Les avionneurs face au ralentissement dans le Golfe

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Les avionneurs face au ralentissement[reuters.com]
(Crédits : Pascal Rossignol)

par Cyril Altmeyer et Tim Hepher

PARIS (Reuters) - Les groupes aéronautiques vont devoir compter avec les perspectives moins flamboyantes des compagnies aériennes du Golfe, cruciales pour leurs commandes de long-courriers, mais la dynamique asiatique suffira à justifier leurs montées en cadence dans les monocouloirs, estiment des experts du secteur.

Le salon du Bourget, qui ouvre lundi ses portes pour une semaine au nord de Paris, verra les géants du secteur chercher de nouvelles sources de revenus, notamment dans le digital, pour compenser le ralentissement global du rythme des commandes.

Dans un salon marqué par la présence d'un avion de combat américain pour la première fois depuis des années, le F-35, les groupes également présents dans le militaire pourront communiquer sur la remontée des commandes de défense dans le monde.

Boeing présentera lundi le 737 MAX 10, une version de 190 à 230 sièges de son monocouloir, sa réponse à l'A321neo d'Airbus, qui domine largement ce segment de marché, a-t-on appris auprès de deux sources au fait de ce projet.

Cherchant à surpasser Airbus après des années mitigées pour le MAX, Boeing donnera aussi d'autres précisions sur un projet d'avion de taille intermédiaire, pour capter la demande prévue dans le segment des appareils de 220-270 sièges.

Mais l'époque où une compagnie comme Emirates assurait en grande partie le succès d'un avion comme l'A380 semble désormais révolue, estiment des experts, notant la prudence des avionneurs sur le segment des long-courriers.

"Cela pourrait questionner différemment de futurs gros porteur si tant est qu'un des deux constructeurs a des velléités de relancer un tel programme aujourd'hui", estime de son côté Alain Guillot, responsable du bureau parisien d'AlixPartners.

En cause, les récentes déconvenues des compagnies du Golfe, assises sur des croissance insolentes justifiant des commandes massives de gros porteurs.

Etihad Airways, qui a investi dans la compagnie italienne en difficulté Alitalia, a dit s'attendre à une nouvelle année difficile à cause du ralentissement de la croissance, tandis qu'Emirates a vu son bénéfice annuel baisser pour la première fois en cinq ans en raison de la concurrence accrue.

Pour Qatar Airways, le ciel s'est assombri depuis la mise au ban début juin de l'émirat par l'Arabie saoudite, ses alliés du Golfe ainsi que l'Egypte et le Yémen, sous l'accusation de complaisance envers les islamistes et l'Iran, entraînant la fermeture des frontières aériennes, maritimes et terrestres avec le pays, une situation jugée inquiétante par Airbus.

"La situation des compagnies du Golfe, jusqu'à maintenant était : le ciel est bleu, tout va bien", souligne Pascal Fabre, l'un des responsable de l'étude d'AlixPartners. "(Elles) font face à une difficulté qui est une nouveauté pour l'industrie".

Certaines commandes de long-courriers passées par centaines vont sans doute devoir être rééchélonnées, mais le carnet de commandes d'Airbus et Boeing, assis sur la croissance exponentielle de la demande mondiale, est suffisamment étoffé pour contrebalancer des défections venant du Golfe, souligne-t-il.

Selon Accenture, la demande de l'Asie-Pacifique devrait progresser de 7,5% en rythme annuel cette année contre 3,2% en 2016.

LE 3E AGE DE L'AÉROSPATIALE

Mais, dans le même temps, le type d'avions vendus et entretenus dans le monde changera radicalement dans les années à venir : en 2025, les appareils de nouvelles génération représenteront presque toutes les livraisons et constitueront plus que la moitié de la flotte mondiale, selon le cabinet Oliver Wyman.

Dans le souci de produire plus vite et mieux, les avionneurs et les équipementiers devraient rivaliser d'innovations dans le digital, comme l'impression 3D adaptée aux métaux qualifiés pour l'aérospatiale et non plus seulement au plastique.

Thales, qui a investi un milliard d'euros dans le digital en trois ans, veut s'imposer également dans le "big data" industriel, permettant d'agglomérer des données pour mieux concevoir, fabriquer et entretenir des équipements.

Ce n'est pas un hasard si le groupe a annoncé mercredi l'ouverture d'une "digital factory", plate-forme numérique de services industriels regroupant d'ici l'an prochain 150 experts des technologies clés de l'aérospatiale, la défense, les transports et la sécurité.

Selon une enquête de Roland Berger, les deux tiers des responsables d'entreprises disent avoir déjà mis en place des processus destinés à accélérer la transformation digitale.

Et plus de 20% d'entre eux estiment que la flexibilité croissante des start-up et d'autres concurrents constitue une menace majeure pour leur réussite commerciale.

Pour conjuguer ces deux priorités, Airbus a ainsi recruté dans le Silicon Valley un ancien de Google, Paul Eremenko, 37 ans, qui a présenté début juin à Toulouse la stratégie du groupe pour réussir dans ce qu'il a qualifié de "troisième âge" de l'aérospatiale.

Parmi les innovations dans les tuyaux, un futur avion électrique issu des expérimentations comme l'E-Fan, et des véhicules aériens urbains dignes de films de science-fiction.

(Edité par Jean-Michel Bélot)