
Petit à petit, la nouvelle programmation énergétique de la France prend forme. Alors qu'à l'automne sera débattue la première loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), dirigé par Antoine Pellion, vient de publier un document de travail intitulé « Mieux produire, la planification écologique dans l'énergie ». Repéré par Le Monde, le document révèle notamment des hypothèses de capacité de production d'électricité revues à la hausse par rapport aux objectifs annoncés par Emmanuel Macron, lors de son discours de Belfort en février 2022. Le secrétaire général à la planification écologique préconise très clairement de « pousser tous les leviers au maximum, sur le nucléaire et sur l'ensemble des énergies renouvelables ».
Au minimum 8 nouveaux EPR et non 6
Dans le détail, à l'horizon 2050, le gouvernement table désormais sur la construction de 8 à 14 nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR 2 et non plus sur une fourchette de 6 à 14, comme évoqué par le chef de l'Etat en 2022. « Huit EPR en plancher ce n'est pas un niveau choquant. C'est une trajectoire qui s'aligne sur le scénario nucléaire le plus bas de RTE [dans son rapport Futures énergétiques 2050, ndlr] », relève Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.
L'exécutif envisage aussi de déployer sur le territoire jusqu'à 4 gigawatts (GW) de petits réacteurs nucléaires, les fameux SMR. C'est la première fois qu'une fourchette chiffrée est officiellement communiquée, alors qu'initialement ces unités de production, et notamment le réacteur Nuward développé par EDF, étaient surtout appréhendées comme des produits pour l'export.
Concernant le nucléaire existant, le gouvernement table sur une prolongation des 56 réacteurs nucléaires (représentant une capacité de 61 GW) jusqu'à 60 ans. Il considère aussi un scénario défavorable, dans lequel neuf tranches devraient fermer avant cet anniversaire pour des raisons de sûreté. Sur cette question de la prolongation, le gendarme du nucléaire vient justement de demander à EDF de justifier, d'ici fin 2024, l'hypothèse d'une poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels jusqu'à 60 ans et au-delà. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) instruira alors le dossier afin de prendre une position fin 2026, indique-t-elle.
Plus d'éoliennes en mer
Du côté des énergies renouvelables, le SGPE mise notamment sur un doublement du rythme actuel de déploiement du photovoltaïque afin d'atteindre une capacité comprise entre 128 et 160 gigawatts (GW) en 2050. Il table également sur l'éolien en mer, avec un objectif légèrement rehaussé. Alors qu'Emmanuel Macron avait partagé une cible de 40 gigawatts (GW) à l'horizon 2050, soit l'équivalent peu ou prou de 50 parcs en mer, le document indique désormais un objectif de 45 GW. « Ce chiffre de 45GW n'est pas anodin car il correspond au scénario N2 de RTE, dans une perspective de réindustrialisation », pointe Nicolas Goldberg.
Aujourd'hui, seul un parc éolien en mer, celui de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), est en service pour une puissance de 0,5 GW et seuls 8 GW supplémentaires ont déjà été attribués dans le cadre d'appels d'offres. Tout reste donc à faire.
« C'est surtout l'échéance 2035 qui apparaît difficile », estime Nicolas Goldberg. « A cet horizon, le gouvernement table sur 18 GW d'éolien offshore. Ce qui est très ambitieux. Avec pour objectif d'être à 4 GW en 2030, cela signifie qu'il faudrait ajouter 14 GW supplémentaires en l'espace de cinq ans seulement. Sachant que le développement d'un parc éolien en mer prend en moyenne huit ans, cela signifie qu'il faudrait que tous les appels d'offres soient lancés au plus tard en 2027 », explique-t-il. Pour tenir ce rythme, la planification par façade maritime prévue par la loi d'accélération des énergies renouvelables, promulguée le 10 mars dernier, apparaît indispensable.
2035, une échéance charnière
2035 est une échéance charnière. La semaine dernière, le gestionnaire du réseau de lignes à haute tension RTE a revu ses projections de consommation électrique à la hausse pour cet horizon. Il anticipe désormais une consommation située entre 580 TWh et 640 TWh, alors qu'en 2021 il tablait encore sur une consommation de 540 TWh dans un scénario moyen dit de référence, et de 585 TWh en cas de « réindustrialisation profonde » du pays. « La fourchette basse est ambitieuse et la fourchette haute est surévaluée », estime néanmoins Nicolas Goldberg.
En comparaison, la consommation électrique totale de la France s'est élevée à 460 TWh en 2022. Selon RTE, la consommation d'électrons devrait donc augmenter a minima de 25%, voire de 40%, en l'espace de douze ans. Cette accélération, liée à l'électrification des transports, des logements et de l'industrie, devrait toutefois prendre quelques années avant de se matérialiser.
In fine, y aura-t-il de l'électricité pour tout le monde ? RTE, qui partagera ses conclusions en septembre prochain, estime d'ores et déjà qu'atteindre une production électrique bas-carbone de 600 TWh d'ici 2035 est « ambitieux mais faisable. » Dans l'attente de ces résultats de simulation, le gouvernement anticipe, lui, une production provisoire de 588 TWh en 2030 en cas de production tendancielle, c'est-à-dire en poursuivant le rythme actuel de déploiement des capacités renouvelables, et de 591 TWh en cas d'efforts accrus. Soit une hausse respective de 25 et de 33% par rapport à la production électrique enregistrée en 2022 (445 TWh), son plus bas niveau depuis 1992.
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