Alimentation : malgré la crise du bio, Biocoop croit en son modèle

Le réseau de magasins spécialisés estime que la crise a prouvé sa résilience. Et il mise sur plusieurs signes de reprise.
Giulietta Gamberini
(Crédits : Reuters)

Malgré la crise sans précédent que traverse la filière bio, le premier réseau de magasins spécialisés du secteur en France, Biocoop, se dit « optimiste ». Certes, l'année 2023 a été « complexe », et 2024 sera probablement « sinueuse », a reconnu le 7 mars son tout nouveau président, Henri Godron.

« Mais je suis convaincu que le marché de l'alimentation bio a un avenir », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse en ligne.

Soutien aux magasins

Les difficultés des trois dernières années ont en effet plutôt « montré la résilience du projet Biocoop », estime Henri Godron. En 2023, lorsque le réseau a vu ses volumes baisser de 4-5%, 39 de ses magasins ont fermé : « beaucoup trop », mais quand même peu par rapport aux 298 magasins spécialisés bio qui ont disparu sur la même période en France. 13 nouveaux magasins ont en outre ouvert, sur 32 dans l'Hexagone.

« La résistance de Biocoop est beaucoup plus forte parce qu'on a soutenu les magasins, notamment via des avances de trésorerie », explique Patrick Ribot, directeur général par intérim et directeur financier de la coopérative, qui affirme qu'une centaine de magasins, en « difficultés très sérieuses », bénéficient de cette approche aujourd'hui.

« Nous n'avons pas d'actionnaires à rémunérer, mais des sociétaires qui sont nos actionnaires et nos donneurs d'ordres à soutenir », rappelle-t-il.

Un écart des prix en baisse

Le fonctionnement solidaire de la coopérative -qui représente 12% du marché du bio, et 0,8% de celui alimentaire global- est d'ailleurs aussi l'un des facteurs ayant permis de limiter l'inflation des produits vendus à 13% sur deux ans, contre 20% dans l'ensemble de la grande distribution.

« Chacun a fait des efforts. Les marges ont été limitées tant au niveau de la coopérative que des magasins », assure le réseau.

Lire: Comment Biocoop fait face au défi de l'inflation

Grâce aussi à une moindre augmentation des coûts de production de l'agriculture bio, où on utilise moins d'intrants, à des moindres frais de transports et à des améliorations dans la logistique, l'écart des prix par rapport aux produits issus de l'agriculture conventionnelle s'est donc réduit, note l'enseigne.

Le pari des produits sous marque propre

Selon ses dirigeants, la résilience de Biocoop dépend en outre de l'accent mis depuis des années sur des enjeux aujourd'hui au coeur de la crise agricole ou des préoccupations des consommateurs  -notamment la relocalisation des productions et des prix « justes ». Biocoop se targue ainsi de proposer des produits non seulement 100% bio, mais à 87% français. 26% de son chiffre d'affaires sont issus du commerce équitable, et 15% de la vente d'aliments produits à moins de 150 kilomètres du magasin.

Biocoop mise notamment sur sa marque propre pour rehausser de plus en plus son niveau d'exigences, en travaillant par exemple sur la réduction des produits ultra-transformés ou sur le réemploi des emballages. Or, les ventes des produits sous marque propre ont crû de 9,3% en 2023 par rapport à 2022. La même année, les parts de marché de Biocoop ont augmenté de presque deux points par rapport à celles de concurrents plus « opportunistes ».

Une année rentable

Ainsi, 2023 a été rentable, affirme Biocoop, sans pour autant vouloir encore publier de chiffres.

« Les résultats ont été conformes à nos attentes, et nous avons consolidé nos fonds propres », ajoute Patrick Ribot.

Le chiffre d'affaires de l'enseigne, lui, porté essentiellement par l'inflation, a grossi (de 2,3% globalement, et de 3,1% dans les magasins déjà ouverts depuis deux ans), en atteignant 1,53 milliard d'euros. Tous les secteurs ont progressé, hormis le non alimentaire, qui a le plus souffert de la crise, selon Biocoop.

