Assurance maladie : La Cour des comptes prône un cadre plus strict

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L'avenir de l'assurance maladie passe par des reformes, selon la cour des comptes[reuters.com]
(Crédits : Regis Duvignau)

PARIS (Reuters) - Des réformes ambitieuses d'organisation et de gestion sont indispensables sur le long terme pour garantir la modernisation du système de soins et la pérennité de l'assurance maladie, estime la Cour des comptes dans un rapport publié mercredi.

L'institution recommande aux pouvoirs publics "un changement de paradigme" faisant reposer la régulation sur l'amélioration de l'efficacité des dépenses, tout en donnant la priorité à la prévention et à la qualité des soins par une responsabilisation des patients et des professionnels, notamment libéraux.

Ces "évolutions fortes et vigoureuses" ne visent "en aucune manière (à) remettre en cause fondamentalement les libertés de choix du praticien par les patients ou d'installation des professionnels de santé", a dit lors d'une conférence de presse le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud.

Certaines des pistes proposées par la Cour risquent d'être accueillies fraîchement par les professionnels de santé libéraux, comme celles mettant en jeu leur conventionnement - et donc le remboursement de leurs prestations par l'assurance maladie - afin d'orienter leur installation pour rééquilibrer l'offre de soins ou de limiter les dépassements d'honoraires.

Dans une évaluation "qui ne prétend pas à l'exactitude", la Cour estime ainsi que les gains potentiels liés à une meilleure répartition des professionnels de santé pourraient être compris entre 0,8 et 3,2 milliards d'euros.

Au-delà du seul aspect financier, "la mobilisation des marges nombreuses et considérables d'efficience des dépenses de santé s'impose d'abord comme une nécessité au regard même de la qualité et de la pertinence des soins", souligne la Cour.

"Le contexte d'amélioration réelle mais fragile des comptes sociaux doit constituer une opportunité pour repenser leur régulation financière", a déclaré Didier Migaud.

Dans cette optique, la Cour préconise en premier lieu de rénover le pilotage financier de l'assurance maladie, avec une règle d'équilibre spécifique et un renforcement de l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie).

RENFORCER ET ADAPTER L'ONDAM

Elle suggère d'une part d'intégrer en son sein l'Ondam un sous-objectif dédié à la prévention et d'autre part de décliner cet outil de maîtrise des dépenses à l'échelle régionale.

Autre piste de réforme proposée : une clarification des rôles de l'assurance maladie obligatoire et des assurances complémentaires, alors que la situation actuelle génère des inégalités dans l'accès aux soins.

Côté système de soins, au-delà des suggestions sur l'installation et les dépassements d'honoraires, la Cour propose aussi des mesures visant à renforcer la permanence des soins de ville pour désengorger les urgences hospitalières, ou encore à faire évoluer les tarifications pour davantage intégrer l'innovation et la qualité des soins et augmenter la part des rémunérations forfaitaires.

Pour mener à bien ces réformes "multiples et complexes", la Cour recommande d'envisager la création d'une Agence nationale de santé combinant les compétences de l'Etat (sur l'hôpital) et de l'assurance maladie (sur les soins de ville), qui permettrait de rendre plus cohérente la mise en oeuvre des politiques de santé toujours pilotées par le ministère de la Santé.

A l'heure actuelle, les "performances honorables" du système de santé français, avec par exemple une espérance de vie parmi les plus élevées du monde, recouvrent des "faiblesses persistantes", avec un taux de mortalité infantile élevé, une forte mortalité précoce évitable liée au tabac ou à l'alcool et une accentuation des inégalités d'accès aux soins.

ENDETTEMENT SOCIAL "CONSIDÉRABLE"

Ces résultats "en demi-teinte" sont obtenus au prix de dépenses très élevées - 11% du produit intérieur brut (PIB) en 2016 - dont le poids est voué à fortement augmenter au cours des vingt à trente ans à venir sous l'effet combiné du vieillissement, de la multiplication des maladies chroniques et du coût croissant des médicaments innovants.

Ces perspectives font peser des risques sur l'assurance maladie, les politiques de maîtrise des dépenses ayant atteint leurs limites et les déficits chroniques ayant alimenté une dette sociale "considérable" (151,1 milliards fin 2016).

Malgré une amélioration du pilotage annuel du niveau des dépenses, le respect de l'Ondam depuis 2010 a régulièrement été facilité par "des prévisions accommodantes et des biais de construction", note la Cour.

Par ailleurs, la réduction de 2,4 milliards d'euros du déficit de l'assurance maladie sur la période 2014-2017 résulte "pour l'essentiel (de) transferts de recettes à son profit depuis les autres branches", à hauteur de 2,2 milliards d'euros.

La Cour juge donc que la situation de la branche maladie de la sécurité sociale "reste très préoccupante", même si le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit de ramener son déficit à 0,8 milliard, contre -4,1 milliards cette année.

Dans leur réponse, les ministres de la Santé Agnès Buzyn et des Comptes publics Gérald Darmanin rappellent que le PLFSS 2018 prévoit que la branche maladie, seule déficitaire au sein du régime général en 2018, retrouvera l'équilibre à partir de 2019.

Au-delà de l'instauration d'une règle d'équilibre des comptes sociaux - un engagement du Premier ministre Edouard Philippe dans son discours de politique générale le 4 juillet - ils notent que "beaucoup de recommandations de la Cour des comptes prendront leur place" dans la stratégie nationale de santé qui doit être finalisée d'ici la fin de l'année.

"Nous ne partageons pas en revanche la recommandation de la Cour sur l'introduction généralisée de règles de conventionnement sélectif", précisent-ils.

(Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)