Jeep Cherokee : un gros « SUV » américain avec un petit moteur italien

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1697  mots
Ce nouveau Jeep aux lignes originales et contrastées en impose. Ce costaud à vocation familiale est hélas équipé en Europe d'un diesel italien trop juste pour son poids.

Le Cherokee a marqué la renaissance de Jeep au milieu des années 80. Un modèle emblématique qui avait été concocté sous la houlette de... Renault, alors propriétaire du groupe américain AMC qui détenait Jeep ! Hélas, le groupe français exsangue a revendu AMC en 1987 à Chrysler... Et c'est ce dernier qui a profité du formidable succès de ce Cherokee. La célèbre marque des 4x4 de la Seconde guerre mondiale s'est ensuite retrouvée dans le consortium germano-américain Daimler-Chrysler, né de la fusion entre les deux firmes.

Puis, Jeep a subi la revente de Chrysler par Daimler, la quasi-banqueroute en 2009 et enfin la reprise par le turinois Fiat. Au terme d'une histoire mouvementée, Jeep est aujourd'hui le plus beau fleuron de FCA (Fiat Chrysler Automobiles). Pour fêter la naissance du nouveau groupe italo-américain en début d'année, voici donc le tout dernier Cherokee, un « SUV » de taille moyenne développé sur une plate-forme d'origine transalpine avec des moteurs à essence Chrysler et des diesels Fiat.

Carrosserie étrange et originale

Fabriqué outre-Atlantique, ce Cherokee arbore une carrosserie étrange, avec un avant effilé équipé de gros feux dans le pare-chocs, de petits phares allongés et surélevés genre Citroën C4 Picasso, et d'antibrouillards ronds en bas. Trois rangées de feux de formes différentes, ça fait beaucoup, non ? L'arrière, lui, est nettement plus classique, massif et carré. Un dessin original, contrasté, pas forcément homogène, qui pourra séduire mais aussi rebuter. C'est un pari. L'intérieur est beaucoup plus traditionnel, très Jeep. Les commandes sont faciles d'accès avec un écran tactile simple à utiliser. On apprécie la vitesse qui s'affiche en gros chiffres devant les yeux.

Connaissant la piètre réputation de Jeep en matière de finition, nous étions inquiets sur la qualité perçue. A tort. La marque a fait d'énormes efforts. C'est propre et net. Les portières, lourdes, émettent un bruit sourd à la fermeture, qui rassure. Le haut de la planche de bord est soigné. Dommage, en revanche, que les plastiques durs en bas et sur la console soient beaucoup plus ordinaires. Notons avec plaisir l'absence de grincements et crissements de mobilier intérieur, preuve d'une construction a priori rigoureuse.

Le véhicule est vaste à l'intérieur. Il y a beaucoup de place à l'arrière. Mais l'astuce des sièges arrière coulissants pour un un coffre modulable... ne sert à rien. Car, si l'on avance la banquette, la surface de chargement n'est plus plate, avec un trou béant entre le plancher du coffre et le dossier de siège rabattu. Le coffre est géométrique, mais sa hauteur sous tablette est limitée à cause de la roue de secours et de l'emplacement pour la transmission en version 4x4. Ceci dit, pour une fois qu'un constructeur offre généreusement une roue de secours, et pas un kit anti-crevaison plus ou moins bidon...

Malgré les défauts relevés,  jusque là ça va à peu près. En revanche, nous n'avons pas aimé la position de conduite. Avec la boîte automatique, pas de problèmes. Mais, avec la boîte manuelle, à moins d'être très grand, il faut se rapprocher beaucoup trop du volant et conduire avec les bras repliés. Pas très confortable. Le volant est par ailleurs trop grand et encombrant, ce qui aggrave les choses. En outre, il n'est pas assez vertical.

Un diesel creux à bas régime

Le Cherokee sera quasi-exclusivement vendu en diesel chez nous, avec un quatre cylindres de deux litres de cylindrée d'origine Fiat, en deux puissances (140 et 170 chevaux). Nous avons hérité de la motorisation moins puissante et d'une transmission simplifiée 4x2. C'est le modèle de base. Une évidence s'impose immédiatement : le diesel, agréable sur une Alfa Giulietta par exemple, est beaucoup  trop juste pour mouvoir un tel véhicule de 1,75 tonne à vide... et plus de 2 tonnes avec quatre personnes et leurs bagages. Il faut emballer l'accélérateur pour démarrer. Les départs sont apathiques et rugueux. Ca manque d'aisance à bas régime. Si l'on évolue sur un filet de gaz à faible vitesse, il faut aussi faire attention à éviter des petits à-coups. Avec la transmission 4x4, qui alourdit l'ensemble de 120 kilos, c'est pire.

Sur une rampe d'autoroute ou pour relancer la voiture après un ralentissement, il faut descendre plusieurs rapports. La mécanique manifeste alors sa désapprobation avec des réactions heurtées et bruyantes. Ce n'est de toutes façons pas très efficace. Pour doubler sur route, mieux vaut prévoir une longue ligne droite plane et monter les rapports quasiment jusqu'à la zone rouge du compteur ! Etouffé par son poids, ce Cherokee est sous-motorisé. Et encore avons-nous circulé seul et sans bagages !

Les performances sont donc très moyennes et déçoivent, vu les apparences imposantes d'un tel  engin. Un Toyota Rav IV, un Honda CRV, un Ford Kuga ou un Volkswagen Tiguan de puissance équivalente font preuve de plus d'allant. Ceci dit, en conduite tranquille à allure plus ou moins stabilisée, reconnaissons que ce Cherokee devient alors agréable. Mais il ne faut surtout pas lui demander des réactions trop vives. Les consommations (8 litres aux cents) sont dans la bonne norme.

