Tillerson propose des discussions USA-Corée du Nord sans précondition

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Usa-coree du nord : tillerson propose des discussions sans precondition[reuters.com]
(Crédits : Jonathan Ernst)

par David Brunnstrom et Matt Spetalnick

WASHINGTON (Reuters) - Le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, a proposé mardi l'ouverture de discussions directes entre les Etats-Unis et la Corée du Nord "sans condition préalable".

Ces déclarations marquent un changement de ton de la part de Washington, qui exigeait jusqu'à présent que Pyongyang accepte en premier lieu que la finalité d'éventuels pourparlers soit de renoncer à son arsenal nucléaire.

On ignore cependant dans quelle mesure Rex Tillerson, dont l'influence sur la diplomatie américaine paraît faible, bénéficie du soutien de Donald Trump pour proposer une telle ouverture diplomatique.

"Nous sommes prêts à avoir la première réunion sans condition préalable", a dit Rex Tillerson dans un discours devant l'Atlantic Council, un cercle de réflexion à Washington.

"Ce n'est pas réaliste de dire que nous parlerons uniquement si vous venez à la table des négociations en étant prêt à renoncer à votre programme", a-t-il ajouté. "Ils ont trop investi dedans. Le président est lui aussi très réaliste à ce sujet."

La Maison blanche a toutefois publié par la suite un communiqué ne permettant pas de conclure que Donald Trump approuve les propos de son secrétaire d'Etat. "L'opinion du président au sujet de la Corée du Nord n'a pas changé", écrit la Maison blanche. "La Corée du Nord agit de manière dangereuse (...). Les actions de la Corée du Nord ne sont bonnes pour personne et elles ne sont certainement pas bonnes pour la Corée du Nord."

Les tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Nord n'ont cessé de croître cette année en raison de la multiplication des tirs de missiles balistiques et des essais nucléaires nord-coréens. Pyongyang reproche pour sa part aux Etats-Unis ses manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud, que le régime de Kim Jong-un perçoit comme une menace.

Ces tensions ont été aggravées par la guerre des mots et les échanges de menaces qui opposent régulièrement les dirigeants nord-coréens, dont Kim Jong-un, au président américain Donald Trump.

ÉTABLIR UNE FEUILLE DE ROUTE

Une nouvelle étape a été franchie le mois dernier avec le tir par la Corée du Nord d'un nouveau missile balistique intercontinental capable, selon elle, d'atteindre le territoire américain.

Tout en réitérant la position exprimée de longue date par Washington, qui dit ne pouvoir tolérer une Corée du Nord dotée d'une capacité nucléaire militaire, Rex Tillerson a déclaré que les Etats-Unis étaient "prêts à discuter à tout moment où ils seraient prêts à discuter". Il faudra toutefois au préalable une "période de calme" sans essai nucléaire ou de missile balistique.

Le secrétaire d'Etat a usé d'un ton particulièrement apaisé pour proposer à Pyongyang une simple prise de contact.

"Nous pouvons discuter de la pluie et du beau temps si vous voulez. Nous pouvons discuter du fait de savoir si ce sera une table carrée ou une table ronde", a-t-il dit. "Puis, nous pouvons commencer à dérouler une carte, une feuille de route, sur les objectifs vers lesquels nous pourrions vouloir travailler."

Rex Tillerson a déjà par le passé exprimé la volonté de recourir à la voie diplomatique avec la Corée du Nord et il a assuré mardi que Donald Trump "encourage(ait) nos efforts diplomatiques". Le président américain a pourtant jugé dans un message publié en octobre sur Twitter que son secrétaire d'Etat "perd(ait) son temps" en voulant négocier avec Kim Jong-un.

Le secrétaire d'Etat a aussi révélé que les Etats-Unis discutaient avec la Chine des moyens de protéger l'arsenal nucléaire nord-coréen en cas d'effondrement du régime au pouvoir à Pyongyang. Il a rapporté que la garantie avait été donnée à la Chine que les forces américaines se replieraient ensuite en territoire sud-coréen si elles devaient un jour pénétrer en Corée du Nord.

LA CORÉE DU NORD VA CONTINUER À ÉTOFFER SON ARSENAL, DIT KIM

Rex Tillerson a souligné que les Etats-Unis oeuvraient à une meilleure application des sanctions internationales contre la Corée du Nord, notamment auprès de la Chine.

Tout en proposant cette ouverture diplomatique, il a aussi rappelé que les Etats-Unis disposaient d'une gamme complète d'options militaires si le besoin s'en faisait ressentir.

"Il est important que les efforts diplomatiques soient appuyés par une option militaire alternative très crédible", a-t-il dit.

Jeffrey Feltman, secrétaire général adjoint de l'Onu aux affaires politiques, s'est rendu la semaine dernière en Corée du Nord, où il a notamment rencontré le ministre des Affaires étrangères, Ri Yong-ho.

Il a rapporté mardi que ses interlocuteurs nord-coréens n'avaient pris "aucune sorte d'engagement" en vue d'éventuelles négociations. "Le temps dira quel a été l'impact de nos discussions mais je pense que nous avons laissé la porte entrouverte et j'espère ardemment que la porte vers une solution négociée va maintenant s'ouvrir complètement", a-t-il dit à la presse après avoir informé le conseil de sécurité des Nations unies de sa visite.

"Ils ont besoin de temps pour assimiler et réfléchir à la manière dont ils vont réagir à notre message", a-t-il ajouté.

Lors d'une cérémonie de décoration de scientifiques et de responsables ayant participé au développement du missile balistique intercontinental Hwasong-15 tiré le 29 novembre, Kim Jong-un a déclaré que la Corée du Nord allait continuer à se doter d'armes et d'équipements pour "renforcer (sa) force nucléaire en qualité et en quantité", a rapporté mercredi l'agence de presse nord-coréenne.

(Avec Michelle Nichols aux Nations unies et Christine Kim à Séoul; Bertrand Boucey pour le service français)