Pesticides : mis en suspens à cause de la crise agricole, le plan Ecophyto sera finalement présenté en avril

Par latribune.fr  |   |  954  mots
Une version définitive du plan Ecophyto de réduction des pesticides, mis en pause après la crise agricole, devrait être présentée début avril (photo d'illustration). (Crédits : Reuters)
Le gouvernement a annoncé qu'il devrait présenter, en avril, une version définitive du plan de réduction des pesticides appelé Ecophyto. Mais ce dernier marche sur des œufs entre d'un côté les agriculteurs qui dénoncent un plan jugé trop contraignant et les associations de défense de l'environnement qui estiment ne pas avoir été assez écoutés lors de la crise du monde agricole.

Les pesticides continuent à faire parler d'eux. Une version définitive du plan Ecophyto de réduction des produits phytosanitaires - mis en pause après la crise agricole -devrait être présentée début avril, a appris l'AFP ce vendredi auprès de Matignon.

Dans les faits, il s'agira du « plan définitif » qui sera présenté « début avril après les dernières consultations du mois de mars ». Le président Emmanuel Macron notamment doit recevoir une nouvelle fois les représentants des agriculteurs.

Un plan au cœur des revendications des agriculteurs

Ce plan de réduction des pesticides a été au cœur des revendications des agriculteurs lors de leur récente mobilisation. Les pesticides restent considérés comme un « moyen de production » par une majorité d'agriculteurs qui refusent de s'en passer « sans solution alternative » alors que leurs usages sont censés considérablement diminuer d'ici 2030.

Dans le détail, le plan français Ecophyto 2030 maintient l'objectif de réduction de moitié des usages (par rapport à la période 2015-17), mais veut aussi préserver la compétitivité en cherchant des solutions alternatives à 75 molécules — représentant près de 80% des volumes vendus en France, selon l'Inrae — qui sont les plus exposées à un risque de retrait du marché dans les 5-7 prochaines années.

Pour les syndicats agricoles majoritaires, ces changements ne sont donc « pas du tout simples » et se solderaient par une chute de la production ainsi que la destruction des filières. Ils dénoncent surtout des « distorsions énormes de concurrence » au sein de l'UE, jugeant que la France est allée seule plus loin et trop vite. Le gouvernement entend ainsi abandonner l'indicateur qu'il utilise actuellement pour mesurer la réduction de l'usage des pesticides (le Nodu) défendu par les associations environnementales mais contesté par la FNSEA et l'industrie des pesticides, au profit de l'indicateur européen HRI1.

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Les associations de défense de l'environnement sur le pont

La veille de cette précision sur le plan Ecophyto, le Premier ministre Gabriel Attal a reçu à Matignon pour la première fois depuis la crise agricole, les principales associations de défense de l'environnement. Ces dernières ont notamment fait entendre à Gabriel Attal leur « colère » contre ses « reculs » écologiques depuis cette crise, obtenant la promesse d'être de nouveau écoutées mais sans encore avoir reçu de « signaux clairs ».

Il ressort de la réunion, qui a duré deux heures environ, que « nous sommes encore dans le temps de la négociation », résumait jeudi le président de la Ligue pour la protection des oiseaux, nombre d'arbitrages étant encore attendus jusqu'au sommet de l'Etat.

Mais le Premier ministre marche sur un fil : il recevait lundi soir les syndicats agricoles qui font pression en sens inverse. La FNSEA a estimé que le gouvernement n'allait pas « au bon rythme » pour concrétiser les 62 mesures annoncées par l'exécutif pour répondre à leurs revendications. La fédération conteste aussi le pouvoir de décider de l'autorisation d'un pesticide en France dévolu à l'agence sanitaire Anses. Matignon a assuré vendredi que l'Anses « continuerait à délivrer les autorisations » de pesticides.

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« Surtranspositions » sur les pesticides: le gouvernement veut apporter des réponses rapides

En parallèle de ces rencontres avec le Premier ministre, le ministère de l'Agriculture lance vendredi un cycle de réunions pour répondre aux questions sur les « surtranspositions » des normes européennes par la France sur les pesticides. Ces surtranspositions sont dénoncées comme une concurrence injuste par les agriculteurs.

Sous l'égide de la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher, des représentants des administrations, des agences Anses et Inrae, des chambres d'agriculture, des instituts techniques agricoles et des syndicats du secteur se réuniront vendredi pour déterminer les situations les plus problématiques et tenter de trouver des solutions pour les récoltes de cette année.

La profession veut donc avoir « une vision exhaustive de la situation » en France et dans les autres Etats-membres. Dans certains cas, le fabricant de pesticides n'a peut-être tout simplement pas déposé de demande de mise sur le marché dans le pays faute de demande suffisante, ou le produit est autorisé ailleurs car les conditions de culture y sont différentes, a souligné le ministère.

Si des distorsions sont effectivement constatées, il veut « identifier les leviers d'action possibles (...) tels que les reconnaissances mutuelles d'usage de molécules entre États membres ou bien des dérogations 120 jours » de mises sur le marché, autorisées par le règlement européen en cas d'urgence phytosanitaire. Il a notamment été remonté au gouvernement « des différences entre la France et la Belgique, sur les choux, les poireaux et les oignons », a détaillé le ministère. Les filières de la cerise, de la pomme et de la noisette disent aussi se retrouver dans des impasses techniques face à l'interdiction, déjà décidée ou à venir, de produits phytosanitaires.

Dans tous les cas, ces réunions n'ont pas vocation à « ré-autoriser » des produits interdits, « il y a des interdictions qu'on assume » comme sur les néonicotinoïdes, a souligné l'exécutif. Ce travail se fera en parallèle de la nouvelle stratégie de réduction d'usage des pesticides Ecophyto, dont la version définitive doit être présentée début avril selon Matignon, ainsi que du plan Parsada, destiné à anticiper le retrait de certaines molécules dans les années à venir.

(Avec AFP)