Sans opinion s'abstenir

La banque Goldman Sachs impose désormais à ses analystes de prendre des positions claires sur les actions qu'ils suivent. Une révolution qui va bien au-delà du champ sémantique.

De "surperformance" à "performance en ligne relative", en passant par des "attrayant" et autres "sous-pondérer": les recommandations d'analystes sur les actions tiennent souvent du galimatias alambiqué, comme si la formulation aux accents scientifiques s'érigeait en garantie de sérieux, suffisamment intimidante pour impressionner, voire décourager les profanes des marchés... Mais du subtil à l'abscons, la frontière est parfois très ténue, même pour les investisseurs chevronnés, gérants institutionnels et autres fonds alternatifs, qui financent ces travaux de recherche via leurs commissions de courtage. Certaines notes, simples compilations de tableaux que l'on jurerait copiés-collés des communiqués d'entreprises, sont des monuments de vacuité ou de couardise, dénués de prises de position et condamnés à la corbeille, sans majuscule...

A l'écoute de ses clients, la banque Goldman Sachs a décidé d'en finir avec certains des raffinements de son Département Recherche actions et de rendre ses lettres de noblesse à l'analyse financière en tant qu'outil d'aide à la décision d'investissement. Il est désormais interdit aux analystes de la célèbre banque américaine de s'abriter derrière les vocables ambigus sus-cités: il leur faudra dorénavant choisir, s'engager, conseiller d'acheter ou de vendre telle ou telle action. Etre pour ou contre, mais se prononcer absolument et clairement. Le changement prend la forme d'une petite révolution que l'on réduirait à tort au champ sémantique: elle revêt une dimension quasi politique. Les "sans opinion" sont priés de s'abstenir: c'est le grand retour des convictions. Goldman demande d'ailleurs à ses équipes de choisir dans son secteur des "convictions à l'achat ou à la vente." Fixer un objectif de cours est désormais obligatoire.

"Cher client, nous avons compris que le temps figure parmi vos actifs les plus précieux", fait valoir la lettre d'explication de Goldman Sachs. La banque américaine a notamment pris la mesure des attentes d'une clientèle hautement exigeante, les fameux "hedge funds", friands d'opinions tranchées en adéquation avec leur vision souvent binaire des investissements fondés sur les arbitrages - par exemple miser sur Nestlé en pariant sur une baisse de Danone, ou vice-versa. On voit toutefois poindre ici un écueil majeur, celui d'une insoutenable inconstance de la recherche, victime consentante des variations impérieuses des mouvements quotidiens du marché. Au risque de ne plus s'adonner qu'aux recommandations dites "de trading", autrement dit de court terme, et de renoncer à l'acuité de l'analyse fondamentale. Le prêt-à-acheter enterrant la haute couture financière...

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