Luc Rémont serait prêt à lâcher les commandes d’EDF si l’Etat lui impose des prix de l’électricité trop bas

Par latribune.fr  |   |  930  mots
Ancien ingénieur polytechnicien, l'actuel patron d'EDF, 54 ans, est passé par les cabinets ministériels, la banque d'affaires ou encore l'industrie lourde. (Crédits : Reuters)
L'actuel dirigeant d'EDF aurait évoqué ces derniers jours l'idée d'une démission si le gouvernement ne lui donnait pas les moyens nécessaires pour investir dans l'entreprise, selon deux sources internes, interrogées par l'agence de presse Reuters.

Un an après sa nomination à la tête d'EDF pour relancer l'énergéticien et conduire la relance du nucléaire en France, Luc Rémont, est-il prêt à démissionner en raison des désaccords persistants avec l'Etat sur les prix de l'électricité ? Se basant sur deux hauts responsables de l'entreprise publique qui se font le relai des craintes exprimées par des cadres et administrateurs de l'entreprise, l'agence Reuters assure que Luc Rémont pourrait quitter ses fonctions si la nouvelle régulation des prix de l'électricité devait entraîner des prix trop bas, limitant les capacités d'investissement du groupe, estimées à 25 milliards d'euros par an au cours des prochaines années.

« S'il estime que l'Etat limite trop les moyens d'EDF, il est tout à fait possible qu'il démissionne. Tout va dépendre des volumes et du prix (prévus dans la nouvelle régulation) », a déclaré une source interne à l'agence de presse anglo-saxonne.

Un plafonnement excessif des revenus du groupe n'est pas du tout du goût de Luc Rémont. Ce dernier aurait, lors de discussions internes, évoqué sa démission s'il n'est pas entendu sur ce point stratégique. Une position très ferme alors que Luc Rémont a déjà gagné un bras de fer avec l'Etat l'an dernier en arrachant la double casquette de président et de directeur général quand le gouvernement, et notamment Bercy, voulait une dissociation des fonctions.

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Bras de fer autour des moyens financiers d'EDF

Nommé il y a moins d'un an par Emmanuel Macron pour redresser le groupe EDF, lourdement endetté et alors confronté à des difficultés de production, Luc Rémont, ancien ingénieur polytechnicien de 54 ans, est engagé dans un bras de fer avec les pouvoirs publics au sujet des moyens dont disposera le groupe pour investir au cours des prochaines années.

 Alors que le PDG plaide en faveur de contrats à long terme comme base du modèle économique d'EDF post-2025, après la fin de la régulation actuelle de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), le gouvernement insiste sur la nécessité de protéger les ménages et les entreprises contre les risques d'envolée des prix de l'électricité en les faisant bénéficier des coûts compétitifs du parc nucléaire français.

Tensions à son comble

Selon un cadre d'EDF, la relation « n'a jamais été aussi tendue » entre le gouvernement et le groupe, dont l'Etat est redevenu l'unique actionnaire début juin. EDF, Bercy et Matignon n'ont, pour le moment, pas souhaité commenter ces informations.

D'autres sources ont indiqué que les deux parties étaient sous pression pour trouver un compromis, le gouvernement ne pouvant se permettre de voir partir Luc Rémont, alors même que la France négocie avec ses partenaires de l'Union européenne la future réglementation des prix de l'électricité. Une autre source chez EDF a déclaré que le PDG était apparu « confiant » lors d'une récente réunion des hauts cadres du groupe.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire minimise

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a tenté ce mardi de minimiser les tensions, niant toute impasse entre le gouvernement et EDF, tout en reconnaissant que les négociations en cours sur les futurs prix de l'électricité
prenaient du temps car elles devaient permettre d'atteindre des objectifs « complexes ».

« Il n'y a pas de bras de fer entre l'État et EDF tout simplement parce qu' EDF est une entreprise publique et que nous travaillons en bonne intelligence avec des équipes d'EDF et que c'est à ces conditions-là que nous aurons un bon accord », a-t-il dit lors d'une conférence.

La négociation, a ajouté le ministre, vise à garantir un prix « stable et attractif pour les ménages », « un prix compétitif pour toutes les entreprises françaises, en particulier les électro-intensifs », ainsi qu'un « prix rentable pour EDF ».

Production d'électricité en chute libre

La production française d'électricité a chuté l'an dernier à son plus bas niveau depuis 30 ans, en raison notamment des difficultés rencontrées sur le parc nucléaire. Les centrales d'EDF ont en effet connu de nombreuses opérations de maintenance classiques et des problèmes de corrosion qui l'ont contraint à racheter des volumes sur les marchés de gros alors que la guerre en Ukraine faisait bondir les prix.

Le groupe, également confronté aux mesures du gouvernement pour limiter la hausse des tarifs de l'électricité, a ainsi accusé une perte nette historique de 17,9 milliards d'euros au titre de l'exercice 2022.

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En juillet dernier, Luc Rémont a déclaré qu'EDF allait devoir augmenter nettement ses investissements, à un niveau de 25 milliards d'euros par an environ, pour répondre notamment aux besoins de maintenance de son parc nucléaire et de construction de nouveaux réacteurs en France.

« Pour aborder la phase d'investissements qui se profile, il est indispensable que nous travaillions à une nouveau consensus national sur ce qu'est le prix de l'électricité (...), sans quoi EDF ne sera pas en mesure de dégager les ressources qui sont nécessaires pour assurer sa propre continuité d'exploitation », avait il déclaré.

Début juin, en ouverture du colloque de l'Union française de l'électricité (UFE), le dirigeant avait aussi déclaré : « EDF n'est pas nationalisé, il a un actionnaire à 100% ! »

(Avec Reuters)