Le bras de fer entre Athènes et Berlin s'engage

Par Romaric Godin  |   |  729  mots
La question grecque reste ouverte.
Berlin réclame l'abandon des promesses de campagne de Syriza. Athènes s'apprête à relever le salaire minimum. Les positions sont aux antipodes entre les deux capitales.

Le jeu d'échec se poursuit. Alors qu'Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre grec, et son ministre des Finances Yanis Varoufakis font la tournée des capitales européennes pour présenter leur plan de restructuration de la dette, l'Allemagne contre-attaque. Reuters dévoile ce mercredi 4 janvier, en effet, un document qui devrait être présenté ce jeudi à des officiels des ministères des finances européens lors d'une réunion destinée à définir quelles réponses devraient être apportées aux demandes helléniques.

Berlin inflexible

Dans ce document, la position allemande est très ferme : on demande au gouvernement grec de renoncer à toutes ces promesses et de revenir aux demandes de la troïka. Du reste, le document demande le maintien de la troïka et le respect de tous les précédents engagements de la Grèce : parvenir à un excédent budgétaire de 4,5 % du PIB en 2016, poursuivre les privatisations, réduire l'emploi public d'encore 150.000 postes et maintenir le salaire minimum à son niveau actuel. Le document germanique conclut que « l'Eurogroupe a besoin d'un engagement clair de la Grèce pour assurer une mise en œuvre complète de l'agenda de réforme. »

C'est une réponse très dure aux propositions helléniques. Mais c'est aussi un jeu stratégique classique : face aux pressions exercées d'emblée par Athènes, Berlin répond par une défense de fer et une fin de non-recevoir. L'objectif est d'impressionner les Grecs, qui, de crainte de se voir privés de fonds, feront des larges concessions.

La Grèce maintient la hausse des retraites et du salaire minimum

La Grèce, elle, a fait déjà quelques avancées. Mais elle demeure ferme sur l'essentiel. Les propositions de Yanis Varoufakis sur l'aménagement de la dette n'est pas vraiment un recul : le ministre avait déjà, avant l'élection dans une interview à La Tribune, indiqué qu'il éviterait les annulations de dettes dans ses premières propositions. Samedi, Alexis Tsipras devra présenter au parlement grec, la Vouli, ses premières mesures économiques. Elles sont un peu édulcorées par rapport aux promesses de campagne, mais elles ne vont guère dans le sens allemand. Ainsi, le salaire minimum devrait remonter graduellement de son niveau actuel 586 euros aux 711 euros d'avant 2011. Mais les conditions de licenciements devraient être durcies. Enfin, la réforme des retraites sera gelée et il y aura bien le retour du 13ème mois pour les retraités qui touchent moins de 700 euros par mois. En théorie, ce texte devrait être voté lundi. Si c'est le cas, ce sera une réponse négative aux exigences allemandes.

Bras de fer

La révélation fort opportune du document allemand montre que, pour le moment, les conditions d'un accord sont encore assez éloignées. Et que chacun montre ses muscles pour tenter d'impressionner l'autre. L'enjeu n'est pas mince et la partie serrée. Tout le monde a quelque chose à perdre dans l'affaire. Si aucune des parties ne bouge des positions actuelles, la Grèce sera contrainte au défaut et, sans doute rapidement, à la sortie de la zone euro. Si l'Allemagne cède, Angela Merkel devra faire face à une levée de boucliers dans son partie et à sa droite. Si la Grèce cède, Syriza est menacée de devenir un nouveau Pasok et de devoir faire face à un mécontentement social fort. La question est finalement de savoir qui bluffe. Autrement dit de savoir si, au final, la Grèce est prête à prendre le risque d'une sortie rapide de l'euro ou si l'Allemagne est prête à prendre le risque de la fin du mythe de l'euro « irrémédiable » et des conséquences d'un défaut grec.

La BCE calme le jeu

En attendant, la BCE commence à montrer des signes de pacification. Selon le quotidien allemand Die Welt, le conseil des gouverneurs a décidé de maintenir l'accès des banques grecques au programme d'aide à la liquidité d'urgence (ELA). Ceci permet au secteur bancaire grec de fonctionner au moins jusqu'au 28 février, date à laquelle la Grèce devra théoriquement trouver un accord avec ses créanciers pour que sa dette puisse continuer à être acceptée comme collatéral par la BCE. Sans cette dérogation, les banques grecques cesseront d'acheter de la dette hellénique et manqueront de liquidités.