Des « hausses des prix très mesurées voire inexistantes en 2024 »

Quant à l'avenir, Biocoop met l'accent sur plusieurs signes de reprise. Dès 2023, la fréquentation a ainsi recommencé à croître de 0,8% dans ses magasins -bien qu'accompagnée de nouveaux comportements des consommateurs, qui se tournent de plus en plus vers les premiers prix. Et depuis le début de l'année, on assiste à une nouvelle dynamique, avec notamment un « frémissement des volumes », qui ont augmenté de 5% en février.

Grâce au modèle de Biocoop, « qui offre un avenir » à ses fournisseurs, ces derniers ont en outre présenté des demandes d'augmentations modérées de leurs tarifs lors des dernières négociations commerciales, affirme l'enseigne. Elle prévoit donc des « hausses des prix très mesurées voire inexistantes en 2024 » -sauf pour les fruits et les légumes dont la production est très variable d'une saison à l'autre.

« Un nouveau chapitre »

« Biocoop ne va rien lâcher car nous sommes sûrs d'être sur le bon chemin pour nos sociétaires et pour les citoyens », affirme donc Mathieu Lancry, administrateur auprès de la coopérative.

« Nous continuerons à tout faire pour sauver nos magasins viables, et nous avons la capacité de les soutenir », promet pour sa part Patrick Ribot.

Le réseau prévoit d'ailleurs de nouvelles ouvertures de magasins, « dont certaines très prochainement », assure Henri Godron, qui évoque également deux autres objectifs: celui de « redynamiser le non alimentaire via l'innovation » ainsi que « d'accueillir de nouveaux consommateurs ».

« Biocoop ouvre un nouveau chapitre de son histoire, celui de la reprise », décrète son nouveau président.

Un soutien du gouvernement insuffisant

« Néanmoins, la sortie de crise du bio dépend aussi de la volonté politique », rappelle Mathieu Lancry.

Or, de ce point de vue, la coopérative regrette « l'absence de mesures gouvernementales fortes » :

« Face aux quelque 300 millions d'euros de perte de la filière, les 90 millions d'euros promis dans le cadre du Plan Ambition Bio sont insuffisants », dénonce Mathieu Lancry.

Lire: Les agriculteurs bio déçus par les aides du gouvernement

La coopérative déplore aussi le récent recul du gouvernement sur le plan Ecophyto, qui va à l'encontre de son engagement pour une agriculture biologique exigeante.

Lire: Crise agricole : le gouvernement sous pression sur le dossier explosif des pesticides

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 08/03/2024 à 7:37
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Salariés bien payés, aliments de qualité son modèle est un très bon modèle ,le problème est que la crise économique imposée par nos dirigeants politiques reteignent sérieusement sa croissance car les gens regardent les prix et pas les modèles. "La no...

à écrit le 07/03/2024 à 19:46
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Ils font des promo 1 fois par mois - 15%…les produits sont moins transformés qu’ ailleurs .. pas toujours made in France mais rien de Chine ou autre.. parfois moins cher que Leclerc: un ex des oignons rose ou carottes bio à 3€20 le kilo contre 5€49 ...

à écrit le 07/03/2024 à 19:46
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Ils font des promo 1 fois par mois - 15%…les produits sont moins transformés qu’ ailleurs .. pas toujours made in France mais rien de Chine ou autre.. parfois moins cher que Leclerc: un ex des oignons rose ou carottes bio à 3€20 le kilo contre 5€49 ...

à écrit le 07/03/2024 à 18:48
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BIOCCOP , à l'opposé de la grande distribution ( à quelques exceptions près) , a historiquement tissé des liens DIRECTS avec de nombreux producteurs selon le principe du "circuit courts", locaux et de saison. Ce choix stratégique lui a permis de limi...

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