Naissance et déclin des grandes puissances

La géopolitique du business s'invite dans le classement des plus grandes capitalisations mondiales et révèle l'érosion croissante du leadership américain.

Si Warren Buffett figure toujours en bonne place - la deuxième - de la toute dernière liste annuelle des hommes les plus riches du monde du magazine Forbes, le milliardaire américain est menacé d'éviction d'un palmarès tout aussi prestigieux, celui des 25 plus grandes capitalisations mondiales, qui dépassent toutes les 100 milliards de dollars. Sa société, Berkshire Hathaway, pointait encore au dix-neuvième rang un an plus tôt. Aujourd'hui, elle a rétrogradé à l'avant-dernière place, en dépit de ses 136 milliards de dollars, juste devant le mal aimé de la City, Vodafone, bon dernier.

Buffett ne serait pas le seul représentant de la Vieille Amérique à se voir ainsi chassé du tableau d'honneur. Les Blue Chips américaines qui trustaient près des deux tiers des places de ce classement il y a quatre ans, ne sont plus que 13 aujourd'hui, deux de moins qu'en juin dernier, ne conservant que d'une courte tête la majorité des sièges de ce Top 25. Faut-il y voir l'érosion du leadership américain que prédisait Paul Kennedy dans son célèbre ouvrage "Naissance et déclin des grandes puissances"?

Certes, le trio de tête reste 100% made in America: Exxon Mobil (372 milliards), General Electric (360 milliards) et Microsoft (284 milliards) se disputent la couronne par alternance depuis une quinzaine d'années. On se rappellera la fugitive percée de Cisco en mars 2000, devenue l'éphémère première capitalisation mondiale de quelques semaines sous la "bulle", du haut de ses 555 milliards de dollars...

Aux autres échelons, la bataille fait rage et le renouvellement s'opère à grande vitesse, reflétant les ambitions et l'essor inexorable des grandes nations dites émergentes, bien décidées à rafler les meilleures places. En 2002, les fleurons de l'Oncle Sam ne partageaient ce palmarès qu'avec des sociétés européennes, à l'exception du japonais Toyota. En 2006, la physionomie des poids lourds mondiaux reflète mieux la nouvelle géopolitique du business: le russe Gazprom s'est ainsi imposé à la treizième place et PetroChina à la seizième.

Au-delà des considérations de nationalité, cette ascension reflète aussi la nouvelle prépondérance des mastodontes de l'énergie. D'ailleurs, si notre champion Total défend sa 18ème place avec ses 159 milliards de dollars de capitalisation, l'Allemagne ne hisse aucun de ses géants de l'industrie, pas même E.On ou Siemens, dans le Top 25. En revanche, la méconnue Sabic, sorte de Bouygues saoudien, s'offre la dix-neuvième place, témoignant de l'explosion des Bourses du Golfe.

A ce puzzle ne manquent que deux dernières "BRIC" - du pôle émergent Brésil, Russie, Inde et Chine: si le carioca PetroBras s'approche des 100 milliards de dollars de capitalisation, Infosys, le Microsoft de Bangalore, flirte seulement avec les 20 milliards. Le leader mondial de l'acier Mittal Steel est lui coté aux Pays-Bas et ne pèse que 26 milliards. Mais son fondateur et président Lakshi Mittal fit une entrée fracassante l'an passé dans le Top 5 des plus fortunés de la planète, autrefois monopolisé par les grandes figures de Corporate America.

Dans cette course aux premières places de la fortune mondiale, les pays émergents placent leurs fleurons mais aussi leurs hommes. Ainsi le chinois Li-Ka Shing, dont une filiale a racheté Marionnaud l'an dernier, a bondi de la 22ème à la 10ème place des hommes les plus riches du monde en un an. Warren Buffett aurait-il doublement du souci à se faire? Le sage d'Omaha n'a pas perdu son flair légendaire: il a investi dès 2003 dans une société d'avenir, PetroChina.

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