Voici ce qu'a proposé la Grèce à l'Eurogroupe

Par Romaric Godin  |   |  931  mots
La Grèce a proposé des réformes à ses partenaires européens
Le gouvernement grec a révélé ce qu'avaient été ses propositions à l'Eurogroupe du 11 février et qui fondera sans doute ses propositions de ce mercredi.

Que veut exactement Athènes ? Le ministre fédéral allemand des Finances a multiplié les déclarations selon lesquelles la Grèce ne savait pas ce qu'elle voulait. Mais le site Internet grec Capital.gr, repris par le site anglophone Macropolis, a révélé les propositions du ministre hellénique des Finances Yanis Varoufakis lors de l'Eurogroupe du 11 février. Et une autre vision se fait alors jour.

Une nouvelle relation de la Grèce avec ses partenaires

Selon ces informations, la vision du gouvernement grec est de passer à une coopération "fondée sur la confiance et le respect mutuels". Athènes ne veut plus entendre parler de la troïka, mais propose que la Commission européenne soit au centre de cette coopération. Les Grecs entendent beaucoup également s'appuyer sur le FMI, notamment dans la réflexion sur la dette publique. Athènes demande une extension de la date d'échéance de l'aide au pays, fixée au 28 février, afin d'entamer une "vraie négociation de bonne foi pour forger un nouveau contrat entre nous".

D'où l'idée d'un programme "pont" qui, précise Yanis Varoufakis, "ne doit pas être considérée comme une reconnaissance de la logique du programme précédent ni comme une partie de cette dernière". Ce programme doit permettre à la Grèce de rembourser les échéances du FMI et, surtout de la BCE (6,7 milliards d'euros de bons arrivant à échéance en juillet et août).

L'engagement budgétaire

Athènes s'engage très fortement à "maintenir des finances publiques saines" et propose un objectif d'excédent budgétaire de 1,5 % du PIB, soit celui obtenu en 2014 par le pays, au lieu des objectifs fixés dans le mémorandum de 3 % du PIB en 2015 et de 4,5 % du PIB en 2016. Selon la partie grecque, "cet objectif est suffisant - dans le cadre de prévisions très raisonnables - pour réduire la trajectoire du ratio d'endettement du pays".

Sur la dette, la Grèce s'engage à faire des "propositions concrètes" pour réduire le fardeau de la dette de façon efficace avec des "instruments innovants".  Elle propose la création d'un groupe de travail sur le sujet au sein de l'Eurogroupe.

Les réformes

Sur les réformes, le gouvernement Tsipras prend des engagements forts concernant "la levée de l'impôt, la gestion des finances publiques, la réforme de l'administration publique, l'amélioration du climat des affaires, le cadastre, la réforme du système judiciaire et la lutte contre les rentes".

Il s'engage aussi à combattre la corruption et l'évasion fiscale. Et demande même la collaboration des autres pays de la zone euro sur la question, "parce que cela renforcera la confiance entre la Grèce et ses partenaires".

Les privatisations

Concernant les privatisations, Yanis Varoufakis ne les rejette pas d'emblée, mais veut une approche "non dogmatique". Il affirme que la privatisation de l'autorité portuaire du Pirée n'a pas été annulée.

L'idée avancée est celle d'une "évaluation projet par projet et fondée sur les mérites propres à chaque opération". Athènes s'engage à encourager l'investissement étranger "dans le respect des relations du travail et de l'environnement". Sur la vente des propriétés de l'État, le nouveau gouvernement veut abandonner les ventes rapides et mettre en place une banque utilisant ces terrains comme actifs pour prêter aux PME.

Des propositions raisonnables

Que retenir de ces demandes ? D'abord, la volonté d'Athènes de réformer le pays en profondeur sans le mettre à genoux économiquement. Une proposition qui, en théorie, devrait retenir l'attention de tout créancier intéressé au retour de son capital. Surtout lorsque son débiteur est à genoux.

Ensuite, la volonté de gérer la question du financement sur d'autres bases que celles instaurées par la troïka : la confiance plutôt que l'injonction. Mais Athènes fait de larges concessions à ses partenaires : sur les réformes, sur les privatisations et sur la politique budgétaire.

Il s'agit donc de vraies propositions, contrairement à ce que Wolfgang Schäuble a prétendu. Yanis Varoufakis n'est pas arrivé les mains vides, comme on l'a affirmé. L'absence de chiffrage s'explique: la Grèce ne demande pas l'aumône pour ses dépenses courantes, mais un financement européen pour rembourser la BCE.

Dans cette affaire, la Grèce n'est qu'un "tuyau" entre les États membres de la BCE et eux-mêmes. C'est à eux d'estimer s'ils veulent continuer cette logique étrange ou trouver des solutions plus constructives.

Un refus idéologique

Le refus de l'Eurogroupe apparaît donc principalement comme politique. Il s'agit avant tout de ne pas admettre les erreurs commises dans le passé.

D'un point de vue allemand, ce serait reculer sur le but affiché par Wolfgang Schäuble depuis des années : diffuser la "culture de stabilité" dans la zone euro. Si l'on devait reconnaître que la consolidation budgétaire rapide et violente était un mauvais choix et qu'il convient de prendre des mesures de correction, comme le propose Athènes, alors ce serait une défaite pour la "culture de la stabilité" au niveau européen.

A cela s'ajoute le juridisme étroit de la vision du nord du continent, quelles qu'en soient les conséquences : il faut respecter le mémorandum signé en 2012 à tout prix. Ceci montre le point auquel est arrivée la zone euro : même des propositions raisonnables, modérées, ne peuvent plus être acceptées. Plus que sur les mots, le blocage est donc surtout idéologique.