Tenue de route saine mais lourde

Le véhicule tient la route, sans mauvaises surprises. Mais il se montre assez lourd et pataud. Avec ses suspensions souples à l'américaine, on ne peut lui demander une grande agilité. On conduit le Cherokee sans forcer, comme un monospace familial. La direction, curieusement assez pesante et un peu inconsistante à la fois, ne participe guère à la précision. Mais, ne vous inquiétez pas! Ca n'a quand même rien à voir avec les américaines d'antan. Le Cherokee est même globalement rassurant. Il manque de dynamisme, c'est tout. Quand on vous disait que le Jeep est fait pour une conduite tranquille...

Un bon point: sous un fort orage et alors que la chaussée était inondée, notre Cherokee n'a fait preuve d'aucun défaut de motricité. C'est rare sur des "SUV" à deux roues motrices seulement. Un Mazda CX-5, un Nissan Qashqai, un Volkswagen Tiguan, un Volvo XC 60 (même en quatre roues motrices) ont des réactions autrement plus aléatoires dans de telles conditions. Oui, ce Cherokee a un gros déficit côté brio, mais il demeure docile.

Sur notre modèle de base avec de gros pneus, le confort est plutôt satisfaisant. Sauf lorsque les suspensions arrivent brutalement en butée sur de fortes inégalités du bitume ou sur les inénarrables ralentisseurs - ces murets de longueur, hauteur et consistance variables avec lesquels nos municipalités ont défoncé les chaussées à coup de millions au nom d'un politiquement correct moutonnier... dont personne ne se demande in fine si ce n'est  pas accidentogène ! Notre version 4x2 dispose d'une garde au sol un peu surélevée pour les chemins. Mais, cette traction avant ne fera preuve d'aucune aptitude sitôt que les chemins ne seront ni plats ni secs....

Bien équipé mais plutôt cher

Le Cherokee arbore un gabarit conséquent qui le rapproche des 4x4 « premium » et l'éloigne des « SUV » compacts des constructeurs généralistes européens ou asiatiques. Il se retrouve sur notre marché entre deux eaux. Notre modèle d'entrée de gamme avec le diesel de 140 chevaux, en deux roues motrices et en finition Longitude, coûte 34.990 euros. Un prix plus élevé que celui des concurrentes « généralistes » et proche des tarifs d'un Volvo XC 60 « premium » de base. La transmission 4x4 requiert 2.100 euros de plus. Et le malus passe alors de 250 à 900 euros.

Jeep met en avant  - à juste titre - un équipement généreux. Cette version Longitude ne souffre d'aucune lacune dans sa dotation, recevant  notamment le système de navigation. On a ce qu'il faut à bord. Mais il faut se contenter de sièges en tissu noir avec des inserts en toile jeans imperméabilisée gris pas très gais. Mais, bon, les versions de base chez les concurrents ne sont pas plus chaleureuses. Quel manque de créativité chez tous les designo-marketeurs, qui rivalisent d'austérité ! Ceci dit, c'est cette finition Longitude qu'on vous conseille.

Car, au-delà, les prix grimpent vite et se rapprochent des versions huppées des 4x4 de haut de gamme aux prestations plus abouties. Un Cherokee « Limited », superbement doté et plus flatteur avec la transmission 4x4 et une boîte auto à neuf vitesses combinée au moteur diesel de 170 chevaux, est à 47.500. Avec un malus de 1.600 euros. Là, c'est vraiment très cher pour un moteur certes plus puissant, mais dont le couple - conditionnant les reprises à bas régime - demeure identique à celui du 140 chevaux et apparaît donc insuffisant !

Le futur petit Jeep Renegade, qui arrive à la rentrée en précédant son cousin Fiat 500X, sera beaucoup plus adapté à notre marché. En attendant, ce Cherokee est plutôt spacieux et confortable,  bien équipé et fini très correctement, apte à une utilisation familiale en toute quiétude. Même s'il souffre de handicaps par rapport à la concurrence, sa personnalité le rend sympathique et étrangement attachant, malgré tout. Mais il aura du mal à s'imposer face, d'un côté, aux Volkswagen, Ford, Toyota, Honda, Nissan, Hyundai, Kia, et de l'autre, aux Volvo, Audi, BMW... Le marketing du groupe Fiat parie beaucoup sur l'attrait du nom. Jeep, ça fait rêver. Certes. Mais, ça ne suffit pas. Nous, on demande surtout un moteur à la hauteur du poids.

Prix du modèle d'essai : Jeep Cherokee 2,0 Multijet 140 4x2 Longitude : 34.990 euros (+250 euros de malus)

 Puissance : 140 chevaux (diesel)

 Dimensions : 4,62 mètres (long) x 1,86 (large) x 1,67 (haut)

 Qualités : espace intérieur, finition et équipement corrects, écran tactile pratique, douceur générale en conduite pasible, comportement rassurant...

 Défauts : ... mais pataud, position de conduite médiocre, moteur trop limité pour le poids, intérieur triste, coffre juste, tarif élevé

Concurrentes : Ford Kuga TDCi 140 4x2 Titanium : 30.000 euros ; Nissan X Trail 4x2 Connect : 32.250 euros : Volvo XC60 D3 Kinetic : 35.300 euros

 Note : 11,5 sur 20