Sûreté des SMR : pourquoi le gendarme du nucléaire sera « beaucoup plus exigeant » avec ces mini-réacteurs

Plusieurs nouvelles startups du nucléaire planchent sur des petits réacteurs atomiques destinés à produire de la chaleur, notamment pour les procédés industriels. Or, en cas de défaillance, il n'est physiquement pas impossible que le procédé des industriels se retrouve contaminé. Le gendarme du nucléaire entend donc se montrer intraitable sur cet aspect-là.
Juliette Raynal
Comme d'autres startups développant des petits réacteurs nucléaires, la société Jimmy entend fournir de la chaleur à des industriels.
Comme d'autres startups développant des petits réacteurs nucléaires, la société Jimmy entend fournir de la chaleur à des industriels. (Crédits : Jimmy)

Calogena, Hexana, Stellaria, Jimmy, Newcleo, Naarea... Le développement de petits réacteurs nucléaires modulaires, qui plus est portés par de jeunes startups, casse le modèle historique du nucléaire tricolore. C'est le constat indéniable dressé par le gendarme du secteur lors d'un point presse ce jeudi 29 février. Et pour cause : le modèle 1-1-1, pour 1 technologie (celle à eau pressurisée), 1 exploitant (EDF), et 1 application (fournir de l'électricité au réseau) est complètement balayé par la dizaine de projets en cours de développement, reposant sur des technologies extrêmement variées aux usages multiples. Une révolution en somme.

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Pour y faire face, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) prévoit des adaptations dans son organisation. Elle a ainsi mis sur pied une mission dédiée aux réacteurs innovants pour étudier leurs projets et a aménagé de nouvelles étapes de dialogue en amont de la phase d'instruction proprement dite.

Les conséquences d'un accident devront être « négligeables »

Mais ce n'est pas tout. Le gendarme du nucléaire entend également exiger des objectifs de sûreté plus élevés que ceux demandés aux réacteurs nucléaires classiques. « Nous allons tirer les conséquences acceptables d'un accident vers le bas et tirer la sûreté vers le haut », a résumé Philippe Dupuy, chargé de la mission réacteurs innovants au sein de l'ASN. Autrement dit, les conséquences liées à un accident nucléaire, même grave, devront restées « négligeables », alors que les conséquences liées à un accident grave d'un réacteur actuellement en service doivent seulement rester « limitées ». « Nous allons être beaucoup plus exigeants avec ces réacteurs », a insisté Philippe Dupuy. La démonstration de sûreté, elle, devra être réalisée avec la même rigueur.

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Si le gendarme du nucléaire entend se montrer plus intraitable à l'égard de ces petits réacteurs modulaires (ou SMR en anglais), c'est notamment en raison de leurs possibles applications. En effet, plusieurs de ces jeunes pousses, comme Jimmy, Hexana, Newcleo, ou encore Calogena, entendent notamment produire de la chaleur grâce à la fission de l'atome. Pour certaines d'entre elles, il s'agit de produire de la chaleur afin d'alimenter des procédés industriels dans l'agroalimentaire, la pharmacie, la chimie ou encore les produits manufacturés.

Or, « à partir du moment où vous interconnectez le procédé nucléaire et le procédé industriel du client, (...) il n'est pas physiquement impossible qu'une partie de la radioactivité du cœur, s'il y a des défaillance au niveau des barrières, se retrouve au niveau du procédé industriel du client », explique le spécialiste.

Risque de contamination

En d'autres termes, cela signifie qu'un accident nucléaire pourrait contaminer le procédé industriel et donc le produit final. Cette porosité n'est pas possible lorsque l'on produit uniquement de l'électricité. « Les électrons qui arrivent chez vous ne seront pas contaminés s'il y a un accident sur le réacteur », pointe le spécialiste, qui insiste sur le fait que l'ASN devra se montrer « intraitable sur cet aspect-là ».

D'autant que les SMR, afin de trouver une rentabilité économique, ont vocation à être fabriqués en série. Les nouveaux sites nucléaires pourraient donc être nombreux et, dans certains cas, situés à proximité de zones moyennement ou densément peuplées. On parle alors de « nouveau nucléaire de proximité ». La question de leur acceptabilité sera donc essentielle.

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, l'ASN a constitué un groupe de réflexion composé de cinq experts en sûreté et de cinq personnes représentant les différentes parties prenantes (société civile, clients industriels, et monde de l'assurance). « C'est une réflexion qui a démarré l'an dernier et qui va se poursuivre et s'ouvrir plus largement », précise t-on. « Ce n'est pas à l'ASN, seule, de décider quel est le niveau de sûreté acceptable », estime le gendarme du secteur.

Des petits réacteurs intrinsèquement plus sûrs que les gros ?

Si les SMR produisant de la chaleur peuvent présenter un risque de contamination des procédés industriels qu'ils sont censés alimenter, ils devraient rester toutefois intrinsèquement plus sûrs que les réacteurs dits de puissance, comme les EPR. Et ce pour plusieurs raisons. « Il y aura moins de puissance résiduelle à évacuer après l'arrêt du réacteur », explique Philippe Dupuy de l'ASN. Par ailleurs, il sera possible de recourir à des systèmes de refroidissement passifs, comme une piscine d'eau par exemple et non une pompe qui demande d'être alimentée. Il y aura donc une moindre sensibilité aux pertes d'alimentation électrique en cas d'accident. Enfin, les barrières de confinement seront beaucoup moins sollicitées physiquement et mécaniquement que dans les gros réacteurs.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 01/03/2024 à 12:59
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dans le but qu'il ne serve a rien ce qui sera le point final du nucléaire en france comme c'est le cas avec l'epr toujours reporte depuis 12 ans ou ont change l'equipe ou ont ment mais au bout il faut une version plausible. pour le gaspillage

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