Climat : le plan de la France pour sortir de sa dépendance aux énergies fossiles

Par latribune.fr  |   |  936  mots
Recourir à l'éolien en mer, à hauteur de 18 GW en 2035, soit une trentaine de parcs comme celui au large de Saint-Nazaire, le seul actuellement en service en France, est l'un des axes prioritaires pour décarboner la production d'énergie. (Crédits : STEPHANE MAHE)
Doubler le rythme de déploiement de l'énergie solaire, déployer très largement l'éolien en mer, relancer le nucléaire : le gouvernement a rendu public mardi soir sa stratégie énergétique, destinée à « sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles ». Une transformation, selon le gouvernement, « d'une ampleur comparable à celle de la première révolution industrielle.

Ses grands traits en étaient connus depuis le discours sur l'énergie prononcé en février 2022 à Belfort par Emmanuel Macron. La Stratégie française pour l'énergie et le climat  (SFEC), un document de 102 pages, a été rendue publique et sera soumise à partir de mercredi à la consultation publique, jusqu'au 15 décembre. Cette stratégie sera intégrée à une loi sur la production d'énergie attendue l'an prochain.

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Réduire de 40 à 50% notre consommation d'énergie en 2050 par rapport à 2021

Son objectif : « sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles », la consommation d'énergie finale du pays étant aujourd'hui composée à 37% de pétrole et 21% de gaz, et viser « une économie plus sobre, plus efficace et approvisionnée de manière quasi-intégrale en énergies bas-carbone produites et maîtrisées sur notre sol ».

Cela supposera de réduire de 40 à 50% notre consommation d'énergie en 2050 par rapport à 2021 (-30% en 2030 par rapport à 2012), via la sobriété et l'efficacité énergétiques. Sur le front nucléaire, « tous les réacteurs seront maintenus en exploitation tant que les exigences de sûreté seront strictement respectées et en recherchant des gains de puissance là où cela est possible », avec en parallèle le lancement d'un nouveau programme de réacteurs nucléaires (six puis huit EPR2).

Doper la production de toutes les énergies renouvelables

Il faudra aussi « massifier la production de toutes les énergies renouvelables ». A commencer par l'éolien en mer, à hauteur de 18 GW en 2035 (soit une trentaine de parcs comme celui au large de Saint-Nazaire, le seul actuellement en service en France).

L'énergie solaire photovoltaïque devra doubler son rythme annuel de nouvelles capacités, pour atteindre plus de 75 GW en 2035 dans le scénario central (avec possibilité d'ambitions renforcées). L'éolien terrestre, que le président souhaitait ralentir, garderait finalement son rythme actuel, et verrait ses capacités doubler, à 40 GW en 2035. Le gouvernement appelle cependant à « une répartition équilibrée » et à investir dans le repowering, c'est-à-dire le remplacement d'anciennes éoliennes par de nouvelles plus puissantes. Les capacités en biogaz seraient en outre multipliées par 5 d'ici 2030, à 50 TWh.

« La transformation à engager dans les trois prochaines décennies est d'une ampleur comparable à celle de la première révolution industrielle pour atteindre nos objectifs climatiques et assurer notre souveraineté énergétique », commente dans ce document la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

L'investissement moyen annuel des grandes entreprises pour atteindre leur objectif climatique stagne

Il faudra aussi embarquer les dirigeants des grandes entreprises : si leur nombre disant voir l'intérêt d'une stratégie de développement durable a triplé en un an, les investissements en conséquence stagnent, selon une étude mondiale de Capgemini publiée mercredi.

Ainsi, le nombre de responsables d'entreprises favorables à une telle stratégie est passé de 21% en 2022 à 63% en 2023, selon cette étude annuelle de l'Institut de recherche de Capgemini. Cependant, note Capgemini, l'investissement moyen annuel dans ce domaine n'a représenté que 0,92% du chiffre d'affaires en 2023, soit une quasi-stabilité par rapport à 2021 (0,91%).

De plus, la transparence sur les émissions semble stagner : sur les émissions opérationnelles (liées à l'activité elle-même ou à l'énergie employée pour produire, dites de scopes 1 et 2), 61% des répondants (contre 60% en 2022) affirment que leur entreprise est capable de les mesurer. Pour les émissions indirectes dites de scope 3 (en aval et en amont de la production, par exemple liées aux fournisseurs ou à l'utilisation des produits par les clients) les réponses positives sont tombées en un an de 60% à 51%.

L'étude révèle aussi que les entreprises peuvent mieux faire en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) : 64% des responsables affirment prendre en compte ces critères en sélectionnant des fournisseurs, mais 38% seulement reconnaissent ne travailler qu'avec des fournisseurs payant un salaire décent. Enfin, 59% des dirigeants estiment que l'IA générative les aidera à atteindre leurs objectifs environnementaux.

Les eurodéputés veulent verdir les véhicules lourds

Le Parlement européen a adopté mardi un texte réduisant fortement les émissions carbone des véhicules lourds vendus dans l'UE, et imposant que les nouveaux bus en ville soient zéro émission dès 2030. Les camions, bus et cars génèrent plus de 6% des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, et plus d'un quart des émissions du transport routier. Selon le texte adopté, les émissions des véhicules lourds vendus à partir de 2030 devront être réduites d'au moins 45% par rapport à 2019, puis abaissées de 65% en 2035, et enfin de 90% en 2040. Des objectifs reprenant la proposition initiale de la Commission, déjà approuvés par les États membres dans leur position adoptée mi-octobre.

Ce calendrier est distinct de celui des voitures : l'UE a déjà entériné la fin complète des ventes de voitures neuves à moteur thermique dès 2035. Les eurodéputés ont par ailleurs voté pour que la législation s'applique à davantage de poids lourds, notamment des camions petits et moyens, en réduisant la liste de dérogations fixée par les États. Si les véhicules de police ou de pompiers, ambulances et véhicules agricoles en restent exemptés, les règles s'appliquent en revanche à une partie des véhicules professionnels (camions à ordures, bétonnières...) jugés plus faciles à décarboner. La position des eurodéputés, votée par 445 voix pour (152 voix contre, 30 abstentions), devra désormais être négociée avec les États membres pour finaliser cette législation cruciale pour les objectifs climatiques européens.

(Avec AFP)