Nucléaire : Bercy reçoit le feu vert de l'Europe pour subventionner Nuward, la branche d'EDF dédiée aux petits réacteurs SMR

Par latribune.fr  |   |  813  mots
« Ce projet contribuera à la décarbonation des systèmes énergétiques et à l'autonomie stratégique ouverte de l'UE, tout en limitant les éventuelles distorsions de concurrence », a annoncé, Margrethe Vestager. (Crédits : YVES HERMAN)
La Commission européenne a autorisé, ce vendredi, l'Etat français à octroyer 300 millions d'euros à Nuward, la filiale d'EDF dédiée au développement de son petit réacteur nucléaire modulaire. Cette aide publique couvrira les activités de recherche et développement jusqu'en 2027.

Une bonne nouvelle pour le gouvernement et EDF. La Commission européenne a autorisé, ce vendredi, la filiale de l'énergéticien français appelée Nuward, à recevoir une aide de l'Etat français de 300 millions d'euros pour la soutenir dans le développement de son petits réacteur nucléaire modulaire (SMR) éponyme.

Depuis plusieurs années, Emmanuel Macron souhaite voir se développer sur le territoire ce type de réacteurs, plus petits et moins puissants que leurs grands frères du parc nucléaire historique (moins de 300 mégawatts, contre 1.600 pour les EPR). Il compte notamment pour cela sur la filiale d'EDF créée fin 2022. Paris avait donc informé l'Europe de son intention d'accorder une subvention d'un montant maximal de 300 millions d'euros à cette entreprise, ce qui couvrira ses projets de recherche et développement jusqu'au début de l'année 2027.

« Ce projet contribuera à la décarbonation des systèmes énergétiques et à l'autonomie stratégique ouverte de l'UE, tout en limitant les éventuelles distorsions de concurrence », a répondu, ce vendredi, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué.

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L'Europe veut renouer avec le nucléaire

L'Europe fait donc un nouveau pas vers le développement du nucléaire, longtemps tabou à Bruxelles, mais qui vit, depuis deux ans, un retour en grâce. Cette énergie bénéficie notamment de législations plus accommodantes en tant que levier de décarbonation aux côtés des renouvelables, sous l'influence de la France.

Lors du Sommet européen sur le nucléaire organisé mi-mars à Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen a même affirmé que « les technologies nucléaires peuvent jouer un rôle important vers une énergie propre. [...] Compte tenu du défi climatique, les pays doivent examiner attentivement leurs options avant de renoncer à une source d'électricité facilement disponible et à faibles émissions. L'extension du parc nucléaire actuel est l'un des moyens les moins coûteux d'assurer une production d'électricité propre à grande échelle ».

Dans ce contexte, les SMR intéressent particulièrement le Vieux continent. Et pour cause, les SMR pourront produire de l'électricité, mais aussi fournir de la chaleur aux industries lourdes (verre, chimie, acier...), aujourd'hui très dépendantes d'énergies fossiles. Nuward a d'ailleurs vocation à remplacer, en partie, certaines centrales au charbon, au fioul et au gaz exploitées dans le monde, qui sont fortement émettrices de CO2. Le SMR qui doit être créé par cette filiale permettra également d'envisager d'autres usages tels que la production d'hydrogène, le chauffage urbain, la chaleur industrielle ou le dessalement, même si de nombreux freins devront être levés.

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Or, à ce jour, les seuls SMR commerciaux en service se trouvent en Russie. D'autres sont en construction ou au stade de l'autorisation en Argentine, au Canada, en Chine, en Corée du Sud. Fin 2021, la Chine est parvenue à connecter au réseau le démonstrateur d'une mini-centrale de 210 Mégawatts (MW), composée de deux réacteurs de quatrième génération. Une première mondiale. De son côté, l'américain Nuscale a aussi une longueur d'avance sur le projet tricolore. En février 2023, le design de son réacteur de 50 MW a été approuvé formellement par le gendarme nucléaire américain tandis que l'entreprise mène déjà des discussions avec la Pologne et la Roumanie.

Paris aux avant-gardes européennes des SMR

De son côté, Paris avance, bien qu'avec du retard. La France devrait en effet acter le choix du site de Marcoule, dans le Gard, pour accueillir le premier prototype de SMR français, Nuward, porté par EDF, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), TechnicAtome et Naval Group. De quoi donner de la visibilité à cette filière encore balbutiante, même si la « mini-centrale » en question ne devrait pas voir le jour avant 2030, au mieux.

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Ces derniers mois, le gouvernement a, d'ailleurs, mis les bouchées doubles sur cette technologie. Près de 1 milliard d'euros de fonds publics ont ainsi été consacrés à leur développement, via le plan d'investissement France 2030. Y compris à destination d'acteurs moins « traditionnels » qu'EDF, puisque l'État a sélectionné six startups du secteur en novembre pour se partager une partie de l'enveloppe. La plupart d'entre elles convoitent d'ailleurs également le site de Marcoule, parmi lesquelles Naarea, Newcleo ou encore Hexana.

La question de l'allocation des terrains est d'ailleurs de plus en plus pressante. Même si les réacteurs nucléaires modulaires sont des petits objets industriels, leurs besoins en foncier se comptent en hectares, notamment pour les prototypes qui doivent avoir des normes de sécurité renforcées.

(Avec AFP)