L'Iran serait prêt à parler de son arsenal balistique

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(Crédits : Raheb Homavandi)

ANKARA/LONDRES/WASHINGTON (Reuters) - L'Iran a suggéré aux signataires de l'accord de juillet 2015 sur son programme nucléaire qu'il était prêt à parler avec eux de son arsenal balistique pour dissiper les tensions qu'il suscite, a-t-on appris de sources occidentales et iraniennes proches du dossier.

Cité par l'agence de presse Mehr, le ministère iranien des Affaires étrangères a réaffirmé vendredi soir que le programme balistique de la République islamique, à visée défensive, n'était pas négociable et a réfuté ces révélations.

"Dans toutes les rencontres diplomatiques bilatérales, l'Iran a souligné que son programme balistique défensif n'était pas négociable et qu'il n'était pas contradictoire avec la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l'Onu (ndlr, qui a endossé l'accord signé en juillet 2015 à Vienne sur le programme nucléaire)", a déclaré Bahram Qasemi, le porte-parole du ministère cité par Mehr.

Pour Washington, la volonté iranienne d'étoffer son arsenal de missiles est contraire à l'esprit de l'accord de Vienne conclu en juillet 2015 entre l'Iran et les puissances du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu - Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine - plus l'Allemagne).

Mais selon ces sources, la République islamique, face au risque d'une dénonciation américaine de l'accord de Vienne, aurait pris contact avec ses signataires pour évoquer avec eux "certaines dimensions" de son programme balistique.

"Lors de leurs rencontres en marge de l'Assemblée générale de l'Onu, le mois dernier, l'Iran a dit (aux grandes puissances) qu'il était prêt à discuter de son programme de missiles pour dissiper les inquiétudes", a-t-on déclaré à Reuters de source iranienne.

Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, et son homologue américain Rex Tillerson, se sont notamment vus pour la première fois à cette occasion.

"Les Américains ont exprimé leurs inquiétudes au sujet des capacités balistiques de l'Iran et Zarif a répondu qu'il était possible d'en discuter", a expliqué un responsable iranien ayant requis l'anonymat.

Zarif a également rencontré les ministres des Affaires étrangères des cinq autres pays signataires du Plan d'action conjoint commun (JCPOA), le nom officiel de l'accord de Vienne.

Des sources américains et occidentales n'ont pas confirmé que la question avait été débattue lors de l'entretien Zarif-Tillerson mais deux membres de l'administration américaine ont rapporté que Téhéran avait fait savoir récemment par la presse et via des pays tiers comme le sultanat d'Oman que son offre tenait toujours.

BALLONS D'ESSAI

Un ancien responsable du département américain d'Etat a indiqué que l'Iran avait fait de discrètes ouvertures vers Washington au cours des dernières semaines. "L'Iran a lancé des ballons d'essai suggérant qu'il était prêt à débattre de son programme de missile balistique et active des contacts, parmi les rescapés de l'administration Obama", a-t-il dit.

Ces possibles ouvertures interviennent alors que Donald Trump, qui n'a de cesse de dénoncer le "pire accord jamais conclu", s'apprêterait à annoncer son intention de ne pas certifier que l'Iran respecte l'accord de Vienne, a annoncé jeudi un membre de son administration ayant requis l'anonymat.

Un tel développement ouvrirait la voie à une dénonciation du JCPOA. Or l'Iran a prévenu qu'il ne l'appliquerait plus si les Etats-Unis décident de s'en retirer.

"Zarif sait que si Trump persévère et 'décertifie' l'Iran, l'Iran sera en position de supériorité et les Etats-Unis seront isolés parmi le P5+1", note un responsable américain au fait des rapports avec Téhéran.

Selon un haut responsable iranien, s'exprimant lui aussi à la condition que son anonymat soit respecté, le président iranien Hassan Rohani, son ministre des Affaires étrangères et plusieurs commandants des Pasdaran, les gardiens de la Révolution, ont rencontré à plusieurs reprises l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution qui a la haute main sur la politique iranienne.

"Le Guide ne s'est pas montré optimiste lors de ces rencontres parce qu'il ne fait pas confiance aux Américains. D'autres ont soutenu que la tension croissante sur le programme balistique pourrait être réglée par des discussions", a-t-il dit.

L'objectif, poursuit-il, ne serait pas de mettre un terme ou de suspendre le programme de missiles mais de "négocier certaines de ses dimensions, comme une limitation de la production de certains types de missiles avec des portées spécifiques".

Interrogé sur ces éventuelles ouvertures des Iraniens, un diplomate français a répondu: "Nous parlons de tout avec eux, y compris du programme balistique. Notre objectif est que cela aboutisse à des actes concrets. Sur la question balistique, ils répètent que c'est totalement défensif et que cela n'a rien à voir avec le nucléaire."

(Parisa Hafezi, Jonathan Saul et John Walcott; avec John Irish à Paris et Yara Bayoumy à Washington; Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)