Hollywood contre la SEC

La SEC, le gendarme de la Bourse américaine, envisage d'exiger que la lumière soit faite sur tous les plus gros salaires des sociétés. Le projet fait scandale dans les studios et les grandes chaînes de télévision.

La fébrilité est palpable dans les grands studios de Hollywood. La proximité de la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes, mercredi, et les prix prestigieux qui sont susceptibles d'embellir la carrière d'un film, n'y jouent cependant qu'un rôle mineur. Le scénario catastrophe que redoute le milieu du cinéma s'écrit à Washington, au siège de la Securities and Exchange Commisssion (SEC).

Le gendarme de la Bourse américaine envisage en effet d'exiger des sociétés qu'elles lèvent un peu plus le voile sur les plus importants salaires, qu'il s'agisse de cadres dirigeants ou non. Aux premières loges, les studios, souvent filiales de conglomérats de médias, les rémunérations de nababs de leurs patrons, ainsi que les contrats vertigineux de certaines stars. Prêtes à débourser des millions de dollars pour un Tom Cruise ou une Julia Roberts, les grandes "majors" du film refusent de dévoiler leurs coulisses et leurs petits secrets de fabrication, des détails que leurs maisons mères prenaient soin de cacher sous le tapis, rouge de préférence...

Les plus grands noms de Hollywood, de Disney à Viacom, le propriétaire de la Paramount, en passant par News Corp, qui possède la 20th Century Fox, et DreamWorks Animation ont protesté formellement par écrit auprès de la SEC contre ce projet et surtout cette clause que les médias américains ont baptisé "Katie Couric", du nom de la dernière coqueluche de l'info que CBS a débauché de NBC moyennant la coquette somme de 15 millions de dollars sur cinq ans....

Le gratin du divertissement invoque la nécessité de taire des informations jugées "stratégiques" sur le plan commercial; il conteste même la "pertinence" de telles données pour les actionnaires. Concrètement, la SEC veut contraindre toutes les sociétés, pas seulement de médias, à publier le détail des salaires des trois employés dont les émoluments dépassent celui des cinq premiers dirigeants: dans de nombreux secteurs, pas seulement le cinéma, certains "talents" gagnent deux à trois fois plus que le PDG. C'est le cas notamment dans la pharmacie, la technologie et bien sûr la banque et la finance, où les appointements des patrons de salles de marchés excèdent de très loin ceux du comité de direction.

L'objectif de la SEC est on ne peut plus louable: que les actionnaires soient mieux informés de la façon dont une société dépense son argent, c'est-à-dire utilise les actifs, la trésorerie de l'entreprise. Et les montants en jeu rendent la question plus que pertinente en termes de gouvernance d'entreprise. Il n'est pas rare qu'un patron de studio gagne plus de 5 millions de dollars. Celui de la Paramount peut, selon les années, être aussi bien payé que Sumner Redstone, le big boss de Viacom, alors que la contribution du studio au bénéfice du groupe atteint à peine les 3%... Une équation incompréhensible à Wall Street.

En France, les actionnaires ne se désintéressent pas de ce sujet moins "people" qu'il n'en a l'air. La rémunération de Doug Morris, le patron d'Universal Music, n'est pas passée inaperçue à l'assemblée de Vivendi: 14,4 millions d'euros, six fois plus que Jean-Bernard Lévy, le président du directoire, comme le révèle le rapport annuel. Jean-René Fourtou répondit en substance qu'un tel talent n'avait pas de prix. Mais il omit de souligner qu'Universal Music n'a représenté que 13% des profits de Vivendi...

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