Au secours, les eurosceptiques arrivent !

Par Florence Autret  |   |  642  mots
Reuters
Malgré la poussée annoncée des partis eurosceptiques, les rapports de force au parlement ne devrait pas être bouleversé, notamment entre conservateurs et sociaux-démocrates. En revanche, le fonctionnement du nouveau parlement risque d'être grippé par un statu quo qui va l'affaiblir par rapport aux gouvernements.

Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Robert-Schuman, n'y croit pas. Mais alors pas du tout. Et il le dit avec ce sourire de celui qui se dit « guéri de la politique », lui qui a fait une longue route avec les centristes français : il ne croit pas à la personnalisation du scrutin européen parce que, explique-t-il, l'écart entre socialistes et conservateurs sera si mince qu'il ne permettra pas de sortir du marchandage habituel en indiquant un choix clair des électeurs. La faute notamment à la poussée des partis eurosceptiques de tout poil.

Les projections du think tank parisien placent la barre très haut : autour de 72 élus sur les 751 que comptera le prochain parlement. Mais, assure-t-il, « cela ne devrait pas bouleverser le fonctionnement » de l'assemblée européenne, car ces nouveaux venus, pour la plupart, resteront profondément désunis.

Des euroceptiques très différents

Entre les « infréquentables » de l'Aube dorée et du Jobbik et les souverainistes scandinaves, entre les nouveaux venus du mouvement Cinq étoiles de Giuseppe Grillo, et les élus du Front national, il y aura de telles différences que personne ne peut encore prédire comment s'organiseront ces groupes politiques à la marge des grandes formations habituelles.

Quant aux anti-européens du UKIP, le parti britannique qui hante les nuits du Premier ministre David Cameron, il sera trop heureux d'adopter la stratégie de l'isolement volontaire, lui qui milite depuis des années pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Cependant, les marges vont suffisamment grignoter le centre et ses habituels alliés pour rendre impossible une coalition de droite ou bien de gauche.

Même si l'ensemble des libéraux se ralliait à une alliance entre socialistes et écologistes, ce « bloc » ne rassemblerait pas plus de 311 voix, selon les projections compilées par la fondation. On est loin des 376 voix d'une majorité. Et l'extrême gauche, emmenée en France par Jean-Luc Mélenchon, dont les rangs devraient gonfler formidablement, se gardera bien de se compromettre avec la social-démocratie.

Pendant de la montée des extrêmes, l'affaiblissement des partis du centre risque de concourir au statu quo, d'autant plus que l'écart entre le PPE, le centre droit, et le PSE, au centre gauche, risque de se resserrer au bénéfice du second.

En Allemagne, les sociaux-démocrates « ne tirent pas profit de la grande coalition ».

Quant aux socialistes espagnols, qui auraient dû profiter de la contestation contre le gouvernement Rajoy, ils risquent de sortir laminés. Symptôme le plus frappant de cet évidement du centre politique : la déroute annoncée du Pasok, en Grèce, qui plafonne à 4 % dans les sondages. Et les votes d'alternative, écologistes et libéraux qui recrutent leur électorat parmi les classes les plus favorisées, sont promis à l'« effondrement ».

Quant aux conservateurs de l'ECR, un groupe constitué après le départ des Tories britanniques du PPE, sa survie est en question car, fait remarquer la fondation, il n'est pas sûr de pouvoir recruter dans au moins sept pays, condition nécessaire pour créer un groupe parlementaire.

Bref ! Ce n'est pas une élection, c'est un émiettement

Et une mauvaise nouvelle accessoirement pour la démocratie européenne puisque, moins que jamais, les électeurs ne comprendront l'enjeu d'un vote qui sanctionne les grands partis... tout en consolidant leurs arrangements consanguins.

Voilà qui augure plutôt mal de la suite pour le Parlement lui-même, dont le travail et les débats seront plus illisibles que jamais. Pris en otage par la contestation des gouvernements nationaux qu'exprimera ce vote, il sera d'autant plus faible face aux chefs d'État et de gouvernement qui n'ont eu de cesse, ces dernières années, de rogner sur les prérogatives des institutions communes.

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