économique KOF, de l'école polytechnique zurichoise, le plus influent de Suisse, a dévoilé ses nouvelles prévisions pour 2015. Ces nouveaux calculs se fondent sur une parité entre l'euro et le franc suisse jusqu'en 2016 et un prix moyen du baril de pétrole de 50 dollars. Résultat : la Suisse devrait entrer en récession à l'été. Les exportations seront en effet directement impactées par le renchérissement de la monnaie helvétique. Le KOF prévoit un recul des exportations suisses de 1,4 % en 2015.

Baisse des commandes à l'export

Selon l'institut, les entreprises réagiront d'abord à la baisse des commandes étrangères par la baisse des stocks, puis la production devrait commencer à baisser à partir du deuxième trimestre. A l'été 2015, le PIB suisse pourrait entrer en récession et la croissance pour 2015 sera négative, à -0,5 %. En 2016, le KOF prévoit une stagnation de l'économie suisse. Dans un premier temps, la baisse des prix devrait maintenir la consommation, mais les effets secondaires ne tarderont pas à se faire ressentir. La baisse des recettes fiscales va freiner l'emploi public qui, note le KOF, « fut un des principaux moteurs de l'emploi depuis le début de la crise financière. » L'emploi privé va également reculer. Au final, le nombre de chômeurs devrait progresser de 0,3 % en 2015 et de 1,8 % en 2016. Le taux de chômage au sens national passera de 3,2 % en 2014 à 4,1 % en 2015. Du coup, la consommation reculera de 1,4 % dès 2015 et de 0,4 % en 2016.

Facture salée

La facture s'annonce donc salée. La Suisse aurait ainsi une croissance inférieure de 2,5 points à la moyenne de l'OCDE cette année, et de 2,1 points l'an prochain. Sur le terrain, la situation se dégrade clairement. Les signaux en provenance des entreprises suisses ne sont pas encourageants. Novartis estime qu'il va devoir revoir son chiffre d'affaires de 7 points et, s'il ne le confirme pas, le groupe pharmaceutique bâlois va devoir aussi compter avec un recul de ses bénéfices. Son concurrent et voisin Roche ne peut pas espérer faire mieux.

La BNS intervient encore

D'autant que les prévisions du KOF peuvent sembler assez optimistes : compte tenu de l'assouplissement quantitatif de la BCE et des difficultés persistantes de l'union monétaire, la pression haussière sur le franc suisse sera forte. Au point, du reste que, la BNS a fait savoir mardi qu'elle était intervenue sur les marchés pour apaiser la hausse du franc qui, après l'élection grecque, avait atteint 0,99 euro. Il s'échangeait ce mercredi à 1,02 euro. La BNS a jugé que le niveau du franc était « survéalué. » Rien qu'en janvier, elle a encore dépensé près de 100 milliards de francs suisses sur les marchés. On perçoit ainsi de plus en plus les contradictions de la décision de la BNS : pour refuser de maintenir le taux plancher, cette dernière a sacrifié une partie de l'emploi helvétique sans pour autant que les interventions sur le marché appartiennent au passé puisque le marché (et c'était à prévoir) ne fixe pas un niveau « approprié » du franc. Pas certain qu'elle évite, au final, les dépenses qu'elle avait voulu s'épargner lors de la fin du cours plancher...