Reforme territoriale : projet toujours flou, mais le calendrier se précise

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  982  mots
François Hollande ne souhaite pas de modification des frontières régionales, mais des "fusions". | REUTERS
François Hollande ne veut pas de changement de frontières des régions, il souhaite des fusions en bloc. L’Ile de France, la Bretagne et la Corse ne devraient pas bouger. Et l’idée de réformer la Constitution gagne du terrain dans la majorité malgré le refus élyséen.

Réunions entre le Président et le Premier ministre, séminaires de travail des ministres avec les parlementaires, les réunions des parlementaires entre eux et les discussions sur les différentes rumeurs à la buvette de l'Assemblée et du Sénat, la réforme territoriale a pris beaucoup de leur temps aux élus ces derniers jours. Le contenu des textes est toujours aussi flou mais le calendrier commence à se préciser.

 

Ce qui semble à peu près certain

D'abord si François Hollande maintient ses deux réformes (réduction par moitié du nombre de régions et suppression des conseils départementaux), il a indiqué à Manuel Valls qu'il ne souhaitait aucune modification de frontières régionales. Seulement des fusions. La Bretagne ne pourra donc pas avaler la seule Loire Atlantique car seules devraient être acceptées les fusions de régions en bloc. Mais, car il y a un mais, il semble que le Président a déjà promis à certaines régions qu'elles ne bougeraient pas quoiqu'il arrive. Ce serait le cas de la Corse (pas de fusion avec PACA), de la Bretagne (Jean Yves Le Drian y veille) et de l'Ile de France (12 millions d'habitants c'est déjà trop grand).  Aucun des présidents de ces régions n'a jamais il est vrai manifesté de vision expansionniste. A cela il faut ajouter quelques fortes têtes : l'Alsace refuse toujours la fusion avec la Lorraine et le Nord Pas de Calais est vent debout contre l'idée ( venue de Laurent Fabius) d'une grande région Nord Manche regroupant les deux Normandie, la Picardie et le Nord Pas de Calais. Les nordistes se contenteraient d'une annexion de la Picardie. Ces promesses et blocages posent un sérieux problème : si 3, 4 ou 5 régions obtiennent le droit de ne pas bouger il va falloir être très ingénieux pour arriver aux 11 régions demandées par le Président (l'Outremer n'est pas concerné). Faire sans se retrouver 11 régions avec 17 ou 18 cela veut dire que certaines risquent d'être immenses et d'autres petites. L'égalité des territoire va en prendre un coup car les dotations sont aussi en fonction du nombre d'habitants...

Ensuite, il y aura plusieurs projets de loi dont un sur la nouvelle répartition des compétences. Le premier texte sera présenté en conseil des ministres dans le courant du mois de juin et le débat devant le Sénat aura lieu en juillet. Il concernera la carte des régions, le mode de scrutin des régions et le report des élections départementales. Un deuxième texte suivra sur l'organisation proprement dite des territoires. En parallèle, l'Elysée et Matignon le disent, il y aura bien, parallèlement, une réforme forte de l'organisation de l'état.  A Matignon on ne cache pas que celle-ci pourrait, comme le dit un conseiller, « déranger un certain confort ». Si cette réforme concerne tous les services déconcentrés de l'Etat ainsi que la carte préfectorale, il va effectivement y avoir de l'inconfort.

 

Ce qui n'est toujours pas tranché

La Constitution. François Hollande ne souhaite pas de réforme constitutionnelle, mais de plus en plus d'élus et de ministres ne voient absolument pas comment y échapper. Marylise Lebranchu estime toujours nécessaire de proposer cette loi de réforme constitutionnelle. Des proches de Manuel Valls estiment que ce serait peut-être même plus facile de supprimer les départements et de faire monter en puissance le couple intercommunalités/régions avec une réforme constitutionnelle.

Le sentiment monte en tout cas chez les élus qu'elle est nécessaire et qu'il faut se préparer à un affrontement éventuellement un peu dur avec les sénateurs. Pour beaucoup une réforme territoriale réussie est une réforme inscrite dans la Constitution. Il faut donc avoir le courage d'aller à Versailles plutôt, comme le dit joliment Delphine Batho, de «  faire de la vente à la découpe législative ». Jean Marc Ayrault y serait assez favorable. En tout cas ses proches le sont.

 

Ce qui énerve vraiment

Le retour du conseiller territorial (ou de son sosie) fait frémir tous les socialistes. Il fait même frémir Manuel Valls. C'est pour cela qu'ils sont nombreux à souhaiter que le gouvernement prenne son temps pour concocter une réforme lisible pour les Français qu'un texte à la va vite cet été ou à l'automne. Il y a même des socialistes favorables au référendum. Il y a en tout cas des élus qui estiment que si le Congrès  refuse la réforme constitutionnelle, il faudra aller ensuite au référendum.

L'imprécision.  Cela vient d'abord des présidents de régions  qui n'ont toujours pas compris sur quels critères devaient se regrouper les régions, comment serait organisé le couple région/métropole ni comment elles allaient pouvoir excercer plus de compétences avec des budgets réduits. Michel Vauzelle le président de PACA est sur cette ligne. Alain Rousset le président de l'ARF est aussi sur cette ligne et il n'est clairement pas favorable à de trop grandes régions ce qui est l'un des risques majeurs de cette réforme

La frilosité. L'argument ? Les Français sont épuisés par les élus et les réformes de ce type. C'est un mauvais sujet, un mauvais débat. Mais comme le coup est parti  Manuel Valls n'a pas le droit de rater s'il veut redonner un peu de reconnaissance aux élus. Du coup certains, en particulier les députés qui ont fait passer le texte sur les métropoles l'été dernier, veulent aller jusqu'au bout de la logique ; ils demandent que, si les régions s'agrandissent vraiment, autant qu'elles aient de vrais parlements régionaux avec des députés régionaux.